Une histoire de l'EDIC Sabre


Chargement de silos de ciment pour la construction de puits de forage de tirs au Centre d'Expérimentations Nucléaire du Pacifique (juillet 1995).
En 1986, la DIRCEN (Direction des Centres d'Expérimentations Nucléaires) commande à la Société Française de Construction Navale (Villeneuve La Garenne, Hauts-de-Seine), un EDIC (Engin de Débarquement d'Infanterie et de Chars) type 700 destiné au soutien des centres d'essais nucléaires du Pacifique. Ce modèle de navire, déjà exporté au Liban et au Sénégal est étroitement dérivé des EDIC 61 dont cinq exemplaires ont été précédemment construits pour la marine française. Mis sur cale en 1986, lancé le 2 mars 1987, celui qui est alors connu sous le nom d'EDIC 9051 est admis au service actif le 13 juin 1987.

C'est enradié dans le TCD Ouragan, qu'il quitte Brest le 17 juin 1987 pour une traversée de plus de trois mois via Djibouti, Mayotte et Nouméa. Arrivé à Mururoa le 28 septembre 1987, le petit navire amphibie commence son travail de ravitaillement, se substituant progressivement aux EDIC 9072, 9073 et 9074 arrivant en fin de vie. Sa mission essentielle est axée sur le transport entre Papeete et les différents sites d'expérimentations nucléaires. Le chargement est des plus diversifié : silos à ciments, eau douce, matériel pour chantier de construction, citernes d'essence, conteneurs, coffres anticycloniques…


Remise officielle des "clés" du L9051. La DIRCEN reverse le bâtiment à la Marine nationale (12 septembre 1994- Photo MN)

Suite à réduction d'activité due à la suspension des essais nucléaires, celui qu'on appelle familièrement le 9051 cesse toute navigation le 15 juin 1992 avant d'être mis en complément à Mururoa le 1er juillet 1992. Une équipe réduite en assure le gardiennage et la conservation. Le 20 août 1993 il est replacé position armée et reprend ses missions de ravitaillement.

Le 12 septembre 1994, la DIRCEN reverse le bâtiment à la Marine nationale qui l'affecte à Papeete au sein des forces de souveraineté. Une cérémonie symbolique, avec remise de clé, est organisée entre les deux propriétaires successifs. Hors soutien ponctuel aux sites d'essais nucléaires, les missions se recentrent sur des activités à caractère militaire et le commandement est confié à un officier à partir d'août 1995. Cependant, comme pour la majorité des unités stationnées outre-mer, les missions de service public génèrent une activité importante. On voit ainsi l'EDIC transporter des citernes de récupération d'eau de pluie sur l'atoll de Mopella ou des catamarans de l'école de voile d'Arue vers l'île de Tahaa au cours de l'opération Saga Vanilla.

En 1997, l'état-major de la Marine décide de muter l'EDIC 9051 à la flottille amphibie à Toulon. L'Ouragan est à nouveau désigné pour ce transport transocéanique. Partant de Papeete le 12 janvier 1998, le convoi comprenant également Maïto rallie Toulon le 1er mars 1998 après escale à Mururoa, Nuku-Hiva, Clipperton, Balboa, Pounta Delgada et Brest.

Depuis son stationnement en région maritime méditerranée, son rôle essentiel est de débarquer véhicules et personnel sur des plages préalablement reconnues, agissant seul ou occasionnellement comme batellerie des TCD dans une zone de navigation comprise entre l'Espagne, L'Italie et la Sardaigne.


Sur ponton flottant au chantier Mariotti de Gênes (Italie - février 2004)

Certaines missions secondaires le détournent épisodiquement de son activité habituelle :surveillance maritime en zone Corse, concours divers au profit de l'armée de terre et de l'aéronautique navale, vérification et acquisition de données sur les zones de plageage possibles, service public, représentation avec notamment escale à Port-Vendres, Porto-Torrès (Sardaigne), Propriano et aux Baléares.

Par décision du 27 avril 1999, l'amiral Jean-Charles Lefebvre, chef d'état-major de la marine, décide de baptiser les deux EDIC 700 en service. L'EDIC 9051 devient officiellement Sabre, reprenant le patrimoine et les traditions de ses trois prédécesseurs. Les noms de de Mousquet ou d'Arquebuse avaient été néanmoins évoqués.

En 2004, le Sabre fera sa première IPER "hors DCN", puisque, mise en concurence européenne oblige, c'est la société V-Ship France associée au chantier génois Mariotti qui emporte le marché. C'est la première fois depuis plus de 100 ans qu'un bâtiment de la Marine est entretenu par un chantier italien.

Jusqu’au 16 juin 2006, la Marine nationale et les forces armées marocaines participent à l’exercice Chébec, qui vise préparer en commun la gestion d'une situation de crise (assistance lors d'une catastrophe à terre). Le 1er juin, le Jean de Vienne avec à son bord un hélicoptère Lynx, la frégate marocaine Hassan II et son hélicoptère Panther, un hélicoptère Super Frelon de la 32F et une Alouette III de la 35F basés à Hyères ainsi que des moyens spécialisés du Bataillon de Marins-Pompiers de Marseille, effectuent un premier exercice d'entraînement à l'assistance aux victimes d'un tremblement de terre, sur différents sites de l'agglomération marseillaise. Le 10 juin, les navires et hélicoptères embarqués, ainsi que les Marins Pompiers de Marseille portent secours à la population d'Al Hoceima touchée fictivement par un tremblement de terre, aux côtés du TCD Siroco, de l'EDIC Sabre, d'une seconde frégate marocaine, de deux patrouilleurs marocains, et d'équipes de secours marocaines.

Du 7 au 12 juillet 2006, l'EDIC fait escale à La Ciotat, accueillant à son bord 40 tableaux des Peintres Officiels de la Marine. Son périple méditerranéen se poursuit au Grau-du-Roi du 12 au 17 juillet pour l'évènement "La Marine fait escale dans les ports" à l'occasion de la fête nationale du 14 juillet.

Le 12 septembre 2006, le concours de l’EDIC est demandé avec un faible préavis pour effectuer une escale officielle à Port-Vendres. C’est après un transit fortement agité que le Sabre accoste le 16 septembre dans le port. Au cours de cette brève escale de 24 heures, un accueil très chaleureux a été réservé à l’équipage. Les visites du bâtiment et la participation de l’équipage au défilé et à la cérémonie du tricentenaire de la naissance du Maréchal de Mailly, ont recueilli un franc succès. Forte d’une culture très largement tournée vers la mer et désireuse de renouer des liens avec un bâtiment de la Marine Nationale, la municipalité propose au Sabre de devenir sa ville marraine. La ville de Port-Vendres était sans filleul depuis le désarmement du Cantho en 1986. Se succèdent alors rapidement la décision unanime du conseil municipal et l’agrément du chef d’état major de la Marine, signé le 23 octobre.

C’est une troupe un peu particulière que le Sabre a débarquée à Argelès-sur-mer le mardi 2 octobre 2007. Profitant d’une journée de répit au cours de l’exercice amphibie Meloria 7, il s’accoste à Port-Vendres pour y retrouver 30 élèves de deux classes qu’il parraine. Et comme promis lors de sa dernière escale, il appareille avec ces moussaillons pour quelques heures de navigation. Une sortie en mer facilement organisée grâce aux liens personnels tissés avec l’équipe municipale, les autorités portuaires et les enseignants, au fil des escales dans sa ville marraine.

Du 5 au 8 octobre 2007, dans le cadre du festival du film militaire d'Antibes, du tricentenaire de la disparition du maréchal Vauban et de la journée nationale du réserviste, le bâtiment de débarquement de chars et d'infanterie Sabre fait escale au port Vauban à Antibes, quai des milliardaires. A cette occasion, le bâtiment propose d'accueillir le public.


L'EDIC Sabre à la mer devant Port-la-Nouvelle (15 mars 2004).
Le lundi 14 janvier 2008, le Sabre entre en période d’entretien. Une course contre la montre s’engage. En effet, de nombreux travaux doivent être réalisés en seulement 4 semaines : contrôles de l’instrumentation des moteurs et de nombreux appareils et accessoires : pompes, vannes, compresseurs, collecteurs, … L’équipage doit démonter et amener ces matériels aux AMF (Ateliers Militaires de la Flotte) qui en effectuent le contrôle et la réparation si nécessaire. Le vendredi 8 février, dernier jour de cette période d’entretien, les moteurs doivent êtres balancés (terme marine qui signifie qu’ils sont testés, et non jetés par dessus bord!).

Le 23 février 2008, le Sabre plage au Dramont, sur la commune de Saint-Raphaël, dans le cadre du tournage d’un court métrage sur le débarquement de Provence. Pour les besoins du scénario, il est rebaptisé US 522. Pour présenter cette page trop méconnue de l’histoire de sa région, Thomas Lemoine, étudiant en doctorat d’histoire à Nice et acteur amateur, décide de lui consacrer un court métrage. Ce jeune réalisateur plein d’audace réussit à convaincre les autorités territoriales et le ministère de la défense. Il obtient l’autorisation de tourner dans le camp du 21ème RIMA (Régiment d'Infanterie de MArine) pour les phases de combats et sur la plage du Dramont avec le Sabre pour les phases amphibies. Une association de passionnés de la seconde guerre mondiale lui fournit véhicules d’époque et figurants.

Le 23 juin 2008, l'EDIC quitte définitivement Toulon encadré par 6 CTM (Chaland de Transport de Matériel) lui rendant les honneurs. Après escale à Malaga et Santa Cruz de Ténériffe, il rallie Dakar le 15 juillet 2008 et intègre les FFCV (Forces Françaises du Cap-Vert). Rejoignant le CTM 26, il renforce les moyens amphibies français disponibles en Afrique de l'Ouest. Son activité est désormais partagée entre opérations amphibies, concours à l'entraînement du 23ème BIMA (Bataillon d'Infanterie de Marine) et des forces armées Sénégalaises, transports et concours les plus divers, reconnaissances de sites, missions de service public...

Le 14 novembre 2008, en navigation au large de N’Gazobil dans le cadre de l'exercice interarmées franco-sénégalais Amitié 28, Sabre aperçoit une pirogue de pêche en difficulté avec son bord, quatre personnes appellant à l’aide. Se détournant immédiatement, l'EDIC prend la pirogue en remorque jusqu'au port de Rufisque atteint à 20h15 après plus d’une heure de remorquage à petite vitesse. À la demande des autorités du Cap Vert, Sabre participe à un exercice bilatéral interarmées franco-capverdien du 9 au 17 décembre 2008 dans la région de Tarrafal, situé à 80 km au nord de Praia la capitale.

Le 15 janvier 2009, en transit vers le Bénin, Sabre se détourne à nouveau de sa route pour porter assistance à une pirogue en détresse à trente nautiques au large de la Gambie. L‘embarcation compte sept pêcheurs sénégalais dont un enfant de dix ans et dérive depuis huit jours au gré des courants et sous un soleil accablant. Leurs deux moteurs étant vétustes et hors d‘état de marche, les tentatives de réparation restent vaines et une seconde pirogue est déroutée afin de s‘assurer de leur retour à bon port.


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