Histoire de la BAN Saint-Mandrier (1951-1959)


Le Bellatrix en vol.

1951
La situation en personnel persiste dans la pauvreté. Tout le personnel de la base, à quelques exceptions près, changera dans l'année (345 hommes). La grogne gagne même les gendarmes qui, en mars, le 22 pour être exact, par l'intermédiaire de leur commandement, prévoient de quitter Saint-Mandrier pour des questions de logement (ils habitent une maison au village de Saint-Mandrier) et demandent la construction d'une caserne dont le commandant refuse l'implantation sur la base du fait de son exiguïté et parce que la venue des familles sur la BAN n'irait pas sans problèmes. L'exode du personnel volant vers l'armée de l'air s'amplifie. La 30S reçoit 2 DO supplémentaires (ce qui lui en fait 6), venant de la 9F/Karouba. Ces 2 DO sont en piteux état : elle retombe à 4 DO. Le DO 23 effectue un amerrissage d'urgence au large de Saint Raphaël, en panne d'hélices. Il est endommagé et remorqué à la base. Mais, baume peut-être sur leur misère, 2 DO de la 30S se posent à Pollensa (Baléares) où ils rendent visite à leurs collègues SAMAR d'Espagne. Les ST installent une tourelle translucide dans le milieu dorsal d'un DO pour améliorer la veille. Les essais sont très satisfaisants (cette tourelle existait sur certaines versions allemandes).


Octobre amène à Saint-Mandrier une escadrille pas comme les autres. Ses aéronefs ont une hélice, à la verticale, sur le dos, et pas d'ailes...

La 33S est réduite à un seul équipage, celui de l'Altaïr. Le Sirius n'existe hélas plus depuis le 27 juin 1951. Un amerrissage très malheureux à Port-Lyautet l'a détruit : 7 hommes sont morts avec lui : les EV Jaussoin (C.A.), Thibault, PM Soumy, SM Cariou, SM Ponget, QM Jandot et M2 Schmacke de la maison Snecma. Le 2ème et dernier Breguet est le Bellatrix, en RG.
Octobre amène à Saint-Mandrier une escadrille pas comme les autres. Ses aéronefs ont une hélice, à la verticale, sur le dos, et pas d'ailes, la 58S, créée le 5 octobre 1951, avec, pour commandant, le CC Le Barbier, et 28 hommes. Le personnel des Sunderland de la 7F est là, bien intéressé par cette machine qui a aussi une hélice sur la queue et qui fait du vent. La 58S, très fière de ces objets, est la première flottille d'hélicoptères de l'aéronautique navale et la première école d'hélicoptères. Une partie de la 58S est chez Westland pour se transformer sur S55. Le premier Bell 47 DI, le 58S1, bien sûr, vient par un mauvais temps de nuages bas, en sautant d'escale en escale, Paris, Joigny, Auxerre, Châlons, Belleville/s/Saône, Lyon, Romans, Istres, bref, à peu de choses près, par l'autoroute du ciel comme un astre nouveau. Quatre pilotes, au début, ont le droit de toucher à cette merveille (CC Le Barbier, EV Le Moustre, PM Lucas, et bientôt l'EV Arnoult qui n'est encore que sur S51). La 31ème SAMAR du MP timonier Bertho a reçu un renfort de vedettes, dites Meulan, (140 et 141) pour épauler les 4 vedettes Thornycroft de la RAF qui accusent quelque fatigue (612.613.621.622).


Le bâtiment équipage.

1952
Janvier 1952, l'escadrille 30S est dissoute. Les quelques Dorniers qui ont encore un potentiel suffisant rejoignent Karouba, un d'entre eux, le DO n°40 vole vers Hourtin et la 53S, les autres sont condamnés. Le terre-plein Est n'est plus un parc, mais une montagne de ferrailles. La 30S est remplacée par le cours Préparatoire des Elèves de l'Aéronautique navale (CPEAN) sous la direction du LV Léandri. La 33S, devenue seule formation d'hydravions de la base, effectue environ 40h/mois. De son côté, la 58S avec son seul Bell 47 DI présent à Saint-Mandrier, totalise 130h de vol au cours des trois premiers mois de 1952. Il est vrai que les services techniques de la base ont fabriqué des nounous à essence et à huile pour le petit moustique. Bourré d'essence, d'huile et de pompes à main, un beau jour de fin février, notre grenouille rêve d'être aussi grosse qu'un bœuf. Le Bell décolle et tient l'air pendant 8 heures consécutives (CC Le Barbier et EV Le Moustre) : à l'atterrissage, il reste encore une heure de carburant. On rêve de battre le record du monde ; il est là, à portée (9h57min) ! On le battra, cela ne fait pas de doute, mais en attendant, pour faire une publicité de choc au profit des hélicoptères, la 58S demande hiérarchiquement de faire, sur les traces de Roland Garros, le trajet sans escale Nice-Bizerte (7 heures seulement). Contre toute attente, tout le monde, du commandant de la base jusqu'à l'EV Le Moustre, fait l'objet d'une sérieuse réprimande…
Les Sikorski S51 de la 58S sont tous en détachement sur porte-avions. Le 58S12 est accidenté à Djibouti au début de l'année. Comme les oiseaux migrateurs, la 7F, avec le beau temps de mai, revient à Saint-Mandrier avec 6 Sunderland pour 2 nouveaux mois de stage GASM. Pour maintenir l'entraînement des pilotes, 2 SCAN affectés à la 33S avec, pour noms, Deneb (03) et Pollux (04). Le LV Pierlot quitte son commandement le 9 août 1952 et donne la suite au LV Pestel. Pendant les deux années écoulées, 70% des heures de vol de la 33S ont été effectuées en SLAM sur l'AOF. Il ne reste plus que l'Altaïr en service (le Bellatrix est en EG), mais il vole de façon soutenue, le programme est chargé. En fin d'été, l'activité de la 58S grimpe en flèche : 2 nouveaux Bell 47 DI sont arrivés, et les 2S51 de l'Arromanches sont de retour.


Deux Stampe parés au décollage.

Le CPEAN a terminé ses vacances scolaires, envoyé son premier contingent d'élèves-pilotes aux USA, forme le second qui doit partir en janvier. La 31ème section de vedettes change de chef : le MP Timonier Bertho prend la barre. Mais cette section a perdu son commandant organique, la 30S, et l'essentiel de sa raison d'être (coopération avec les Dormier). Octobre et novembre sont des mois actifs. Tout d'abord, lecapitaine de corvette Raymond Cauhapé prend le commandement de la BAN (14 octobre 1952) De nombreux passages d'hydravions : la 53S avec ses DO24, la 7F encore en stage GASM et pour participer à un exercice " long step ", et huit Noroit qui arrivent…pour être stockés. Ils seront engrangés dans le hangar actuel de la 31F dont on demande qu'il soit remis en état, car seules des réparations provisoires ont été faites après la guerre. Dans la petite pluie d'automne, le CA Ruyssen, chef du SC/Aéro et le CV Thabaud viennent sur la base et partent chacun dans un Bell vers l'île du Levant. Au retour, la pluie est devenue plus mouillante et, pour ne pas tremper les deux passagers de marque, les deux Bell entrent en vol de groupe dans leur hangar vide. Simple, mais il fallait y penser. Le 3 novembre, le vent fort se lève, monte à 50 nœuds. L'Altaïr s'était mis à l'abri au Creux Saint-George, mais sa pantoire abandonne la bouée et, sans personne à bord, il s'en va gentiment vers le fond du village. Plusieurs pêcheurs sautent dans leurs pointus et arrivent, avec une aussière, à ralentir sa dérive. L'Altaïr sera recueilli sans dommage. Dans les derniers mois de 1952, le manque d'eau se fait cruellement sentir et la DP fait d'incessant va-et-vients avec sa citerne La Fraiche (17500 m3 en 6 mois).


Les Bell et Hup, apportés par le Dixmude, au hangar.

1953
En janvier, la 58S détache 2 Bell 47 sur le La Fayette, à titre d'essai. Le 28, l'un de ces hélicoptères Pédro sauve l'EV1 Villedieu de Torcy qui s'était mis à l'eau avec son F6F. En avril 58, la 58S dispose de 3 Bell dont un acheté d'occasion à la société Fenwick (n°214). Elle a aussi en Indochine 2 S51. En février, le CV Digard, commandant le corps amphibie, vient pour implanter l'Ecole des nageurs de combat à la BAN pour "quelques" mois. La base est pleine à craquer car il faut installer la 23S armée de 4+2 Hup2 qui assure, à partir de 1954, des missions de servitude et de surveillance, notamment les missions de sauvetage des porte-avions stationnés en Métropole. De plus la base abrite toujours le Centre d'Education Physique de la Marine (30 à 40 personnes).
La 33S est dans un état semi-comateux. Hormis Deneb et Pollux qui ne servent à rien (et seront interdit de vol le le 9 août), il ne lui reste que le Bellatrix, dernier des Breguet, ca l'Altaïr a été condamné le 23 mars. Elle reçoit en octobre 4 Nord 1402, puis 6. En octobre, 2 Hup 2 amenés par le Dixmude rejoignent la 58S. Le groupe d'application des commandos quitte St Mandrier le 14 octobre. Les hydravions stationnés sur le plan d'eau doivent désormais se méfier des nageurs de combat et leurs explosions sous-marines, mais plus encore des torpilles de la DCAN (la station d'essais étant située en face) dont certaines ont des parcours imprévus. L'une d'elle a même grimpé sur le terre-plein de la base. La citerne L'Arrosoir a remplacée La Fraiche pour subvenir aux besoins en eaux de la base. En octobre, dans le hangar à captif, se monte un nouvel entrepot : l'ESAN Saint-Mandrier voit le jour.

1954
1954 débute mal pour la 33S. Le dernier Breguet 731, le Bellatrix est condamné le 20 janvier. De plus, les quatre Nord 1402 ne sont pas au point et posent de multiples problèmes à l'escadrille. La 33S est dissoute le 1er août. Mieux lotie, la 58S reçoit deux nouveaux Hup 2, qui embarquent en avril sur le Bois Belleau pour une mission en Extrême-Orient. Le 27 mai, le Dixmude apporte à St Mandrier, au titre des PAM, quinze Hup 2 et trois Bell 47G. Ceci pour permettre de renflouer la 58S. L'escadrille quitte pourtant St Mandrier pour St Raphaël, sa nouvelle affectation avec quatre Hup et les quatre Bell existants le 22 juin, après avoir mouillé un Bell le 2 juin et récupéré en mer le 8 février, l'EV1 Capelle (OE3 Logette).
La 33S dissoute et la 58S affectée à St Raphaël, il ne reste que la 31ème section SAMAR, dont la plus petite vedette (20 m) est expédiée à Rochefort où elle est condamnée. Restent les vedettes Meulan de 30 mètres qui ne donnent pas satisfaction. Elles aussi seront condamnées le 24 juin, et la 31ème section disparait à son tour. Le CPEAN quand à lui n'est pas moribond. Durant le commandement du capitaine de corvette Cauhapé, 693 élèves passeront dans ses salles de cours. Le 1er septembre, le CPEAN rejoint St Raphaël.
Une nouvelle formation est née le 1er juillet : la 23S, avec quatre puis six Hup 2. A peine créée, elle détache une section de 2 Hup 2 à bord du Dixmude qui appareille vers l'Extrême-Orient le 3 juillet. Un mois plus tard, deux autres Hup partent avec le Laïta en Tunisie. Les deux derniers forment la section de sauvegarde du porte-avions La Fayette. Le 1er août, la 12S arrive de Cuers à Saint Mandrier. Elle prend quatre puis six Nord 1402, et la moitié du personnel de la 33S dissoute. A Cuers, elle était dotée de cinq Catalina et de trois Junker 52, nouveaux hydravions jamais au point qui donneront des soucis à la 12S. Lecapitaine de corvette Jean Lucas succède au CC Cauhapé le 25 août.


La 12S reçoit quatre Sunderland le 1er janvier, et assure l'entraînement du personnel volant à l'écoute des bouées acoustiques (EEBA).

1955
L'année 1955 sera calme. Les Nord 1402 sont retirés définitivement du service le 5 septembre 1955. La 12S reçoit quatre Sunderland le 1er janvier, et assure l'entraînement du personnel volant à l'écoute des bouées acoustiques (EEBA). La 23S remplit sa mission de servitudes et de sauvegarde des porte-avions. Depuis juin 1955, elle participe à la guerre d'Algérie avec un détachement permanent à Sétif. La base est interdite au décollage des avions le 24 mai 1955 à la suite d'un incident sur la base du Morane 500 10S.3 de Saint Raphaël. Le 2 décembre, un Hup est accidenté sur le terre-plein.

1956
Le vent et le froid font des ravages en début d'année. Le thermomètre descend à moins 20°C. Les prélèvement de personnel pour l'Algérie deviennent important. Un Hup est perdu en mer en fin d'année pour une cause indéterminée. Le 25 août lecapitaine de corvette Jean Le Saint succède au CC Lucas. Les services techniques assurent le soutien des appareils de la BAN, des Goose, la remise en état de vol de quatre autre Stampe, ainsi que le stockage de 7 Morane 500.


Le 14 juillet, le général de Gaulle assiste à une importante revue navale. Dans le ciel, un non moins important défilé aérien réuni les Alouette, Hup et deux Sunderland de Saint-Mandrier.

1957
Comme 1956, l'année sera calme dans l'ensemble. La 23S a reçu ses quatre premières Alouette II, en sus de ses 9 Hup. La 33F vient d'être créée à Saint Raphaël le 1er juin. Un accident de Sunderland est à déplorer le 23 octobre au cours d'un amerrissage de nuit (3 morts et 2 disparus). A l'été 57 se termine l'installation d'un poste de lavage des voilures de parachures du Commando Hubert, tandis que près de la base, l'école de plongée s'installe. Le 11 novembre, la base est noyée dans le vent et la pluie. Les vagues envahissent le terre-plein.

1958
Le 14 juillet, le général de Gaulle assiste à une importante revue navale. Dans le ciel, un non moins important défilé aérien réuni les Alouette, Hup et deux Sunderland de Saint-Mandrier. Lecapitaine de frégate Pierre Abel prend la suite du CF Le Saint le 26 juin. Les premiers matelots franco-musulmans arrivent. Les difficultés de compréhension s'applanissent au fil du temps.

1959
La 12S est dissoute le 31 déceembre. Ses appareils restent à Saint Mandrier jusqu'à ce que la 50S puisse les recevoir à Lanvéoc-Poulmic, qui a pris la suite d'Hourtin, pour le parc à ferraille en service. Avec les appareils de le 12S disparraissent les derniers hydravions de Saint Mandrier. Ce jour là, la base change de nature. Elle va devenir exclusivement une base d'hélicoptères.

(Sources : Carnets de marche de la BAN St Mandrier, texte du CF Queinnec, photos © BAN St Mandrier, Jean-Michel Roche © Netmarine 2002)


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