Historique du sous-marin Narval


Le sous-marin Narval le jour de sa mise à flot (11 décembre 1954).
1951-57 : De la construction à l'admission au service actif

Mis sur cale fin 1951, sous le numéro de construction Q231, le Narval est mis à flot le 11 décembre 1954. M. Henri Caillavet, secrétaire d'état à la marine préside la cérémonie de lancement.

C'est le 6e sous-marin sorti des chantiers depuis la fin de la guerre, mais c'est aussi le premier qui soit de conception entièrement nouvelle, les cinq qui l'ont précédé étant des sous-marins dont la construction avait été interrompue par les hostilités. Le Narval est le 61e sous-marin sorti de l'établissement des constructions navales de Cherbourg.

En avril 1956, il appareille pour ses 1er essais à la mer. Cette plongée est particulièrement éprouvante. Une erreur de montage (des indicateurs d'angle de barre avait été inversés) entraîna une belle frayeur pour l'ensemble de l'équipage et des ouvriers du chantiers embarqué à bord.


Les sous-marins Narval, Dauphin et Roland Morillot à quai à la base sous-marine de Lorient (1957).

Tout au long de l'année 1956, les essais se prolongent. Mais ils sont peu satisfaisants de manière générale : diesels bruyants et fragiles, électriques peu endurants, auxiliaires insuffisants, fuites aux moteurs de barres de plongée, ballast à tranformer en soutes extérieures, habitabilité médiocre...

Le 27 juin 1956, une première plongée profonde a lieu en Atlantique. Un record de profondeur pour un sous-marin français devrait être établi aux alentours de 150 mètres.

Des doutes se font jour quand à la résistance à la pression des sections avant de la coque épaisse. Une maquette au 1/10e est alors testée en bassin. La calotte avant de la coque épaisse présentent d'importantes voies d'eau avant même d'atteindre son immersion maximale ! Le 5 novembre 1956, un bulbe d'étrave est alors mis en place sur le Narval pour renforcer l'avant de la coque au niveau des tube lance-torpilles. Le Marsouin reçu le même type de renfort.

Après une série de travaux à bord, le bâtiment effectue sa première grande traversée de Cherbourg à Toulon du 13 au 22 décembre 1956. De janvier à mai 1957, le sous-marin effectue de nouveaux essais à Toulon.

Le 14 mai 1957, il part pour sa croisière d'endurance. Il fait escale à La Spezia, Palerme, mais doit toutefois revenir à Toulon prématurément en raison d'avaries de propulsion (de nombreux segments de pistons s'étaient brisés). Le 8 juillet 1957, il arrive à Cherbourg.

Admis au service actif le 1er décembre 1957, il est affecté à la 1ère escadrille de sous-marins (ESM). Entre décembre 1957 et mai 1958, il multiplie les exercices, et essais.


Le carénage du sonar avant est abimé, après l'abordage avec le le pétrolier British Vision (3 mai 1962).
1962 : Abordage avec un pétrolier

Le 10 juin 1958, le Narval est officiellement affecté à la 2e ESM à Lorient. Il y restera désormais toute sa carrière. Depuis ce jour, période de carénages et exercices avec le concours de l'escadre légère, de l'aéronautique navale et d'autres submersibles se suivent à un rythme régulier. En 1960, il est en grand carénage à Kéroman.

Le 3 mai 1962, alors qu'il navigue à l'immersion périscopique, il est abordé par le pétrolier British Vision. Le sous-marin refait surface aussitôt. Le carénage du sonar avant est abimé, le massif est également enfoncé, les mâts sont tordus. Les travaux de remise en état nécesssiteront deux passages au bassin, le premier du 30 mai au 6 juin, le second du 19 juillet au 14 août 1962. Des essais à la mer auront lieu à partir du 10 septembre. L'année suivante, il est en carénage à Kéroman.

Du 28 avril au 16 mai 1964, une croisière préparatoire à la plongée du Narval sous la banquise, est effectuée par les sous-marins Espadon et Marsouin.

En juillet 1964, le Narval et le Marsouin sont à Royan avec le soutien du BSL Rhône. Le 3 décembre 1964, le Narval effectue une démagnétisation.


Navigation au milieu des glaces lors de la croisière polaire (mars 1965).

1965 : 1ère croisière polaire et navigation sous la banquise

Après avoir quitté Lorient, en compagnie du Dauphin le 18 mai 1965, il en revient le 19 avril de la même année après une escale au retour dans le port d'Hambourg. Lors de cette opération, baptisé « Sauna », assistés par le BSL Rhône et par 3 bimoteurs de patrouille maritime P2V-7 Neptune de l'aéronautique navale, les deux sous-marins restent une dizaine de jours à la latitude 72° Nord, à proximité puis sous la banquise, navigant de polynia en polynia (les polynias sont des trous d'eau ouverts au milieu de la banquise ou des zones de glace de faible épaisseur). Le Narval et le Dauphin seront les premiers sous-marins français à naviguer sous la banquise.

Le 25 mai, les sous-marins passent le cercle polaire. Le 26 les premiers blocs de glace sont en vue. Le Narval accomplit sous les glaces un trajet de 170,5 milles nautiques durant 37,3 heures, malgré un défaut de fonctionnement... de ses chambres froides. A bord du Dauphin, un ancien marin raconte que pour faire surface, il a fallut casser jusqu'à 1,20 mètres de glace. Les bateaux souffrent de ces remontées inhabituelles, et les tôles des supertructures sont en piteux état. Le Dauphin déchira même 5 soutes à gasoil. La température descendra jusqu'à -17°C.

Le 11 mars 1966, le Marsouin, le Narval et le Rhône arrivent à Bayonne pour une escale de 3 jours.

1966 : Quatre morts en service commandé

Le 3 avril 1966, le Narval appareille de Kéroman, le lendemain, alors qu'il est au mouillage de Penfret (île des Glénans) et tente d'appareiller, un des hommes d'équipage, le second maître Radio Gilles Laurent tombe accidentellement à la mer. Le commandant, lieutenant de vaisseau Henri Goubelle, se rend sur l'arrière et tente de porter secours, avec deux autres radios QM Dubois et SM Pichavant, au malheureux tombé à la mer, en lui envoyant un lance-amarre.

La mer est mauvaise, et une lame balaye le pont, emportant dans son sillage les trois hommes qui sont à leur tour jeté à l'eau. Le courant écarte les hommes du sous-marin. Un canot pneumatique est mis à l'eau pour tenter de les retrouver, mais sans succès. Après une heure et demi d'effort, on repêche les corps des trois hommes d'équipage. Le corps du LV Goubelle sera retrouvé aux Glénans un mois après, et identifié grâce à son blouson de mer qui portait les lettres « CDT ».

Une plaque commémorative sera apposée à la base sous-marine de Kéroman. « Quatre morts en service commandé : LV Goubelle (cdt) ; SM Radio Pichavant ; SM Radio Gilles Laurent ; QM Radio Dubois ».


Le Narval lors de sa deuxième croisière polaire (août 1967).
Le commandant Fauve, alors commandant en second, prendra le commandement du Narval. Destin tragique de cet officier, qui après avoir vécu cette tragédie prendra le commandement du Dauphin, puis de la Minerve et sombra avec cette dernière et tout son équipage le 27 janvier 1968.

1967 : 2ème croisière polaire

En 1966, le Narval est en carénage à Kéroman.

En août de l'année suivante, il effectue une deuxième croisière au pôle nord. Cette croisière sera marquée par une escale à Aarhus (Danemark), quelques semaines après le mariage d'Henri de Montpezat avec Margrethe II (10 juin 1967). Mais au cours de laquelle eut lieu une tragédie avec le crash sur les Spitzberg d'un Atlantic d'accompagnement (Equipage VB, BR-1150 n°39) où les 11 membres d'équipage ont péri.

1969-80 : Refontes à Kéroman

Il retourne à Lorient de février 1969 à juin 1970 pour une refonte complète pour laquelle 560 000 heures de travail y sont consacrées. Les diesels Schneider sont débarqués et remplacés par trois diesel SEMT Pielstick 12PA4185 pour la propulsion diesel-électrique en surface. Les tubes lance-torpilles arrière sont supprimés. Un nouveau kiosque est mis en place, ainsi que de nouveaux sonars. Les ailerons et barres sont modifiés.

En 1972, le Narval fait escale à Portsmouth.

De mai 1974 à septembre 1975, il est en grand carénage à Kéroman, au cours duquel est réalisé l'embarquement d'un récepteur Omega (NRNX1-A) qui améliora quelque peu les conditions de navigation dans le Nord. A l'issue de ce carénage, des exercices sont effectué avec des nageurs de combat et la mise en œuvre du sas arrière, de la « valise » et d'un propulseur sous-marin du commando Hubert.

 


A la mer au large de Lorient après refonte (29 juillet 1970).
1980-81 : Essai d'une bouée VLF au profit des SNLE

Lors du grand carénage suivant, une bouée VLF (Very Low Fréquency) de 2e génération sera installée. Cette bouée permettrait à l'avenir de communiquer avec les SNLE type Le Redoutable refondus M4. Seul inconvénient, la modification avait également conduit à modifier les superstructures arrière, et interdirait désormais tout type d'exercice faisant appel à l'utilisation du sas arrière.

Le 29 septembre 1980, il part de Lorient et arrive à Toulon le 12 octobre. De novembre 1980 à février 1981, il effectue des tests de cette bouée de transmission VLF, qui avait été précédemment installée.

En avril 1983, il fait escale à Dunkerque.


Narval et Marsouin, désarmés à Lorient (19 juillet 1984).
1983-86 : Les dernières années du Narval

Enfin, le 7 juin 1983, une dernière sortie a lieu au large de Lorient avec 13 de ces anciens commandants. Il rentre avec une flamme de guerre de 27 mètres. Le Narval aura parcouru, au cours de sa carrière, 384 000 nutiques et aura accumulé 31 285 heures en plongée.

Désarmé le 15 juin 1983, il est condamné le 14 août 1985, et devient le numéro de coque Q637. Vendu à Lorient le 6 février 1986 à René Vaysse (Pont de Buis), un ferrailleur local pour la somme de 276 000 francs, il est démoli à l'intérieur de l'arsenal au printemps 1986.

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(Un lecteur nous signale que le Narval avait un chien mascotte du nom de "gas-oil". Quelqu'un en sait plus ? Dates d'embarquement/débarquement, photo, etc...)


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