Historique du sous-marin Morse


En construction au chantier du Trait (1956).
1954-59 : Construction et essais

Le 29 mars 1954, la DCAN (Direction des Constructions et Armes Navales) lance un appel d'offre pour la construction par des entreprises privés des deux derniers sous-marins de la série des Narval.

Le premier, l'Espadon, sera construit par les chantiers Augustin Normand du Havre, quand au dernier de la série, le Morse, ce sont les Ateliers et chantiers de la Seine maritime (ACSM) qui le mettront en chantier. Crées en 1917 par l'industriel Hippolyte Worms les Ateliers et Chantiers de Seine Maritime, situés sur une des boucles de la Seine au Trait, ont construit 200 navires dont une trentaine pour la Marine nationale. Dans les années 50, il était le chantier le plus moderne de France. Il ferma définitivement en 1972.

En février 1956, la construction du Morse débute. C'est le 238e sous-marin construit en France. Le 27 décembre 1956, il est mis sur la cale n°6.

Le 10 décembre 1958, le Morse est mis à l'eau. Offert lors du lancement, par les petites mains d'une filature du Trait, le chien mascotte Pic-Pic ne va pas quitter le bord jusqu'en 1967. Il faut savoir qu'à l'époque, à bord des Narval, comme dans les autres sous-marins, l'équipage embarquait souvent un animal, un chien de préférence.


Le lancement au chantier du Trait (10 décembre 1958)

Ce n'était pas seulement une mascotte. Il servait surtout à la détection des émanations de CO2, un gaz plus lourd que l'air. Dès qu'il commençait à geindre, c'était le signe d'une augmentation de la teneur en CO2. Pic-Pic, à bord du Morse réagissait à moins de 1%. Il fonçait alors au pied de l'échelle du kiosque et demandait, en aboyant, à sortir. L'histoire raconte aussi qu'il faisait des crocs en jambe au commandant au poste de combat. A noter qu'à cette époque il mangeait dans une assiette, à table avec l'équipage !


Le chien mascotte Pic-Pic
(août 1964 - photo Roger Barthelet).
Le Morse quitte Cherbourg le 25 mars 1960, pour effectuer sa croisière d'endurance en Baltique, mer du Nord et autour des îles britanniques. Il fait escale à Kiel du 28 au 31 mars, à Copenhague du 1er au 5 avril, à Oslo du 6 au 9, et rallie Lorient dans la 2e quinzaine d'avril. Il est admis au service actif le 2 mai 1960.

De 1960 à 1962, il est affecté à Toulon, à la 1ère escadrille de sous-marins. En octobre 1961, un journaliste du Parisien embarque pour une plongée.

Il quitte Toulon en juin 1962, et arrive à Lorient où il rentre en grand carénage du 2 juillet 1962 à février 1963. Il sera désormais basé à Lorient Kéroman, affecté à la 2ème ESM jusqu'en avril 1969.


1963 : Une plongée d’endurance de 26 jours sans faire surface (dessin Roger Barthelet).

En septembre 1963, le Morse effectue une plongée d’endurance de 26 jours (2 au 28 septembre) qui le conduit jusqu'en mer d'Irlande, et cela sans faire surface. Au total 460 heures en propulsion électrique, et 167 heures au schnorchel, pour un total 628 heures et 6 minutes. La même année, il fait escale à Kiel, ainsi qu'à Mers el-Kébir (20 au 22 novembre).

Le 6 janvier 1964, il quitte Lorient pour participer à l'exercice « Vendetta », fait escale à Dublin (24 au 28 janvier). Le Morse est le premier bâtiment Français à faire escale en Irlande depuis la guerre. L’équipage est invité au bal catholique et au bal protestant. L’officier en second se méfie et fait émarger un cahier de présence obligatoire aux deux bals. Partout en ville c’est « for members only », pas de regrets...

D'autres escales ont lieu à Portsmouth (30 janvier au 1er février), Brest (2 au 3 février), puis le Morse rentre à à Lorient le 4. En mars 1964, des périodes de navigation entre Brest et Lorient sont marquées par plusieurs avaries (antenne fouet, barre de plongée arrière, émetteur SFT, circuit d’huile). Le reste du premier semestre est marqué par des courtes sortie au large de Lorient, une halte à Bayonne (17 au 20 mai), un carénage au mois de juillet et un mouillage de mines en baie de Douarnenez le 18.


Arrivée à Dublin. A l’avant, Pic-Pic surveille la manoeuvre (24 janvier 1964).
Le 13 novembre 1964, le Morse quitte Lorient pour Lisbonne, où il relâche du 24 au 26, à couple du Rhône en soutien logistique (une nouveauté). Le commadant du Rhône ne veut pas de Pic-Pic sur son bateau. Pas de chien, pas de marins ! Le dernier soir, l’équipage préfère dormir, entassé sur le Morse.
Le 25, une grosse bagarre éclate avec la police spéciale de Salazar sans motif apparent (! ?). Plusieurs marins du Morse, matraqués, assommés et roués de coups à terre sont aidés par la population qui prend de gros risques pour les conduire à l’hôpital. Le commandant dépose une plainte (LV Lucas).

En décembre 1964, il relâche à Plymouth (11 au 15). Les autorités de Plymouth félicitent le commandant pour la bonne tenue de son équipage en ville (principale activité : achats de boites de chocolats avant Noël !) A l'appareillage le bâtiment est contraint de stopper sur la Plym en raison de la brume. On ne voit pas l’avant du bateau. Un exercice prévu est annulé, et le Morse rentre à Lorient le 20 décembre.

En 1965, d'autres escales ont lieu à Dublin, Bordeaux. Le 21 janvier 1966, on l'aperçoit en relâche au Havre.

1966 : Collision avec un objet non identifié

Le 7 février 1966, le Morse appareille de Brest pour Lorient. Le lendemain, au cours d'un exercice franco-britannique, il navigue à l'immersion périscopique et heurte un objet non identifié. Le sonar avant est écrasé. Le sous-marin rejoint la base sous-marine de Kéroman le 9 février pour réparation. Certains témoignages accréditent la thèse d'une collision entre une frégate anglaise participant l'exercice, qui n'aurait pas respectée les consignes. Mais rien n'est prouvé.

En mars 1967, il fait escale à Porto.

D'avril 1967 à décembre 1968 a lieu sa refonte à Lorient-Kéroman. Les diesels Schneider sont débarqués et remplacés par trois diesel SEMT Pielstick 12PA4 185 pour la propulsion diesel-électrique en surface. Les tubes lance-torpilles arrière sont supprimés. Un nouveau kiosque est mis en place, ainsi que de nouveaux sonars. Les ailerons et barres sont modifiés. L'équipement électronique de détection est rénové.


L'équipage du sous-marin Morse à Toulon (1969).

1967 : Le chien mascotte Pic-Pic prend sa retraite

Le 1er avril 1967, Pic-Pic prend sa retraite. Après 12 023 heures de plongée dont 2 622 heures de schnorchel inscrites à son livret, le chien mascotte du Morse va quitter la profondeur pour l'air pur et le bocage. Il est possible qu'un texte réglementaire soit venu mettre un terme à la présence des chiens à bord des sous-marins, car les chiens ne seront vraisemblablement plus autorisés à partir de cette date (ndrl : Quelqu'un en sait plus ?).

Quoi qu'il en soit pour Pic-Pic se pose le problème de la reconversion. Picpic fut recueilli par l’ingénieur Suignard, et mourût paisiblement chez lui.

Au sortir de sa période de refonte, le Morse reprend la mer pour une période d'essais à partir de décembre 1968.

Le 28 avril 1969, il quitte Lorient pour rallier Toulon et la 1ère escadrille de sous-marins. Il arrive à Toulon le 12 mai 1969.

En Méditerranée, son activité est essentiellement consacrée à des expérimentations au profit des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins. Cette campagne d'expérimentation, appelée essais « Silure », s'étend de 1969 à 1972. Un appareillage électronique, impressionnant par ses performances, est mis en place, avec le concours de la société Thomson CSF. Le massif, orné de capteurs, pris alors une excroissance bizarre.


A Toulon lors de la campagne d'essais « Silure » (1971).
Naviguant à la petite semaine, le Morse effectue de nombreux essais. Il aura même l'occasion d'embarquer une « ingénieure » de chez Thomson, ce qui est particulièrement rare à cette époque.

De retour à Lorient en avril 1972, le Morse effectue un grand carénage à Kéroman jusqu'en mars 1973.

Cette année il fera également escale à Bordeaux. J'ai trouvé peu de renseignements sur les activités entre 1973 et 84 :

- escale à Caen en octobre 1978,
- escale aux Açores en avril 1979. (en savez vous plus ?).

1984 : Le jour où un chalutier a pêché un sous-marin...

En 1984 (date exacte inconnue), l'Apollo, un chalutier du Guilvinec en bois de 15 mètres, commandé par le patron Elie Percelay, et avec à son bord 4 hommes, connait une belle frayeur à 50 km de la pointe de Penmarc'h. En effet, alors qu'il s'apprête à remonter le chalut, il ressent un grand choc, après avoir saisi dans ses filets le sous-marin Morse !

Heureusement les funes cèdent immédiatement, auquel cas le bateau aurait pu chavirer. L'Apollo joue de malchance puisqu'il y a 5 ans, le même type d'accident s'était produit avec le Requin.

1991 : Démoli à Naples

Le 16 octobre 1986 a lieu la dernière sortie devant Lorient, sous les ordres du capitaine de corvette Frollo de Kerlivio. Il y a également à bord le vice-amiral d'escadre (R) Bonnemaison qui fut le premier commandant du bâtiment.

La ville de Lorient qui souhaiterait exposer le sous-marin, tout comme Saint Nazaire l'a fait avec l'Espadon se montre un temps intéressée par une acquisition. Mais le gabarit du bâtiment, son coût d'entretien et la difficulté de lui trouver un emplacement, conduisent la municipalité à renoncer au projet.

Le 19 décembre 1986 le pavillon national est replié définitivement à bord du Morse. Le sous-marin aura parcouru 349 234 nautiques au cours de sa carrière, totalisant 2 894 jours de mer dont 37 230 heures en plongée.


Au chantier Denav de Naples (mars 1991 - photo M. Del Prete).

Condamné le 23 juillet 1990 à Lorient, sous le numéro de condamnation Q672, il est mis aux enchères publiques le 19 février 1991 par l'administration des Domaines, en vue de sa démolition. C'est un certain M. Antonio Zapella qui l'achète 301 000 francs pour le compte de la société Denav de Naples.

Le 20 mars 1991, le Morse quitte quitte Lorient, remorqué par le russe Kapitan Nokhrin pour gagner Naples, où il est démoli à partir de mars 1991.

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