Gabare La
Mayenne (1821-1844)
Fig. 2 – Le capitaine de vaisseau Malo Bernard Duhaut-Cilly |
En l’état actuel
des recherches, le bâtiment le plus ancien à avoir porté ce nom est la gabare
La Mayenne née sous la Seconde Restauration (1821). Elle a été commandée
par plusieurs commandants, mais le plus connu d’entre eux est sans nul doute
le capitaine de vaisseau, officier de la Légion d’honneur, Malo Bernard
Duhaut-Cilly (fig.2) qui la commanda en tant que lieutenant de vaisseau
entre 1824 et 1826 et, qui l’appelait fièrement le brick de sa Majesté La
Mayenne (SHD
Vincennes).
On retiendra aussi
qu’en 1807, Malo Bernard Duhaut-Cilly participe à la guerre de course dans l’Océan
Indien sur le corsaire Le Revenant du capitaine Robert
Surcouf, où il se fait particulièrement remarquer.
«
Gabare est un nom féminin d’origine provençale,
gabarra, tiré du grec ancien, Karabay qui signifie écrevisse,
au figuré : bateau. Au cours des siècles, elles sont successivement
des embarcations pontées, à rames, à voiles ou à vapeur, utilisées
pour le transport. Au 19e siècle, les gabares deviennent des bâtiments
de l’État, gréant trois mâts et jaugeant 300 à 400 tonneaux. Utilisées
essentiellement pour le transport de chevaux, on les dénommait
« gabares écuries » […]. Rustiques, efficaces,
disponibles, discrètes, leurs services ont été appréciés sur toutes
les mers du globe, par tous, civils et militaires, français et
étrangers. On peut considérer la gabare comme la plus belle école
de manoeuvre. Si tous les bons boscos n’ont pas embarqué sur une
gabare, tous les manoeuvriers de gabares sont devenus de bons
boscos. » (Hurlet 1999). |
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Aujourd’hui, lorsque
l’on parle de gabare, on a tout de suite à l’esprit l’image des bateaux à fond
plat, ces chalands propulsés par le vent qui, au 19e siècle, servaient au transport
de marchandises diverses telles le sel, le vin, le bois, le charbon sur nos fleuves
et nos rivières. Dans le cas de la gabare La Mayenne, il faudra plutôt
se tourner vers la gabare de mer. Les lignes ci-contre, nous donnent une très
belle définition de la gabare.
La construction
de la gabare La Mayenne, sur des plans de l’architecte Alexandre, débute
le 10 octobre 1820 au chantier Nozereau à Bayonne. Elle est
mise à flot le 17 avril 1821. Cette gabare de 200 tonneaux mesure 23,60 mètres
de long pour 7,90 mètres de large et un creux de 3,20 mètres.
D’après un devis d’armement daté de 1821, on sait
que la gabare La Mayenne est gréée brick et a pour artillerie
8 caronades de calibre 24 (SHD Rochefort 2G2 112/261).
Elle est armée
le 4 mai 1821 à Bayonne pour le transport de bestiaux à Bourbon. Le 19 juillet
1822, elle quitte Bourbon avec L’Espérance pour Madagascar. Le 19 décembre
1822, elle appareille pour Moka où elle est envoyée pour acheter des plans de
caféier, via Ceylan et Mahé. Elle arrive à destination le 21 mars 1823. Elle
quitte Moka le 11 mai 1823 pour Bourbon qu’elle atteint, via Aden, le 4 juillet
1823. Le 19 novembre 1825, elle quitte Bourbon sous les ordres du lieutenant
de vaisseau Malo Bernard Duhaut-Cilly, fait relâche à l’Île de Sainte-Hélène
le 1er janvier 1826, poursuit sa route vers l’île de l’Ascension où elle s’arrête
quelques heures pour y charger des tortues. Après plus de 60 jours de mer, elle
arrive enfin à Cayenne le 31 janvier 1826. Le 19 février, la gabare lève l’ancre
et fait route pour la France en remontant par la mer des Caraïbes sans pouvoir
faire escales à la Martinique et à la Guadeloupe, car contrariée par le mauvais
temps. Elle achève sa croisière de retour le 15 avril 1826 en rade de Pauillac,
avant de toucher Rochefort.
Le 5 mai 1826 elle
est désarmée à Rochefort, puis réarmée le 18 mars 1831 comme stationnaire. Le
10 mai 1837 elle est remplacée par L’Observateur, puis désarmée. Elle
finit sa carrière à Rochefort comme ponton d’amarrage en 1844.
Fig. 3 - Brick marchand vu par l’arrière. Gravé par Baugéan.
La gabare La Mayenne devait ressembler à ce brick moins par sa taille, sa
forme (peut-être plus ventrue) que par son gréement qui lui valait d’être
qualifiée de « brick » par Malo Bernard Duhaut-Cilly. |
Une histoire de consonnes, La Mayenne à Cayenne…
Transcription
d’une correspondance du Lieutenant de vaisseau Malo Bernard Duhaut-Cilly
à son Ministre de la Marine et des Colonies, le Comte Christophe-André-Jean
de Chabrol de Crouzol (fig. 4) :
A
bord du brig du roi la Mayenne. Rade de Jame’s Town, île de Ste Hélène
1er janvier 1826
Monseigneur,
J’ai l’honneur d’informer votre excellence que le brig du roi la Mayenne
que j’ai l’honneur de commander vient de mouiller à l’instant même devant
Jame’s Town. Attaché à la station de Bourbon et de Madagascar depuis quatre
ans avec la Mayenne à l’approche de l’hivernage actuel ( ?) trouvait hors
d’état de continuer ce service à moins de réparations très dispendieuses
qu’il eut fallu faire dans un port étranger, c’est ce qui a déterminé
Mr le Gouverneur de Bourbon à nous renvoyer en France ; mais afin d’utiliser
notre retour, Mr Freycinet nous a ordonné de passer par Cayenne où nous
sommes chargés de porter plusieurs caisses de plantes et des martins dont
on espère propager l’espèce à la guiane.
Nous avons quitté Bourbon le 19 novembre, le 17 décembre nous avons doublé
le cap de Bonne espérance après avoir éprouvé du temps terrible tant sur
la côte Natal que sur le banc des aiguilles.
Cependant nous n’avons point fait d’avaries considérables, seulement les
caisses de plantes ont souffert, car il a été impossible de les garantir
entièrement des coups de mer multipliés qui ont été assez forts pour me
donner des inquiétudes sérieuses sur le salut de la Mayenne ; néanmoins
nous en avons été quittes à bon marché et depuis, le beau temps et les
soins ont remis en très bon état les trois quart de nos plantes. Nous
avons aussi perdu le quart de nos oiseaux par suite de mauvais temps tous
les autres sont dans le meilleurs état et en cela nous sommes plus heureux
que nous n’osions nous en flatter puisque sur 150 martins que l’on avait
pris pour nous donner il en était mort à terre 122 dans l’espace de six
semaines, et qu’on pensait d’après cela à Bourbon, qu’il n’en arriverait
pas un seul à Cayenne. Cependant ces oiseaux ne sont pas trop délicats
et sont aisés à nourrir il y a lieu d’espérer que désormais nous n’en
perdrons plus.
Nous n’avons pas un seul malade depuis notre départ de Bourbon, au contraire
les convalescents au nombre desquels je me trouvais moi-même se sont entièrement
rétablis. Mr Freycinet dans les instructions m’ayant indiqué la relâche
de Ste Hélène je me suis dirigé sur cette île, ou quatre jours au plus
suffiront pour completter notre eau et faire quelques réparation urgente
à notre gréement par nos propres moyens et pour aucunes dépenses pour
le roi. J’espère être à Cayenne dans les premiers jours de février, de
là Monseigneur j’aurai l’honneur de vous adresser un nouveau rapport afin
que votre excellence soit informée des moindres détails de notre navigation.
Daignez agréer, Monseigneur l’assurance du très profond respect et la
parfaite soumission avec lesquels j’ai l’honneur d’être de votre Excellence
le très humble et très obéissant serviteur. M Duhaut-Cilly Lieutenant
de Vaisseau.
A son Excellence le ministre de la Marine et des Colonies. |
Fig. 4 - Extrait de l’entête du courrier que Malo Bernard Duhaut-Cilly envoie
au Ministre de la Marine et des Colonies, le comte Christophe-André-Jean
de Chabrol de Crouzol (SHD Vincennes). |
Patrice
Guyaux ()
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