Jean et Victor-Marie D'Estrée

Jean, comte puis duc d'Estrées
Né à Soleure (Suisse) le 3 novembre 1624 dans une très ancienne famille de Picardie, il servit d'abord dans l'armée et fit campagne en Flandre (1644-1647). Colonel du régiment de Navarre en 1647, il combattit sous les ordres du grand Condé à Lens (20 août 1648). Maréchal de camp en février 1649, il demeura fidèle au roi pendant la Fronde des princes, servit avec Turenne en Lorraine (1652-1653) puis en Flandre et fut nommé lieutenant général en juin 1655. Fait prisonnier à Valenciennes en juillet 1656, il cessa. de servir jusqu'à la paix et commença à s'intéresser à la navigation. Pendant la guerre de Dévolution, il combattit d'abord en Flandre en 1667 puis, s'étant brouillé avec Louvois, il passa dans la marine et fit campagne aux Antilles en 1668.
Promu vice-amiral du Ponant en mai 1671, il fit une croisière sur les côtes d'Afrique avec Duquesne comme second. Au début de la guerre de Hollande, le roi lui confia le commandement en chef de l'escadre qui devait se joindre à la flotte anglaise. Sur le Saint Philippe, il participa à la bataille de Solebay (6 juin 1672). L'année suivante, sur la Reine, il combattit à Walcheren et au Texel (juin-août 1673). Lors de ces trois batailles indécises, son attitude donna lieu à de vives critiques assez justifiées. Hautain, désagréable avec ses subordonnés qui devaient considérer avec inquiétude son incompétence, « c'était un homme courageux mais un mauvais chef et un pauvre subordonné » (Jenkins). En 1676, commandant le Glorieux, il partit pour les Antilles, reprit Cayenne aux Hollandais (18 décembre 1676), attaqua et détruisit une escadre hollandaise à Tobago (février 1677) mais ne put s'emparer de l'île, ce qu'il fit un peu plus tard après avoir pris Gorée (décembre 1677). En mai 1678, il voulut s'emparer de l'île hollandaise de Curaçao, mais son inexpérience nautique et son obstination à refuser de suivre les avis de ses officiers connaissant ces parages provoquèrent le désastre des îles d'Aves où 17 vaisseaux se perdirent sur les récifs. Cette monumentale bévue, unique dans l'histoire maritime, ne l'empêcha pas d'être promu maréchal de France en mars 1681. Envoyé en Méditerranée, il fit plusieurs campagnes contre les Barbaresques, bombarda Tripoli (juin 1685), obtint la libération de nombreux captifs. En juillet 1688, il effectua la même opération à Alger. Pourvu en 1681 du titre honorifique du vice-roi d'Amérique, duc et pair en mars 1687, lieutenant général en Bretagne en 1701, il mourut à Paris le 19 mai 1707.

Victor-Marie, marquis de Coeuvres puis duc d'Estrées
Fils du précédent, né à Paris le 30 novembre 1660, il commença lui aussi sa carrière dans l'armée. Volontaire à 17 ans au régiment de Picardie, il fit campagne en Flandre en 1677. Seignelay le fit ensuite passer dans la marine et il participa avec son père à la campagne de Tobago puis, en 1682-1683, aux bombardements d'Alger exécutés par Duquesne, en 1684 au siège de Luxembourg et reçut la survivance de la charge de vice-amiral possédée par son père. Au printemps 1688, il prit part au combat de Tourville contre l'amiral espagnol Papachino. Après avoir participé en 1688 au siège de Philippsbourg où il fut blessé, il commanda le Grand et l'arrière-garde à la bataille de Béveziers, et s'y comporta honorablement ainsi qu'au débarquement de Teignmouth où il détruisit un certain nombre de navires anglais.
En mai 1691, il contribua à la prise de Nice, bombarda Oneglia, passa sur les côtes d'Espagne, bombarda Barcelone et Alicante (juillet 1691). Lors de la campagne de 1692, il devait, avec l'escadre de Méditerranée, rejoindre Tourville à Brest mais il fut retardé par le mauvais temps et n'arriva qu'après Barfleur. En mai 1693, il coopéra au siège de Rosas puis rallia Tourville au cap Saint-Vincent et l'aida à s'emparer à Lagos du convoi anglo-hollandais venant de Smyrne. En 1697, il contribua au blocus et à la prise de Barcelone. Au début de la guerre de succession d'Espagne, il conduisit Philippe V à Naples (avril 1702) puis rallia Cadix où il commanda un moment une imposante flotte franco-espagnole. Maréchal de France en 1703, il fut donné comme mentor au comte de Toulouse pour commander en 1704 l'escadre réunie à Toulon et participa à ce titre à la bataille de Velez-Malaga (24 août 1704), ce qui lui valut la Toison d'or et le titre de général des mers d'Espagne. L'année suivante, il tenta d'assurer le blocus de Barcelone mais dut s'éloigner devant une escadre anglaise. Il cessa alors de servir à la mer. Il hérita les charges de son père à la mort de celui-ci, devint en septembre 1715 président du Conseil de marine, ministre d'État en 1727, directeur de la Compagnie des Indes. Érudit, collectionneur, esprit ouvert, il était membre de l'Académie des sciences (août 1707), de l'Académie française (mars 1715) et de celle des Inscriptions (1726). Il mourut à Paris le 27 décembre 1737.

(Source : Dictionnaire des marins français - Etienne Taillemite, Ed. maritimes et d'outre-mer)


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