Histoire de l'escadrille 12S - Les Gardian (1984-2000)


Dernière photo autour du Neptune 331, les hommes de la
12S (juillet 1984).

La vie continue à la 12S avec son Alouette et ses trois Neptune mais la disponibilité des avions est très variable, car ce matériel ancien est sujet à des pannes fréquentes, imprévisibles et souvent importantes. Une révolution survient alors à la 12S lorsque le 13 juillet 1984, le premier Gardian touche terre à l'aéroport de Faa'a a terme d'un voyage de 12 jours. Ses 10 hommes d'équipage sont accueillis par l'amiral Hughes, le CV Pougin et le CC Sirot, commandant la 12S. Le second appareil suit de près, retardé pour des raisons techniques à Pago-Pago (Samoa américaines), il ne rejoint Tahiti que le lendemain. Le 72 arrivera sur un seul moteur... Le 3ème Gardian arrive le 29 juillet.

Un hangar et ses locaux annexes seront construits pour accueillir ces nouveaux avions dans de meilleures conditions.

Le 26 juillet 1984, les derniers Neptune feront leurs adieux à la Polynésie. Un défilé aérien rassemble alors les trois derniers Neptune et un Gardian.


L'équipage de Golf Charlie, le LV Lepinoy (cdt de bord), PM Chevret (pilote), LV Dumas (navigateur), PM Jezcou (navigateur), MP Corre (Radariste), Cabret (radio) et le PM Crampet (mécanicien).
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Les P2H auront accompli près de 20000 heures de vol dans le ciel de la Polynésie et leur action aura été particulièrement efficace. Rien qu'en secours maritime, ils auront fait plus de 1600 heures de vol en une centaine d'opérations, sauvant la vie de plus de 200 personnes. Au terme de 39 années d'existence, dont 30 au sein de l'aéronautique navale française, le P2V7 entre dans l'histoire de l'aviation. Le 331 reposera au musée de l'Air à Paris. Quand au dernier, le 566, il restera encore un moment sur le parking de la BA190.

Le Gardian fait ses premières armes en repérant en moins d'une demi-heure, le 21 août 1984, un kau à la dérive à quelques nautiques de Maupiti, avec 4 naufragés à son bord, alors qu'il tentait de rallier Bora-Bora.

En novembre, les Australes connaissent trois évasan assurées par ceux que l'on nomment désormais les Saint-Bernard du ciel. En janvier 1985, un speed boat parti de Maatea (Moorea) et en panne de moteur, est secouru par un Gardian. D'autres missions ont pour objet de vérifier l'infrastructure des aérodromes das les îles. C'est ainsi que les Gardian visitent la plupart des îles-sous-le-vent, Rurutu, Rangiroa et même "Terre déserte" aux Marquises.


Dernière photo autour du Neptune 331, les hommes de la 12S (juillet 1984).

En juin 1985, plus de peur que de mal pour un couple de touristes américains dont le sloop de 37 pieds, le Pagan Princess, s'échoue sur les récifs de Tetiaroa. L'Alouette III les ramènera sain et sauf à Tahiti.

L'année 1986 commence par la recherche d'un navire de pêche coréen, le San Pedro, victime d'une avarie de machine, et qui dérivait depuis 3 jours dans la zone de responsabilité néo-zélandaise des îles Cook. Après 4h00 de vol, le Gardian du LV Lepinois localise le bâtiment dans le nord-est de la capitale, ce qui permet le sauvetage du bâtiment. En mai, c'est un autre Gardian porte secours à un un speed boat en détresse échoué à la pointe nord de Marutea. Rapidement repéré, le navire sera récupéré par un bonitier que le Gardian avait pu guider sur les naufragés. L'Alouette n'est pas en reste puisqu'elle récupère en août, deux surfeurs imprudents que le courant avait emporté au large.

En janvier 1987, une plaque commémorative est apposée devant le Neptune 333, souvenir de temps désormais révolus, à l'entrée de zone aéro-portuaire de Hao. Le 333 avait atterri là une dernière fois le 14 décembre 1983, et n'en est plus jamais reparti.

Un sauvetage qui aura un fort retentissement médiatique est celui d'un speed boat, parti d'Amanu en direction d'Hao. En panne de moteur dans une mer déchainée, le Gardian aura beaucoup de mal à les repérer car le bateau n'avait (comme de coutume..) aucun équipement élémentaire de détresse. Les cinq naufragés seront enfin repérés après plus de dix heures de recherches, et une vedette de la Marine viendra de Hao les récupérer. 36 personnes seront ainsi sauvés dans la même semaine ! Parmi elles, citons l'équipage du cargo britannique de 35000 tonnes Iron Cumberland (qui coulera en 3h00 de temps) dans le voisinage de Pitcairn, ainsi que celui d'un poti marara de Rurutu perdu en mer à l'occasion d'une partie de pêche.


Plus de peur que de mal pour un couple de touristes américains dont le sloop s'échoue sur les récifs de Tetiaroa (juin 1985).

Une partie du personnel de la 12S (octobre 1987).

Les sauvetages régulier que les Gardian effectuent révèlent le degré d'inconscience des plaisanciers ou pêcheurs qui partent souvent sans carte, ni moyens radio ou de signalisation.


L'équipage de Golf Bravo (novembre 1988).

C'est le cas en novembre 1987 : cinq naufragés sont retrouvés sur l'atoll de Paraoa, où il avaient échoué après deux jours de dérive. Ils étaient simplement en panne d'essence... Les conséquences sont parfois tragiques comme ce kau de Nuku Tavake qui disparaît en mer avec 4 personnes à son bord en mai 1988. Les recherches resteront vaines.

En juin 1988, la 12S fête les 5000 heures de vol de son Alouette, l'aéronef qui est alors le plus ancien de Polynésie. Commandé en 1967 pour la DIRCEN (Direction du Centre d'Expérimentations Nucléaires), elle avait effectuée son vol inaugural le 11 juillet 1967 à Marignane, puis était partie peu après dans le Pacifique. Après un séjour de 3 ans à Hao et Mururoa, elle était retournée en métropole y subir une cure de rajeunissement. En 1973, elle était repartie en Polynésie où elle restera fidèle jusqu'ici. Elle a alors 150 missions de sauvetage à son actif.

En novembre 1988, un kau perdu au large de Kaukura (Tuamotu) est retrouvé par un Gardian après 15 heures de recherches. Son propriétaire, qui était parti pêcher et n'avait pas donné de nouvelles depuis plusieurs jours, est introuvable. Le kau sera récupéré par La Railleuse.


Le pari fou de trois Australiens : faire revoler le Neptune 566 et le ramener dans un musée à Sydney.

Le même mois, quatre occupants d'un autre kau, Tiare Ura, auront plus de chance. Suite à une erreur de navigation, le pilote et ses passagers s'étaient perdus. Sans carburant et sans eau, ils ne leur restaient plus qu'à attendre les secours. Retrouvés par l'équipage Golf Bravo de la 12S, ils seront recueilli par le Commandant Birot qui écourte une escale à Rangiroa pour se porter à leur secours.
Pas de chance par contre pour les occupants d'un kau, retrouvé début février, sur le platier de Katiu, vide de ses occupants, malgré des recherches intensives.

Février 1989 : Nous retrouvons notre bon vieux Neptune 566 ; celui là même qui traîne sur l'aéroport de Faa'a depuis 1984. Une histoire extraordinaire s'y déroule. Trois Australiens, fous d'aviation, font le pari de restaurer ce Neptune, puis de le ramener en Australie par la voie des airs. L'affaire n'est pas facile car l'aéronef a malheureusement été un terrain de jeu pour les enfants, qui l'ont pillé. Il faudra beaucoup de temps et de patience à Kim Slattery, Bob de la Hunty et Ian Martin, pour restaurer l'appareil. Le 12 juillet 1989, le P2V7 n°566 peut à nouveau décoller, vers Sydney cette fois, sa nouvelle destination. Le coucou restera cependant fidèle à la Marine française en gardant ces inscriptions et cocardes tricolores.


L'équipage de Golf Bravo (novembre 1988).

En avril 1989, la 12S fait à nouveau la Une de la presse. Un pêcheur de Tahiti, parti sur son poti marara, alors que la mer était forte, n'avait pas donné de nouvelles à sa famille depuis longtemps. Le Gardian d'alerte décolle et le repére au large de Moorea, dans son bateau brisé qui flotte entre deux eaux. L'Alouette le repêchera peu après pour le ramener à bon port.
Moins de chance en revanche pour 3 personnes, parties de Taenga pour se rendre sur l'atoll de Nihiru. Malgré 35 heures de recherches aucune trace des naufragés ne sera retrouvée.

En août 1989, deux pêcheurs dérivait à 35 nautiques au sud-ouest de la presqu'île de Tahiti-Iti, suite à une panne du moteur de leur embarcation. Repéré rapidement par le Gardian, il sont ramenés à bon port par La Gracieuse qui se porte à leur secours.
Le mois suivant c'est un speed boat de 21 pieds en panne qui est secouru par la 12S au large de Tahiti. Le Gardian après avoir découvert l'embarcation et ses 3 naufragés, prévient l'EV Henry, alors en mer, qui dépêche une équipe de mécanos pour réparer. Le speed-boat pourra rentrer à bon port, par ses propres moyens.


Les hommes et les (la?) femme(s) de la 12S lors de la prise de commandement du capitaine de corvette Camut (11 août 1989)

Des ondulations qui n'ont rien de maritime, pour un clip video du ballet Andrea, sous les caméras de RFO (février 1990).

Remise de décorations (mars 1990).

L'année 1990 commence par la recherche d'un Mahi Mahi à la dérive en février. Repéré par un Gardian après 12 heures de recherches, c'est La Tapageuse qui appareillera dans la nuit et par forte mer. Le P400, guidé par le Gardian, se portera à leur secours.
La même année, une équipe de télévision de RFO vient tourner un reportage sur l'escadrille. Un clip video réunissant les ballets d'Andrea, une troupe locale, autour d'un Gardian apporte un peu de piment au reportage.

Dans la nuit du 21 au 22 mars 1990, la goëlette Vaihere, qui assure le traffic interinsulaire aux Tuamotu, chavire brutalement sous l'effet d'une forte houle. A son bord 41 passagers et hommes d'équipage. Le Rari arrivé le premier sur les lieux du naufrage récupère 39 personnes. Un Gardian décolle pour se rendre sur les lieux du drame à la recherche des deux derniers disparus, un enfant de 3 ans et le commandant en second. Ils ne seront pas hélas retrouvés.


Les sauveteurs du voilier Kimberley (juin 1990).

En juin 1990, le Kimberley, un joli yacht de 12 mètres, est à la dérive à 100 km de Maupiti. Aux terme de 33 heures de recherches intensives, il est retrouvé par la 12S. Le Gardian largera une chaîne SAR (balise, fumigènes, eau potable, rations de survie), en attendant la Taape, qui se porte au secours du voilier et le remorque vers Raiatea.

La surveillance du Pacifique ne se limite pas à la ZEE française. Les voisins des îles Cook, sont ainsi heureux de bénéficier des concours Gardian pour surveiller leur propre zone. Un Gardian fera escale à Rarotonga, capitale des îles Cook, en septembre 1990, pour étudier les modalités des missions de coopération entre les deux pays.

En juin 1991, un pêcheur professionnel et un adolescent de 16 ans avait quitté Rurutu à bord d'un poti marara. Disparu sans la moindre trace, l'alerte était donné. C'est l'équipage Golf Bravo, commandé par l'EV Eric Maubert, qui retrouve le petit bateau après deux journées de recherches.


Triste fin pour la seule libellule de la 12S (décembre 1991).

Le 3 décembre 1991, l'Alouette III se crashe sur la piste de Temae, sans faire de victime heureusement. Une chute "en douceur" de quelques mètres au décollage, mais qui rend le seul hélicoptère du territoire complètement inutilisable. Triste fin pour la seule libellule de la 12S. L'Alouette avait 30 ans.

Octobre 1992, ce n'est pas encore Noël, mais c'est bel et bien un miracle qui survient lorsqu'après 20 jours de recherches, un Gardian découvre les 7 passagers d'un kau sur l'atoll de Paraoa (archipel des Tuamotu). Voilà plus de 20 jours que le petit bateau était parti de Vahitahi pour rejoindre Nukutavake, une traversée qui dure normalement 2 heures ! Les Gardian effectueront 33 heures de patrouille, aidés par le Panther du Prairial. Alors que tout espoir semblait perdu, le Gardian de l'EV Dardot repère les naufragés et leur largue un colis de vivre. Une vedette viendra recueillir les "Robinsons".

Fin octobre 1992, c'est une opération complexe qui se monte, pour évacuer un gendarme et sa femme gravement brûlés sur l'île de Raivavae. Compte tenu de la distance, l'équipe médicale embarquée à bord du Gardian est transféré à Tubuai sur un Super-Puma du CEP. Direction Raivavae pour un aller-retour, puis embarquement des blessés à bord du Gardian pour un vol vers Tahiti où ils seront hospitalisés.


L'équipage du Gardian 65 après le sauvetage d'un boston à Rikitea (octobre 1993).

En juillet 1993, un speed boat disparait entre Makemo et Taenga. C'est au cours de la troisième mission qu'un Gardian découvre les naufragés à 45 nautiques au Nord-ouest de Makemo.

En octobre 1993, c'est un pêcheur à bord d'un boston de 16 pieds, qui n'étant pas rentré après une journée de pêche, met en émoi la population de Rikitea. Le Gardian envoyé sur place repère rapidement une embarcation retournée sur le récif. A coté son propriétaire cramponné à un radeau de fortune a encore assez d'énergie pour lancer une fusée de détresse. Il sera sauvé par la vedette des gendarmes de Rikitea.

(NDRL : Pas d'infos sur l'activité de la 12S entre 1994 et 1998).

Au cours du premier week-end de l'année 1999, deux évacuations sanitaires par hélicoptère Super Puma de l'armée de l'Air et par Gardian de l'escadrille 12S sont réalisées entre Raivavae (Australes) et Tahiti . C'est ainsi que le 1er janvier tout d'abord, avec l'évacuation sanitaire d'un garçon de huit ans dont l'état nécessitait une action d'urgence, puis le 3 janvier, avec l'évacuation sanitaire d'un accidenté de la route, le tandem Gardian/Super Puma permet d'effectuer ces évacuations dans des délais très brefs, sous la responsabilité sanitaire du médecin de la frégate Nivôse, présent lors de ces évacuations.

Le 30 août 2000, la dernière cérémonie des couleurs de la 12S se déroule sur la BA190 de Faa'a. Après 17 années de mise en sommeil, la flottille 25F, basée à Tahiti, a reprend les missions et les moyens des 2 escadrilles 9S (Tontouta/Nouvelle-Calédonie) et 12S. Avec 5 Gardian et un effectif d'environ 70 hommes, la flottille exécute sur les 2 théâtres du Pacifique les traditionnelles missions de surveillance maritime et de sauvetage en mer.

(D'après un texte du PM Blandin M., complété par des archives du quotidien La Dépêche de Tahiti et Cols Bleus ; Sources : Service Historique de la Marine, SIRPA Mer, Musée de la Marine, Service Photo de la Base de Lann Bihoué, SIAR, AHAN Faa'a) -> Anciens de la "douze" : Vous avez sans doute des corrections, des anecdotes ou des photos pour compléter cet historique. N'hésitez pas à nous écrire :


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