Sauvetage par Atlantique

7 heures 30, depard vers Lann-Bihoué. C'est une journée un peu particulière pour WL, mon équipage de patrouille maritime. Nous assurons aujourd'hui la première alerte...

24 heures sur 24 tout au long de l'année, les commandants des zones maritimes Atlantique et Méditerranée disposent chacun d'un Atlanlique en alerte pour des opérations de recherche et de sauvetage en mer ou des missions de sûreté, au profit de la Force océanique stratégique (FOST) notamment.

8 h 00 : Dès la fin de la cérémonie des couleurs à laquelle, comme dans toute la Marine l'ensemble du personnel assiste pour recevoir ensuite les consignes de la journée, la diffusion générale annonce "VAV SAR par l'équipage sur l'ATL 2 n° 25 devant H48". Il s'agit de la préparation nécessaire (visite avant vol) avant de prendre l'alerte. L'aéronef désigné de première alerte, configuré avec ses chaînes SAR (Search and Rescue : recherche et sauvetage) supplémentaires et pleins d'attente, est en effet entièrement vérifié par son équipage. En cas de décollage, il ne restera à faire qu'un dernier tour d'avion avant mise en route

8 h 55 : L'avion est prêt et l'équipage WL Atlantique n°25 prend l'alerte à 9h00, relayant ainsi l'équipe de la veille. Tout au long de la journée, il ne faudra que quelques minutes pour faire rallier l'équipage. Pour nous, comme pour le reste de la flottille, la journée se poursuit maintenant selon le rythme normal : séances d'entraînement à l'identilication à vue, entraînement au simulateur ATL 2 pour les pilotes et mécaniciens de bord, entraînement individuel pour les opérateurs de la tranche tactique.

17h30 Le commandant d'aéronef a assisté au brieffing opérations de la base. Rien de particulier en cours. Une perturbation passera dans la nuit la mer est déià formée, mais rien de bien inquiétant. L'équipage est donc autorisé à quitter la base. Chacun prend son BIP, et rentre chez lui. La soirée devrait être calme et pourtant chaque fois que le téléphone sonne, je m'attends à être rappelé.

5h15 : Le CROSS ETEL (Centre régional opérationnel de surveillance et e sauvetage) reçoit un appel de détresse du Per Jacques, langoustier breton : un homme à la mer. Le marin est tombé lors de la remontée du filet, l'équipage du chalutier a pu lui lancer une bouée fer à cheval, mais dans l'incapacité de manceuvrer, l'homme est perdu de vue. L'alerte est donnée. Immédiatement, le CROSS fait appel au COM Brest pour obtenir le décollage de l'avion d'alerte. L'équipage est aussitôt rappelé par la flottille.

5h45 : Je rejoins mon équipage à l'avion déjà sorti du hangar par l'équipe technique. Pendant ce temps, le commandant d'aéronef (CDA) et le coordinateur tactique (TACO) passent aux opérations pour être briefés sur la mission : nom et position du bateau, moyens présents sur zone, météo, etc. Quelques minutes plus tard, les mécaniciens de bord ont fini les derniers préparatifs et nous lançons les moteurs. Le CDA et le TACO s'engouffrent dans l'avion, rejoignent leur poste, et j'entame le roulage vers le seuil de piste. Nous égrenons les dernières check-list, les dernières consignes sont exposées à l'équipage.

6 h 07 : J'aligne l'avion sur la piste. La tour de contrôle annonce : "Rescue WL, autorisé décollage". Mise en puissance, lâché des freins, les 40 tonnes de l'Atlantique s'élancent sur la piste de Lann-Bihoué. Je décolle. Il faut maintenant mettre l'avion en condition opérationnelle pour la recherche visuelle, en ralliant la zone de recherche le plus vite possible. L'avion conçu pour la lutte anti-sous marine et anti-navire est muni de capteurs modernes (radar, caméra infrarouge : FLIR* , etc.), mais dans ce genre d'opération, le moyen de recherche prioritaire reste la vue. Les postes de veille sont armés : deux personnes dans le nez vitré, un veilleur à chaque sabord, un veilleur prend place derrière chaque pilote. Neuf paires d'yeux vont scruter la mer sans relâche, permettant de couvrir une zone d'un demi nautique de part et d'autre de l'avion. Nous sommes en basse altitude, la visibilité est médiocre, la mer est forte et le vent est maintenant établi à plus de 100 km/h. Le TACO quant à lui, prépare la cinématique de recherche, et guidera le pilote de façon à couvrir la zone de la manière la plus efficace. Il est en contact radio avec le CROSS ETEL. Après contact VHF avec le Per Jacques, nous apprenons que l'homme est vêtu d'une combinaison rouge et qu'il n'a probablement pas pu saisir la bouée. Nous allons effectuer une recherche en "rayon de bicyclette" sur la position supposée de l'homme, la taille du disque est fonction de la dérive estimée en fonction du vent et des courants.

7 h 17 : Tir rétrolanceur : le sabord gauche annonce avoir vu une faible lumière à 100 yards par le travers et a tiré un marqueur fumigène lors du passage vertical. Je représente une première fois l'avion au même cap, pour confirmer le contact. Le nez vitré annonce "visuel" et me guide sur le rétro, le TACO identifie une bouée grâce au FLIR. La découverte de la bouée permet maintenant de recaler le centre de recherche , en espérant que la bouée ne dérive pas trop vite par rapport à l'homme.

7 h 45 : Il fait maintenant suffisamment jour pour distinguer les mobiles à la surface de l'eau. Il s'agit dorénavant de trouver rapidement l'homme avant qu'il ne s'épuise.

7 h 54 : Un nouveau rétro, lancé par le nez vitré ; l'homme est reperé. Nous allons larguer une chaîne SAR, ce conteneur comporte un canot pneumatique autogonflant il est gréé avec du matériel de survie. Il s'agit de matérialiser d'abord un axe travers au vent par une ligne de marqueurs verts et fumigènes, afin de s'aligner parfaitement pour le largage. Je me présente sur l'axe à vitesse réduite : 150 noeuds, volets braqués 15°, portes de soutes ouvertes : 3.2.1. Top largage.

7 h 58 : La chaîne tombe au vent du futur ex-naufragé, elle dérive lentement sur lui. Il saisit la chaîne au moyen du "bout" qui s'est délové et grimpe dans le canot. Aussitôt le miraculé prend contact avec nous au moyen de la radio de la chaîne SAR. L'état de la mer et l'épuisement probable du rescapé nécessitent une évacuation rapide par hélicoptère vers la terre. Un Super-Frelon rallie la zone. Nous le guidons vers le canot. Il treuille le rescapé. Retour vers Lann-Bihoué : il est encore temps de prendre le petit déjeuner .

(d'après Armées d'aujourd'hui n°233, septembre 1998; photos Marine nationale)


[Sommaire Atlantique]. [Sommaire Net-Marine]