AGNES 200 « Le TGV des océans » Un concep novateur L'Agnès 200 n'est pas un bateau comme les autres. C'est un démonstrateur qui fait partie de ces prototypes dits « navires à effet de surface » qui bouleversent les principes de la navigation traditionnelle. Vaisseau hybride né de l'Hovercraft et du catamaran, il peut filer comme un hydroplane ou voguer comme un navire hauturier. La campagne d'essais qu'effectue l'Agnès cette année est déterminante pour l'avènement de ce navire à grande vitesse que l'on surnomme déjà « Tgv des océans ». Le navire à effet de surface est le concept le plus novateur dans la famille des bateaux non conventionnels tels les hydroptères ou autres aéroglisseurs. Des prototypes actuellement en expérimentations, le NES français est certainement le plus avancé. Lancé le 2 juillet 1990 à Cherbourg par les Constructions Mécaniques de Normandie, l'Agnès 200 achèvera sa campagne d'essais à la mer à Lorient d'ici à 1993. Toute la spécificité du NES réside dans son concept catamaran/aéroglisseur. Cette coque à quilles latérales asymétriques est en alliage d'aluminium. Associée à un coussin d'air, elle permet au navire d'évoluer en flottaison ou en sustentation selon la nature de la mission, le second mode de navigation permettant d'atteindre des vitesses supérieures à 40 noeuds par mer de force 4 ! Un projet interministériel Ces performances techniques en font un navire exceptionnel et tout à fait original. Tout aussi original est son programme d'études et de financement. Lancé en 1984, il a réuni les ministères de la Défense, de l'Industrie et de la Recherche intéressés par les applications que pouvait développer le projet. Les avantages opérationnels tels qu'ils furent définis sur la planche à dessins, peuvent être résumés en sept points :
Le « mulet » Molènes Ces conditions spécifiques posées par la Délégation générale pour l'armement (ministère de la Défense) instigatrice du projet, furent le résultat d'expérimentation en milieu naturel d'un modèle probatoire de six tonnes. Construit en 1981, le Molènes (MOdèle LEger de NES) fut expérimenté en Méditerranée, au large de Toulon. Les essais concluants de ce « mulet » de treize mètres de long, donnèrent quatre ans plus tard, le feu vert à l'élaboration d'un prototype en vraie grandeur. Ainsi naquit la plate-forme Agnès (acronyme de Ag, pour aluminium, et NES pour navire à effet de surface). Il restait à la Direction des recherches, études et techniques (Dret) et à la Direction des constructions navales (DCN) à concevoir le démonstrateur. La durée qui s'est écoulée entre le début des études exploratoires et l'achèvement du programme (deux décennies) démontre les difficultés auxquelles ont du faire face chercheurs et ingénieurs navals. La complexité des calculs, des difficultés techniques insolubles et les choix technologiques ont été autant de freins à un rapide développement du projet qui ne sera pas sans conséquences sur les coûts d'une industrialisation. Selon le directeur du programme, l'ingénieur Jean-Pierre Guezou, le coût global du développement mené sur dix années est estimé à 200 MF, le prix du démonstrateur se soldant à quelque 130 MF (23,40 M?). Un moteur à réaction Autre caractéristique particulière : la propulsion. Fini les hélices ! Ce sont deux turbines à jets d'eau qui propulsent le NES A 786 Agnès 200 est un bateau à réaction ! L'adoption de quilles épaisses a permis l'intégration d'une turbine hydrojet dans chacune d'elles. Réalisés par la société KaMeWa-Vickers, les deux hydrojets sont les plus puissants jamais réalisés. Quant à la motorisation, elle est assurée par quatre diesels. Les deux moteurs principaux (de 4 000 cv chacun) sont nécessaires à la propulsion du NES en sustentation, les deux diesels auxiliaires (2 x 1 000 cv) étant réservés à la propulsion sur coque. Les quatre diesels ont été fabriqués par le motoriste MTU. Un système d'utilisation combinée des moteurs, associé à un réducteur couplé sur chaque hydrojet, permet ce double emploi de la propulsion. Un catamaran volant Le
procédé de sustentation du NES français est à
lui seul un concept technologique avancé qui témoigne du progrès
réalisé dans ce domaine par les ingénieurs navals et
dont les premières études ont commencé en 1972. Un procédé
qui a du faire appel à des spécialistes de l'aéronautique!
Les ingénieurs de l'ONERA (Office national d'études et de recherches
aérospatiales) ont mis au point le système de soufflerie et
de ventilation indispensable au déjaugeage des 250 t. La principale
difficulté technique des concepteurs fut de mettre un terme à
un phénomène jusqu'ici imparable: le pilonnage provoqué
par les vagues et le clapot. Tous les aéroglisseurs subissent cet aléa
qui a l'inconvénient d'engendrer des fatigues supplémentaires
aux structures et aux matériaux, sans compter l'inconfort subi par
les passagers et l'équipage. Agnès et le Dauphin
La campagne d'évaluation du programme Ménestrel, menée
conjointement par le groupe matériaux-structures navales du STCAN (service
technique des constructions et armes navales) et le bassin des carènes,
se déroulera tout au long de cette année. Les essais d'appontage
d'un hélicoptère avaient été planifiés
en janvier. Il fallait démontrer qu'un navire de modeste tonnage filant
jusqu'à 33 nouds, pouvait accueillir une voilure tournante à
cette vitesse !
Ce changement d'option entre la configuration militaire (vocation originelle
du projet) et les versions civiles qui en dérivent, s'explique pour
une part dans la logique décisionnelle du commandement. En premier
lieu, l'état-major n'avait pas exprimé le besoin urgent de s'équiper
d'un navire de ce type. Il est vrai aussi que nombre d'armements ou systèmes Frégate ASM du futur ?
Néanmoins les essais d'Agnès 200 n'en constituent pas moins
une phase importante pour une qualification pré-opérationnelle
d'un patrouilleur porte-hélicoptère et, à terme, au développement
d'un NES militaire de plus gros tonnage. La Marine nationale a coopéré
en effet, à l'étude d'un projet plus ambitieux de frégate
à vocation anti-sous-marine. Cette frégate du futur, baptisée
EOLES (Escorteur océanique léger à effet de surface),
déplacerait 1 000 à 1 500 tonnes et filerait à plus de
50 nouds. Elle pourra naviguer à 35 nouds par mer D'autres NES font surface Aujourd'hui Agnès 200 est l'un des NES les plus performants qui soient. Parmi ses concurrents américains et européens, c'est le seul à disposer des deux modes de navigation et le seul à mettre en oeuvre un hélicoptère. Les Coast Guard américains disposent de deux BH 110 et d'un SES 200 (tous trois opérationnels) le second étant une configuration amélioré des premiers et largement inspiré des capacités du NES français. Quant au Smyge de la marine suédoise, sa spécificité réside essentiellement dans sa furtivité.
Des prototypes civils sont en cours de fabrication chez nos voisins européens.
L'Allemagne développe le Corsair, un modèle mixte (civil et
militaire) de 170 t, l'Italie et l'Espagne développant chacun de son
côté, des NES de grosses capacité pour le transport de
passagers. Il n'est pas utopique de prédire que des compagnies maritimes
françaises ou Civils ou militaires les NES - et notamment Agnès - ouvrent une ère nouvelle : celle des navires à grande vitesse. Bernard
Dumortier - © 1989.
Copie et usage : cf. droits d'utilisation.
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