Le naufrage du chimiquier Ievoli Sun

Le chimiquier italien Ievoli Sun a coulé, mardi 31 octobre 2000, au large du cap de la Hague, alors qu'il était remorqué par l'Abeille Flandre. A son bord, 6000 tonnes de produits toxiques et explosifs. Il repose désormais par 70 m de fond. Avant ce naufrage tout a été tenté pour remorquer ce navire vers un port Normand (Cherbourg ou Le Havre) et ainsi eviter une nouvelle catastrophe écologique.

Les 14 hommes d’équipage sauvés en 40 minutes : C'est à cinq heures lundi 30 octobre 2000 que les hommes de l’équipage d’astreinte de la 32F, de la base aéronavale de Lanvéoc, sont tirés de leur sommeil pour venir en aide à l'équipage du chimiquier italien Ievoli Sun qui vient d'envoyer un message de détresse au CROSS Corsen. Quelques minutes plus tard, le pilote, l’enseigne de vaisseau Didier Gusmini, le copilote l’enseigne de vaisseau Olivier Mabille, les deux mécaniciens de bord ainsi qu’un plongeur, sont à pied d’œuvre.
Récit du copilote l'enseigne de vaisseau Gusmini : « Le temps est franchement mauvais. On avait presque du mal à tenir debout sur le tarmac. Pour les missions de sauvegarde des vies humaines, nous pouvons décoller jusqu’à 60 noeuds. Il y avait des pointes 65 noeuds. Nous avons eu l’ordre de décoller à 7h15. Nous étions au-dessus du navire à 7h58. Nous avons observé des creux de 7 mètres environ. Le vent soufflait à 44 noeuds. Tout l’avant du bateau était immergé. Nous n’avions pas de contact direct avec le bateau mais avec le CROSS Corsen. Le bateau naviguait à faible vitesse, il était très secoué par la mer. Il était trop dangereux de descendre l’équipe d’évaluation. Nous avons jugé nécessaire d’évacuer l’équipage. Nous avons commencé à treuiller à 8h22. Les 14 membres de l’équipage étaient remontés à 9h02. Nous avons atterri à Lanvéoc à 9h39. »
L’hélico vole à vue. Le début du treuillage a eu lieu dans l’obscurité, avec l’appoint des deux phares du Super- Frelon. Dans les rafales, « le plus difficile est de ne pas suivre les mouvements du bateau et de conserver l’hélicoptère stable par rapport à l’horizon, tout en suivant les indications données par le treuilliste. » (Extraits du Marin 3.11.2000)


Chronologie des opérations effectuées par la Marine nationale durant les 7 premiers jours. (sources Marine nationale)

30.10.2000

  • 04 h 30 : Le CROSS Corsen reçoit un appel de détresse du tanker chimiquier italien Ievoli Sun qui signale une faiblesse de structure et une voie d'eau dans son double fond. Le préfet maritime de l'Atlantique décide de faire rallier le remorqueur Abeille Flandre prépositionné à Ouessant.
  • 07h17 : Décollage d'un Super- Frelon de la flottille 32F avec à son bord une équipe d'évaluation.
  • 08h05 : Le Super- Frelon arrive sur zone. La situation étant jugée grave par l'équipe d'évaluation, le plongeur de bord de l'hélicoptère est déposé sur le Ievoli Sun et procède à l'évacuation de l'équipage.
  • 09h02 : Fin de la récupération des 14 membres de l'équipage par le Super- Frelon. L'Abeille Flandre a rallié le tanker.
  • 14h30 : Deux hélicoptères Lynx, partis de la base d'aéronautique navale de Lanvéoc, hélitreuillent une équipe de remorquage. Cette équipe est composée de spécialistes de ce type de mission, dont Charles Claden qui a participé au remorquage de l'Erika en décembre 1999. Un avion de patrouille maritime Atlantique décolle par ailleurs de la base d'aéronautique de Lann-Bihoué pour effectuer une reconnaissance du bâtiment et de la pollution éventuelle, et surveiller la phase de remorquage qui sera tentée dans l'après-midi.
  • 16h47 : La remorque, longue de 450 m, est passée par l'Abeille Flandre.
  • 17h15 : Le remorquage commence, route au nord-est à 4 noeuds pour épauler la mer.
  • 18h39 : Position du convoi Abeille Flandre - Ievoli Sun : 49°23N - 003°34W ; Route au 055 pour 4 noeuds.

31.10.2000

  • 08h30 : Le Ievoli Sun se retourne et commence à couler.
  • 09h00 : Naufrage du Ievoli Sun dans le 280 du cap de La Hague, pour 20 nautiques (environ 35 km), par des fonds de l'ordre de 80 mètres. Sur zone, l'Abeille Languedoc a relevé l'Abeille Flandre qui retourne sur Brest. L'Abeille Languedoc assure la sécurité de la zone. à Brest : Le chasseur de mines Céphée a appareillé. Le bâtiment de soutien de haute mer Alcyon rallie également la zone pour le 1er novembre. Il est équipé de matériels de lutte contre la pollution marine.
  • 22h30 : L'aviso Lieutenant de vaisseau Lavallée appareille de Brest et rallie la zone du naufrage, où il assure la police de la navigation et la coordination des moyens engagés. Toute la nuit du 31 au 1er, le remorqueur Abeille Languedoc maintient une permanence à proximité du point de naufrage. Durant sa veille il ne relève aucun élément particulier .

1.11.2000

  • 06h30 : Le chasseur de mines Céphée arrive sur zone.
  • 07h30 : Le Céphée débute ses recherches à l'aide de ses sonars. L'épave est rapidement localisée. Elle git par 75 mètres de fond, en un seul bloc, couchée sur le côté gauche, après avoir raclé le fond sur près de 300 mètres. Son avant est orienté vers le sud-ouest (220).
  • 08h00 : Un avion de patrouille maritime Atlantique, en provenance de la base d'aéronautique navale de Lann-Bihoué (Lorient), débute un vol de surveillance.
  • 09h00 : Le patrouilleur de la marine nationale L'Audacieuse appareille de Cherbourg pour effectuer des prélévements d'air et d'eau de mer pour analyse.
  • 09h30 : L'aviso Lieutenant de vaisseau Lavallée arrive sur la zone du naufrage.
  • 10h00 : Alors qu'il se trouve en fin de reconnaissance de l'épave, le Céphée remarque une forte odeur de produit chimique. Par sécurité le Céphée s'éloigne de l'aplomb de l'épave. Suite à ce constat une zone de sécurité de 3 nautiques autour de l'épave (environ 5 km) est interdite à la navigation. Cette information est diffusée immédiatement à tous les bâtiments par le CROSS Jobourg. L'aviso LV Lavallée est chargé de faire respecter cette mesure de sécurité et patrouille toute la nuit dans la zone. L'Abeille Languedoc reste au mouillage à proximité.

2.11.2000

  • L'Alcyon arrive sur zone, l'Iris, patrouilleur des affaires maritimes, appareille de Cherbourg
  • 10h30 : Un hélicoptère Dauphin décolle avec, à son bord, un chimiste. Sa mission est de relocaliser la pollution et de guider l'Iris qui doit effectuer des prélèvements.
  • 10h45 : L'Iris est sur zone.
  • 17h00 : L'Iris est de retour à Cherbourg, après avoir effectué des prélévements.
  • 17h30 : Le vol de l'hélicoptère Dauphin a permis de repérer des plaques d'apparence cotonneuse de couleur blanche de 2 mètres carrés et une forte odeur de résine à 210 mètres d'altitude à la verticale.
  • l'aviso LV Lavallée restera sur zone, et l'Abeille Languedoc mouillera à proximité au point d'Omonville, à l'est du cap de la Hague.

3.11.2000

  • Le Céphée appareille pour relever l'aviso LV Lavallée ,revenu à Cherbourg pour ravitaillement, et tente de relocaliser l'épave.
  • L'Abeille Languedoc reste au mouillage jusqu'à nouvel ordre.
  • L'Iris, l'Alcyon et l'Audacieuse restent à quai pour l'instant.

4.11.2000

  • 13h30 : L'aviso LV Lavallée appareille de Cherbourg pour relever le chasseur de mines Céphée dans le cadre de la police de navigation autour de l'épave.
  • La vedette des Affaires Maritimes Iris a appareillé ce matin avec des membres de la Sécurité Civile pour effectuer des prélèvements. Trois représentants de GREENPEACE ont également embarqué à bord. Pendant son transit vers la zone de l'épave, le navire a observé des traces d'irisation à deux miles nautiques dans le nord de la pointe de Jardeheu.
  • L'avion des douanes immédiatement envoyé n'a rien observé de particulier.
  • Le remorqueur de la Marine Nationale Alcyon, équipé de matériel de lutte contre la pollution, n'a rien relevé non plus à la même position.
  • A proximité de l'épave, en revanche, l'avion des douanes a observé une trace d'irisation s'étendant sur une zone de 500 mètres de long par 20 à 60 mètres de large.
  • L'Iris effectue des prélèvements sur cette nappe.
  • En milieu de matinée, le baliseur britannique Mermaid a commencé le mouillage de bouées qui permettront de marquer la position de l'épave.
  • 21h00 : Le LV Lavallée a relevé le Céphée.

5.11.2000

  • 08h30 : Le chasseur de mines Céphée a appareillé pour Brest son remplacement n'est pas prévu . La surveillance maritime reste assurée par l'aviso LV Lavallée.

Novembre 2000 - Le naufrage de l’Ievoli Sun vu de la Céphée...chaud!

Le 30 octobre 2000, la Céphée est alors en escale en Irlande. La météo est catastrophique sur zone (avis de tempête, vent force 10, mer énorme). Une fenêtre "favorable" entre 2 dépression lui permet d'appareiller (vagues de 9 mètres, rafales à 50 nds, 50° de roulis) et de rejoindre Brest où il arrive le 31 octobre. 20 minutes plus tard, la nouvelle tombe : L’Ievoli Sun, un chimiquier italien naviguant pour le compte de la société Shell, a sombré malgré les efforts de l’équipage de l’Abeille Flandre et du Super-Frelon qui s’était porté à son secours. Le bâtiment transportait du styrène, produit chimique particulièrement nocif. La Céphée appareille rapidement et arrive le 1er novembre à 6h30 sur les lieux du naufrage (à la limite de la fosse des Casquets).


La tempête, des avaries et une intervention hors normes pour la Céphée (photo MN).

Pour se protéger des nappes de styrène repérées en surface par moyens aériens, il met en oeuvre sa citadelle NBC (étanchéification du bâtiment par surpression). Il lance son PAP, sonar autopropulsé équipé d’une caméra, pour tenter une inspection de la coque du navire et détecter une éventuelle fuite. Au moment où le CMT pénètre dans une nappe de produit suspect. Une forte odeur de styrène est ressentie à bord. La citadelle NBC était défaillante ! Les filtres équipant les centrales de ventilation n'ayant pas fait leur effet. Le bâtiment rentre en catastrophe à Brest. Les filtres sont remplacé le jeudi 2 novembre vers 6 heures et le bâtiment appareille de nouveau vers 9h00. Pour un éventuel lancement du PAP, l'équipage est équipé de tenue "corail" et de masques à gaz à large spectre. En début d'après-midi, une accalmie de la météo permet d'envisager une relocalisation de l'épave et une intervention PAP. Mais le gouvernail actif et le pilote automatique tombent en avarie, et le point fixe doit être tenu à la main. Malgré cela, le PAP est mis à l'eau et l'épave est identifiée. Dans la nuit, la Céphée relève l'aviso LV Lavallée pour une mission de surveillance du périmètre de sécurité autour du naufrage. La Céphée rentre samedi 4 novembre à Cherbourg, puis appareille pour Brest où il remettra sa propulsion auxiliaire en état. (AP, AFP, Le Télégramme, Cols Bleus, TF1,...)