Du plan Marshall au MDAP


Construit à Lorient sous contrat « off shore », l'escorteur rapide Le Picard a été officiellement transféré à la marine française le 31 août 1955.
Instauré par les USA le 6 avril 1949 au bénéfice des puissances signataires du Pacte de Bruxelles [1], le principe de l’aide mutuelle évolua à partir de 1950.

L’aide entièrement économique du plan Marshall (1947) prit en effet un caractère militaire (loi du 27 janvier 1950 et du 10 octobre 1951). Mais ce ne fut vraiment qu’à la conférence de Lisbonne (20 février 1952), avec la création de l’examen annuel, que l’aide mutuelle prit sa forme la plus achevée, avec l’apparition des commandes off-shore (dits OSP : Off-Shore Program).

Cette aide des États-Unis d’Amérique portait le nom de Mutual Defense Assistance Program [2] (MDAP) ; en français Programme d’aide mutuelle (PAM) de défense, et était en fait clairement un programme d’aide militaire et économique [3] et [4].

L’aide militaire ou économique pouvait revêtir plusieurs formes : prestations en nature (entraînement du personnel, en particulier les pilotes d’avion), financement de programmes d’infrastructure (utilisation et construction de bases, cessions de facilités…) et, bien sûr, aide financière directe.

On retrouve avec le type de contrat off-shore le principe économique à l’origine du plan Marshall. Ces commandes ne sont pas, à proprement parler, une aide militaire. Leur principal but était d'apporter une aide économique en « devises » au pays intéressé, car ces commandes étaient payées en dollars par les États-Unis.

Cependant elles se rattachaient à l'aide militaire, en ce sens qu'une bonne partie de ces matériels construits sous contrat off-shore était ensuite cédée gratuitement au pays producteur ou à un autre au titre de l'aide militaire.

Dans la pratique, le statut administratif de ces matériels a montré que, si elle étaient bien gratuites, les cessions en question étaient plutôt des prêts (sans terme), et que ces unités, matériels, et autres équipements demeuraient pleine et entière propriété des USA. Avec obligation de les leur restituer à la fin de leur service actif.

Provenant à la fois de l’aide militaire MDAP et d’un contrat off shore, les sept premiers escorteurs rapides type E-52a (du Le Normand au Le Savoyard, inclus) sont dans cette situation. Et c’est d’ailleurs bien pourquoi ils ont été restitués à l’US Navy [5] à la fin de leur carrière. Les contrats OSP se sont toutefois appliqués à bien d’autres domaines que celui des escorteurs rapides : dragueurs de mines, patrouilleurs côtiers, plus de 750 appareils de l’aéronautique navale, ainsi que de nombreux équipements… et ceci uniquement pour la marine, cependant que les autres armées recevaient pour leur part une aide comparable.

L’aide du type OSP était un sous-ensemble du MDAP. Par exemple, entre 1953 et 1958, nous ont été livrés en MDAP quatre vingt dragueurs de mines (15 MSO, 36 MSC, 15 MSI et 14 MSC de la classe Sirius). Les soixante-six premiers cités ont été construits hors de France (USA, Canada, Royaume Uni) et les quatorze derniers en France, sous contrat OSP. Les canadiens et les britanniques étaient d’ailleurs aussi des OSP.


Patrick Venot pour Net-Marine © 2012. Copie et usage : cf. droits d'utilisation

  • [1] Signé le 17 mars 1948, entre Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni (et qui, par sa modification d’octobre 1954, devait aboutir à la création de l’UEO, avec l’adjonction de la RFA et de l’Italie) ce pacte précède donc de plus d’un an le Traité de l’Atlantique Nord.
  • [2] Defense et Program ne sont pas des fautes d’orthographes, car c'est de l'américain.
  • [3] En l’occurrence la loi (act) (du 6 octobre 1949), dite Mutual Defense Assistance Act (MDAA), ou Loi d’aide de défense mutuelle) et le programme (MDAP) qui en est issu, ne ressortissent pas de l’Otan, mais des seuls USA. D’où l’emploi des substantifs Defense et Program ; alors qu’un texte « otanien » équivalent, dans sa version anglaise, aurait bel et bien utilisé : Defence et Programme.
  • [4] Évoquant la version anglaise d’un texte de référence, il n’est pas inutile de rappeler que l’Alliance atlantique reconnaît d’égale valeur deux langues officielles : l’anglais et le français. Leurs rédactions font foi à l’identique.
  • [5] Qui s’en est servi comme cible de tir… sauf Le Lorrain.