La flottille 25F : 75 ans de patrouille maritime 1958-1983 : 25 ans de Neptune pour la 25F à Lann Bihoué
Au terme d'un périple qui l'a mené de Norfolk (USA) en France, en passant par les Bermudes et les Açores, le premier appareil arrive à Lann Bihoué le 2 juin 1958. Il s'agit du numéro 146432 convoyé par l'EV Joubert et son équipage. Il devient lors de son intégration dans la flottille le 25F-2. Aussitôt commence l'entraînement sur Neptune, tant pour les volants que pour le personnel au sol. Le 1er juillet 1958, la flottille fait des adieux émouvants à son dernier Lancaster, son premier appareil moderne de lutte anti-sous-marine. Grâce à un nouveau personnel judicieusement choisi (anciens membres des flottilles de P2V-6 et détachement de deux équipages de l'ERC) la flottille s'initie peu à peu aux secrets de son nouvel avion d'armes. La livraison progressive d'outillage spécial et de matériels de servitude n'empêcheront pas l’unique 25F-2 d'effectuer en deux semaines 342 tours de piste et 112 atterrissages. L'un après l'autre, les avions sont affectés à la flottille, du second le 21 août, au huitième et dernier le 14 octobre. C'est à cette date que la 25F peut reprendre l'alerte SAR (Search And Rescue) avec les premiers équipages formés.
Trois missions seront exécutées pendant le mois. Le 6 novembre, l'accident survenu au 25F-5 (146435) dont les trains se déverrouillent lors d'un « touch and go » réduit la flottille à sept appareils. Les équipages débutent aussi leur entraînement opérationnel et tactique, ce qui permet d'effectuer les premières missions SURMAR (Surveillance Maritime) au début de l'année 1959. La flottille est opérationnelle, état de fait concrétisé par le passage de six équipages au GASM du 19 mai au 18 juin 1959, et par la participation les 22, 23 et 24 juin à l'exercice Sans Atout. Même si l'équipe initiale d'officiers et d'officiers-mariniers est alors dispersée par les débarquements, les premières missions à l'étranger sont exécutées : 3 avions déployés à Ballykelly du 19 au 24 novembre 1959 et 2 avions à Port-Lyautey du 3 au 14 décembre 1959 (relève de la 23F). A cette époque les flottilles devaient aussi pouvoir se disperser très rapidement sur divers terrains de dégagement, qui sont pour la 25F : Dinard, Rennes et Cherbourg. C'est ce qui conduisit trois de nos Neptune à Dinard du 24 mars au 1er avril 1960. L'EDLB (Echelon de desserrement de Lann Bihoué) permettait d'assurer les missions et de vivre de façon entièrement autonorne : de la tour de contrôle mobile jusqu'aux douches, tout était organisé afin de recréer des conditions de vie normales. Fin-juin 1960, la flottille compte alors six avions. Le 146438, en excédent au plan d'armement, a été versé à la 24F et le 146435 reste affecté à la B.A.N. depuis son accident de novembre 1958. Ce dernier est tout de même emprunté par la 25F pour des missions d'AMV (Ndrl : quesako ?) et de piste. Grâce à des exercices plus nombreux, la flottille peut parfaire son entraînement en 1960 : des déplacements ont lieu à Ballykelly et Port Lyautey en septembre, Lartigue en novembre, Istres en décembre.
A
cette époque, la flottille modernise ses Neptune
avec les équipements Julie-Jezebel, noms qui désignent respectivement
les systèmes de bouées acoustiques passives et actives (type AN/ARR 26A). Ces
équipements de détection sous-marine s'ajoutent au radar AN/APS 20 E, d'une
portée de 30 nautiques sur un schnorchel (par temps calme), et au système d'écoute
électronique ECM AN/ALR 3 et 8. Ils confèrent au P2V-7 une efficacité redoutable
dans la chasse aux sous-marins. Les équipages doivent se familiariser à de nouvelles
méthodes de travail, d'autant que les avions sont également modifiés pour l'emport
des torpilles L4. En janvier 1963, les dix Neptune
de la 25F sont équipés de façon
suivante : Durant l’année 1965, la 25F connaît un pic d'activité avec la participation à de nombreux exercices interalliés : Red Knight, Beresford, Sailor's pride, Medsubec, Medtacex et Sauna. Ce dernier se déroule du 21 mars au 5 avril 1965 en Islande, cadre jusqu'alors peu familier pour les équipages. C'est en effet à Keflavik, base de la flottille américaine VP 56 équipée également de Neptune, que fut envoyé un détachement du GAN 7. Le groupe est composé d'un appareil de chacune des trois flottilles de Neptune de Lann Bihoué : la 23F avec le 148334, la 24F avec le 148333 et la 25F avec le 144685 et l'équipage Delta du LV Vandenbrouke. Le soutien logistique est assuré par le BSL Rhône et le C54 de la 11S. Participent également à l'exercice les sous-marins Dauphin et Narval à coté des submersibles américains. Les équipages tireront de grands profits de ce genre d'exercices et en seront récompensés par le prix de meilleure détection remporté par l'équipage Yankee Charlie du LV Grouillon lors du stage JASS à Londonderry en octobre 1966. En juillet 1966, la 25F compte huit P2V-7 : trois de la série 148 au standard complet, un de la série 148 équipé Julie-Jezebel, quatre des séries 144/146 modernisés Julie. Les Neptune sont alors en service depuis près de dix ans et déjà certaines flottilles vont l’abandonner pour le Breguet 1150 : mais la 24F est endeuillée par la disparition du Neptune 147565 en mer avec le LV Tyl et tout son équipage le 13 mars 1967, juste avant d'être équipée de l’Atlantic. La 25F de première alerte SAR décollera vainement. La 23F étant désignée pour la campagne dans le Pacifique, la 25F reste la seule formation métropolitaine à voler sur Neptune. Elle hérite peu à peu des P2V-7 de la 24F. Son parc aérien passe alors, de juillet 1966 à avril 1968, de huit à dix-sept avions sans que les neuf équipages soient renforcés. En dépit d'une maintenance surchargée résultant du nombre des avions, la 25F participera durant cette période à 27 exercices nationaux ou NATO (déplacement à Santiago, Malte, Izmir, Las Palmas). Les équipages totaliseront en moyenne 400 heures de vol chacun en 1968. 1968 : De nouvelles missions pour la 25F
Cependant, les missions de servitude au profit du CEL (Centre d’Essais des Landes) et du CERES (essais d’engins spéciaux) occupent une place de plus en plus grande dans l'activité de la flottille et semblent devenir les missions prioritaires de la 25F. Dans ce but, Breguet Biarritz modifiera quatre avion en TMR (Télémesure Rapide) au début de 1968 : les 331, 332, 334, 336. La 25F s'exerce également à la protection de notre premier sous-marin nucléaire tout en assurant des missions de service public : lors de la catastrophe du Torrey Canyon, elle exécutera 18 missions de surveillance des nappes de pétrole. Malheureusement, la souplesse d'emploi des Neptune de la 25F est limitée par leur appartenance à six sous-types differents, qui ne peuvent assurer indifféremment n'importe quelle mission. Le 144685 sera un peu plus tard envoyé à Rochefort pour l'instruction du personnel au sol et remplacé par les 148335 et 336 sortant de révision générale. Le nombre d'appareils affectés à la 25F atteindra alors le chiffre record de 18, sous le commandement du capitaine de corvette Pinelli.
L'escadrille 12S étant partie s'installer en juin 1972 sous les cieux plus cléments du Pacifique, la 25F doit reprendre une fois de plus les missions de servitude au profit du CEL. Dans ce but, trois avions viennent renforcer la flottille, portant le total du parc aérien à dix aéronefs en mai 1972. Et la 25F assure toujours le rôle de flottille d'entraînement opérationnel pour la 12S : de plus trois de ses équipages iront renforcer celle-ci pour la campagne du centre d'essais du Pacifique. Le plan d'armement de la 25F est maintenu à dix appareils et l'activité reste soutenue : aux missions habituelles s'ajoutent des séjours de trois semaines à Djibouti au profit du Centre d'Information sur les Rayonnements Electro-Magnétiques (le CIREM). Le 570 et YF (un ou deux avions ?) seront détachés du 15 juin au 21 octobre 1974 à Nouméa.
Les P2V-7, alors âgés de vingt ans, restent toujours aussi efficaces. Quatre avions et autant d'équipages, ainsi qu'un important échelon d'accompagnement, participent au premier exercice « Iles d'Or » à Hyères en novembre 1975. « Iles d'Or » deviendra la sortie traditionnelle de la 25F, et la flottille mettra toujours un point d'honneur à y envoyer le maximum de Neptune. Les missions à Djibouti se succèdent : mai 1975 avec escale à Mombassa et aux Seychelles par YE puis en janvier, février et juin 1976. La suppression des renforts 12S permet enfin la constitution d'équipage stables. L'activité de la flottille est augmentée par la transformation du 569 en avion de « guerre électronique » : cet avion acquerra plus tard le surnom de Goldorak ! Quelques avions supplémentaires porteront le total à 14 en mars 1977, chiffre qui ira alors en s'amenuisant au fil des ans. La 25F continue de faire voler ses vétérans du ciel (le premier vol du prototype date de 1945) sans autres évènements notables que la poursuite des séjours à Djibouti. D'avril 1976 à 1980, la présence à Djibouti des P2V-7 aura été presque permanente et depuis le début de ces missions en 1974, la flottille y aura effectué 18 960 heures de vol. L'un de ses équipages s'y distinguera particulièrement comme le prouve le témoignage de satisfaction suivant, signé de l'amiral Lannuzel :
Mais la flottille perd peu à peu les avions qui arrivent à bout de potentiel cellule tout en assurant toujours ses missions opérationnelles. En mai 1982, il ne subsiste à la 25F que les Neptune 147563, 566, 569 et les 148334 et 335. Les appareils sont fortement révisés lors de leurs visites périodiques afin de les prolonger jusqu'à la dissolution de la flottille : cet ordre parvient le 31 juillet 1983. Il n'entame pas l'activité : les déplacements vers Santiago et Kinloss se poursuivent et le Neptune 147569 « Goldorak » poursuit ses missions d'entraînement avec la flotte. Des Neptune sont encore « bons pour le service » : le 147566 le démontre le 15 juin en quittant le sol breton pour rejoindre Tahiti/Faa'a avec l'équipage du CC Salvignac. Le transit par l'Est, effectué sans problème, sera émaillé par l'envoi de cartes postales rendant grâce au dieu Neptune et à l'équipe de visite qui l'avait préparé à ce périple.
La page est définitivement tournée le 29 juillet 1983. Le CC Lelong remet au CA Ghesquières (Alpatmar) le fanion de la 25F, scellant l'acte de dissolution de la flottille 25F. (Texte : Alexandre Gannier et Jean-Michel Roche, avec la participation de Jean-Pierre Dubois, Lucien Morareau et Gérard Rost, d'après un manuscrit de M. Quinton réalisé en 1982 à l'occasion d'un concours national sur l'histoire des formations de l'Aéronautique Navale © 2006. Copie et usage : cf. droits d'utilisation ; Peut être avez vous d'autres photos - notamment des années 1958-70 - ou contributions pour compléter cet historique ?).
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