La 12F, opérationnelle sur Rafale F2


Deux Rafale F-2 au décollage à Landivisiau (juin 2008). 

Le mois de mai 2008 a vu l'admission au service opérationnel de la 12F sur Rafale F2 : la flottille entérine ainsi sa nouvelle polyvalence, devenant une unité apte aux missions de soutien des troupes au sol comme de supériorité aérienne.

Depuis l'abandon des Vought Corsair et l'arrivée des Crusader en 1964, c'est la première fois que la 12F peut assurer des missions d'appui tactique ou de frappe à longue distance : même si le Vought F-8E(FN) pratiquait parfois des exercices de tir canon air-sol, son domaine opérationnel était pratiquement l'air-air.

En abandonnant le Rafale F1 (ces avions seront plus tard rétrofittés au standard F3), la flottille gagne en efficacité sur tous les plans : comme le F2 bénéficie des capteurs passifs de l'OSF (Optronique Secteur Frontal), il peut réaliser la détection discrète d'avions adverses et leur identification à longue distance, bien au-delà de la portée visuelle.

Le système de navigation et d'attaque du F2 est également fortement amélioré en puissance de traitement et en robustesse, grâce à un nouveau calculateur modulaire. Enfin, le F2 bénéficie de la liaison 16, sorte de « joker » qui permet aux avions et aux bateaux de travailler en réseau.

Au rythme des livraisons, la flottille a bientôt sa dotation complète de Rafale F2 et pourra ainsi embarquer sur le Charles de Gaulle pour y assurer l'ensemble des missions demandées à une flottille de chasse embarquée, dès que celui-ci sera à nouveau opérationnel, au début de 2009.


Le Rafale F-1 n°8 tracté hors d'une alvéole de maintenance de la BAN Landivisiau (juin 2008)

Avec une douzaine d'avions au standard F2, la flottille peut assurer ses missions opérationnelles et la formation des pilotes (juin 2008).

Pilote à la 12F

Il faut plusieurs centaines d'heures de vol et des dizaines d'appontages pour que le jeune pilote opérationnel devienne chef de patrouille.

En cette fin-2008, à Landivisiau, la flottille 12F dispose d'une douzaine d'avions pour effectuer ses missions : maintien du niveau opérationnel des pilotes confirmés, formation des nouveaux pilotes affectés, permanence opérationnelle (PO) pour la défense aérienne du territoire. L'effectif complet de la flottille avoisine les 200 personnes : soutien, maintien en conditions opérationnelles, et bien sûr les pilotes (on en compte 17 en 2008).

Avec le nouveau Rafale polyvalent, le niveau de qualification des pilotes varie du chef de patrouille (CP), apte à planifier ou à commander des missions air/air ou air/sol, à l'équipier opérationnel, en passant par le sous-chef de patrouille (SCP).

Pour la qualification de SCP, il y a maintenant deux mentions : une « air-air » et une « air-sol », qui correspondent à des pilotes pouvant emmener un dispositif léger pour des missions air/air ou des missions air/sol (ces dernières sont souvent plus complexes au niveau du maniement du système d'armes). Jusqu'à présent, les nouveaux pilotes de Rafale avaient auparavant volé sur Super-Etendard, à la 11F ou à la 17F, et ils devenaient des équipiers opérationnels au bout d'environ 200 heures de vol. Avant la qualification d'équipier opérationnel, ils sont des pilotes de chasse en instruction : ils apprennent progressivement « l'avion », puis le « système », au cours de missions où ils sont généralement ailiers d'un pilote opérationnel ou d'un SCP, voire d'un CP.

Fidèle à sa tradition, la chasse embarquée n'utilise pas de version biplace de ses avions d'armes : c'est donc après un cursus sur simulateur de vol que le pilote en instruction est lâché sur la « bête ». Bien que le « petit nouveau » ait au moins 250 heures de vol à son actif, sur plusieurs types d'avions, y compris le monoréacteur T-45 et, jusqu'à présent, le Super-Etendard, on imagine que c'est avec un peu d'émotion qu'il se retrouve aux commandes du Rafale, à l'issue du briefing et de la visite prévol. Le lâcher se termine traditionnellement dans la mare aux canards de la 12F. Dès l'automne 2008, un simulateur de nouvelle génération permet d'améliorer encore le cursus de tranformation.


En ce milieu du mois de juin 2008, les sorties en patrouille simple sont les plus nombreuses à Landivisiau. Le bidon de 1250 litres en position centrale est une configuration très courante.
Une journée chez les « Lascars »

Typiquement, en ce milieu d'année 2008, on trouve cinq à huit Rafale sur le tarmac, les avions restants subissant des opérations d'entretien dans les mains des techniciens de la 12F. Les missions programmées dans la journée peuvent se dérouler avec 2, 3 ou 4 avions, voire davantage, et l'activité opérationnelle de la flottille est assez variable. N'oublions pas un fait majeur qui a influé sur l'activité de la flottille l'année 2008 : le porte-avions Charles de Gaulle était en arrĂȘt technique (IPER) à Toulon.

Les missions air/air en (2+1) ont un intérêt particulier pour la transformation des jeunes pilotes : un premier pilote (chevronné) décolle et va servir de plastron pour un engagement de combat aérien qui débutera selon un scénario préparé. La patrouille de deux avions qui le suit au décollage comprend un leader (CP ou SCP), et un pilote en transformation comme ailier ; après que le combat a débuté, la situation se développe en fonction des actions des uns et des autres.

Le but de ce type de mission est de mettre à l'épreuve la patrouille d'intercepteurs face à un hostile qui utilise toutes les ficelles pour parvenir à « abattre » l'un ou l'autre de ses adversaires. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le fait d'être deux avions ne constitue pas toujours un avantage décisif, surtout si la cohésion de la patrouille laisse à désirer ou si les communications entre les deux équipiers ne sont pas optimales : il y a des situations où le jeune ailier « tire » son leader dans la confusion d'un combat rapproché, en plus bien sûr du cas plus classique où l'ailier perd son leader et se fait « tirer » par le plastron.


Petits commentaires avant le véritable débriefing, à l'issue d'une sortie d'entraînement au combat aérien (juin 2008).

Pourquoi pratique-t-on le combat rapproché lors de ces missions d'entraînement alors que le Rafale bénéficie de toutes les caractéristiques pour détecter, identifier et abattre un hostile en BVR (beyond visual range) grâce à son radar RBE2, à son optronique et à ses MICA électromagnétiques et infra-rouges ?

Pour deux raisons principalement : d'une part, le combat rapproché demeure la meilleure des situations pour bonifier le jeune pilote de chasse (communication en combat, manipulation du système en situation de stress, visualisation mentale d'une situation complexe et rapidement évolutive, etc ...). D'autre part, en situation de paix ou de conflit de basse intensité, les règles d'engagement mettent l'accent sur une reconnaissance visuelle de l'hostile, ceci afin d'éliminer tout risque de confusion, si minime soit-il.

Ce genre de combat aérien se déroule très vite : en général, la messe est dite en moins d'une minute. On est frappé également d'apprendre qu'après quelques dizaines de secondes d'évolutions serrées, lorsque les avions ont perdu beaucoup d'énergie, on retrouve des situations que ne renierait pas « grand papa » : celui qui est placé 2000 pieds plus haut que l'autre détient un avantage certain pour l'issue du combat. Même en Rafale ! A l'issue d'une telle mission en (2+1), on voit parfois un jeune pilote descendre de son avion, l'air dépité de s'être fait « tirer ». Mais le débriefing tire tout cela au clair...


Le dialogue avec le technicien et la traditionnelle visite prévol sont des étapes nécessaires avant chaque vol, sur Rafale comme sur tous les autres aéronefs (Landivisiau, juin 2008).
Avec le Rafale F2, les missions à quatre avions permettent l'entraînement à des scénarios complexes combinant l'air-sol et l'air-air. On a affaire cette fois à une mission « lourde », qui peut comporter aussi une patrouille de Super-Etendard modernisés, un AWACS, un ravitailleur, voire également une opposition aérienne adverse : des avions de l'armée de l'Air, par exemple.

Dès le début du briefing, un contexte géopolitique fictif est donné par l'officier de renseignement de la flottille ; ce dernier définit également une situation tactique, avec les types et les localisations des menaces adverses. La préparation de la mission dure alors plusieurs heures, à l'issue desquelles le dispositif se prépare à prendre l'air : des avions vont attaquer les cibles prioritaires, avec un minutage et une navigation ultra-précise, et d'autres vont assurer la couverture aérienne. Pour chaque avion, les données de la mission sont codées par un préparateur tactique et chargées sur une cartouche « magique » qui sera enfichée dans un logement spécifique du fuselage de l'avion, aux côtés d'une autre cartouche, celle des données techniques de l'avion et de son système, qui elle aura été préalablement mise à jour et placée par les techniciens, avant l'arrivée du pilote.

Pour de telles missions, le réalisme est poussé à son maximum afin optimiser l'utilisation des avions et le niveau opérationnel de la flottille. Sur Rafale F2, ce genre de mission peut durer plus d'une heure et demie.

Un dialogue permanent entre le soutien technique et les opérations


La gestion en temps réel des problèmes techniques est facilitée par les alvéoles de maintenance ultra-modernes (juin 2008).

La flottille 12F bénéficie depuis 2000 d'installations ultra-modernes, où tout est conçu pour permettre une mise en oeuvre optimale des avions : l'organisation des locaux permet en particulier un dialogue facile et permanent entre le chef des services techniques (CST) et le chef des opérations de la flottille.

L'objectif est de faire coller au plus près les moyens utilisables (nombre d'avions et équipements) et l'activité aérienne : concrètement, les opérations de maintenance plus longues sont programmées en fonction des vols, et les techniciens informent en temps réel le chef des opérations sur les problèmes rencontrés avec tel ou tel avion.

Les missions de la flottille peuvent être également adaptées si besoin en fonction du parc disponible. D'ailleurs celui-ci peut évoluer très rapidement : un avion sur lequel une anomalie a été détectée au retour d'un vol peut être dépanné en l'espace d'une heure, car le fameux boîtier des données techniques est aussitôt déchargé sur un système informatique qui analyse les éléments du vol et réalise un « chek-up » complet de l'avion avant sa prochaine mission. Une panne mineure éventuelle est ainsi vérifiée et réparée très rapidement, en piste ou sous une astro-arche. Au besoin l'avion est tracté jusqu'à son alvéole de maintenance individuelle, où l'intervention des techniciens s'effectue dans des conditions d'efficacité sans commune mesure avec ce que l'on connaissait pour des avions plus anciens.


Les « Boum » de la 12F, c'est-à-dire les techniciens spécialistes en armement, mettent en place un pilône sous le fuselage d'un Rafale F2. 

On ne sait pas assez que la maintenance des avions s'effectue en continu de 8h00 du matin à 1h30 de la nuit : les techniciens se relaient en trois quarts pour assurer une disponibilité maximale du parc d'avions. Ce fonctionnement à terre reprend de manière adaptée le roulement des équipes par bordée, qui est la règle quand la flottille est embarquée sur le porte-avions. Le suivi informatique des opérations sur chaque avion permet aux techniciens de se relayer nuit et jour « au chevet » d'un Rafale : l'objectif visé est que, le matin venu, un maximum d'avions soient disponibles pour les missions de la journée.

Un dernier point sur le principe général de la maintenance du Rafale, car il diffère de ce qui était pratiqué pour les avions de la génération précédente : il n'y a plus de visite de 1er ou 2ème niveau avec des périodicités fixes et définies à l'avance en fonction du nombre d'heures de vol. Grâce à un suivi constant et informatisé de l'historique des vols effectués (durée, accélérations subies, configurations de l'avion, etc.), des logiciels developpés avec les industriels permettent de programmer les examens non-destructifs des différentes parties de l'avion, au moment le plus opportun pour chacune d'entre elles. Ce principe de maintenance modulaire d'applique également aux deux turboréacteurs M88. L'essentiel des opérations de maintenance a lieu à la flottille, le passage au SMA (Service de Maintenance Aéronautique) ne se justifiant que pour des problèmes techniques majeurs.


Les ASSP (appontage simulé sur piste) sont pratiqués régulièrement en attendant la requalification des pilotes sur porte-avions (juin 2008)

La 12F, au delà de 2008

Pour toutes les flottilles embarquées, l'année 2009 sera celle du retour à la mer du porte-avions, avec d'abord des essais, puis sans doute une campagne intense de qualifications à l'appontage, sans présumer de déploiements lointains, toujours possibles dans un contexte international assez évolutif. Mais la 12F devra en plus effectuer sa transition vers la version définitive (mais pas ultime) du Rafale polyvalent, le F3.

Ce dernier aura subi auparavant des expérimentations à Mont-de-Marsan, afin de valider de nouvelles capacités air-sol : emport du missile de croisière Scalp, de l'armement air sol modulaire, du missile AM-39 Exocet, sans oublier bien sûr le pod Damoclès, un équipement de désignation laser et de visualisation infra-rouge qui a déjà fait ses preuves avec les Super-Etendard standard 5 des flottilles 11F et 17F, ainsi que dans l'Armée de l'Air.

L'introduction progressive du missile ASMP-A, avec la prise en compte de la mission « d'ultime avertissement » par les flottilles de Rafale, est égale prévue pour l'année prochaine. Une année 2009 qui promet donc d'être très « chaude » pour les canards de la 12F.

Un retour à une activité plus classique pour une flottille de chasse embarquée sera sans doute possible dès que la flottille 11F sera, elle aussi, équipée de Rafale : à ce moment là, avec un porte-avions et deux flottilles polyvalentes équipées du puissant biréacteur, il sera possible de revenir à un système d'embarquement en alternance sur le Charles de Gaulle, un mode de fonctionnement que n'a pas connu la « Douzef » depuis qu'elle s'est retrouvée seule flottille d'interception, avec la mise en sommeil de la 14F en 1979, du temps du vénérable Crusader. Une époque lointaine, mais dont le souvenir demeure encore vivace chez les anciens ...


Décollage nocturne d'un Rafale F2 , avec une météo magnifique propice au lâcher "vol de nuit" des jeunes pilotes (juin 2008). 

Un avion chasse l'autre, mais l'esprit de la flottille 12F demeure égal à ce qu'il a toujours été (juin 2008)

La 12F n'a pas perdu au change en passant du chasseur mythique de chez Vought, le Crusader à l'allure de requin, devenu certes un peu obsolète dans les derniers temps, au dernier né de la maison Dassault, le Rafale M ressemblant à un félin prêt à bondir sur sa proie. L'avion n'est plus le même mais l'esprit de la flottille est demeuré intact !

Texte et photos Alexandre Gannier pour Net-Marine © 2009. Copie et usage : cf. droits d'utilisation. Remerciements chaleureux au CF Valette, au CF Cassan, au SIRPA Marine, à tout le personnel de la flottille 12F pour son exceptionnelle et bienveillante attention.

[Sommaire flottille 12F] . [Sommaire Net-Marine]