La construction du port militaire de Cherbourg


Porte principale de l'arsenal de Cherbourg.

Conçu et réalisé au début de l'ère industrielle, l'arsenal de Cherbourg est un exemple remarquable de la quête de rationalité qui anime les ingénieurs du milieu du XIX ème siècle. La rigueur géométrique et l'organisation fonctionnelle sont toujours lisibles dans l'urbanisme actuel de l'arsenal, même après des transformations successives.

C'est un arrêté signé du Premier Consul, du 25 germinal an XI (15 avril 1803), qui décida de la création effective d'un port de guerre, dans l'anse du Galet. On prévoyait la construction d'un avant-port et d'un bassin capables de contenir "douze vaisseaux de guerre avec un nombre proportionné de frégates et trois formes de construction" (art. 1). Par la suite, un deuxième bassin devait être construit en arrière de l'avant-port et du premier bassin pour abriter vingt-cinq vaisseaux (art. 4).

Cachin, qui avait été chargé de diriger l'exécution des travaux, prépara plusieurs projets, qui furent examinés successivement par diverses commissions. Le premier projet, qui avait été retenu par l'arrêté du 25 germinal an XI, comportait l'exécution de l'avant-port et du bassin; un deuxième projet l'avant-port et un arrière bassin ; un troisième l'avant-port et un bassin semi-circulaire avec formes sèches couvertes, capables de contenir trente vaisseaux de ligne. Ce dernier projet avait la préférence de Cachin, qui reprendra cette disposition des cales en rotonde dans un plan postérieur d'aménagement de l'arrière bassin. Toutefois, une nouvelle commission se prononça pour l'exécution de l'avant-port et du premier bassin projeté ; ses conclusions furent approuvées par l'empereur le 7 germinal an XIII (28 mars 1805), alors même que les travaux du Port Bonaparte étaient commencés.


La forme n°7 de l'arsenal de Cherbourg.

Les travaux de terrassement furent effectués par des ouvriers embauchés par les Travaux maritimes ; ils avaient d'ailleurs commencé dès floréal an XI (avril - mal 1803). Le transport des déblais se faisait à l'aide de chevaux chargés de hottes ou attelés à des tombereaux ou bien était effectué par des enfants et des femmes portant des hottes de bois et par des hommes portant des civières. D'abord payés à la journée les ouvriers furent bientôt employés à la tâche. On mit également à la tâche les travaux d'extraction.

L'arrêté de germinal an XI avait prévu de porter à trois mille hommes l'effectif de la garnison de Cherbourg "pour fournir les travailleurs nécessaires". A la même époque, on transféra à Cherbourg le bagne créé au Havre. En fait, on fit appel à la main-d'oeuvre locale, en même temps qu'à des ouvriers des départements voisins. Les préfets, chargés de recruter les ouvriers, eurent trop souvent tendance à considérer les travaux de Cherbourg comme un vaste atelier de charité ; et cette main-d'œuvre mouvante ne donna pas entière satisfaction. A cela il convient d'ajouter les retards dans le financement des travaux et le paiement des ouvriers, qui explique d'ailleurs en grande partie la mobilité de la main-d'œuvre


Sortie des ouvriers de l'arsenal.

En dépit de ces difficultés, les travaux de terrassement avançaient assez rapidement parallèlement, on avait entrepris dès l'an XII (1803-1804) la construction des deux digues destinées à fermer l'avant-port et le bassin du côté de la mer pour permettre les travaux de terrassement et, en 1807, on ferma la passe ménagée entre les deux digues par un batardeau. En 1811 étaient achevées les deux cales de Chantereyne, où furent mis en chantier te Zélandais et le Duguay-Trouin, qui seront lancés en 1813.

Cette même année 1811, Napoléon vint à Cherbourg pour inspecter les différents chantiers et se rendre compte de l'état d'avancement des travaux. L'empereur arriva le 26 mai, au milieu de l'après-midi. Aussitôt, Il se fit conduire vers le fort Impérial (de l'île Pelée), puis il visita le fort Napoléon. Pendant les cinq jours qu'il passa à Cherbourg, l'empereur se rendit plusieurs fois au port militaire, dont il étudia soigneusement les plans. De la même façon, il étudia la défense de Cherbourg, désignant l'emplacement des futures redoutes qui devaient protéger la ville du côté de la terre ; les fortifications, ainsi délimitées, laissaient les chantiers de Chantereyne en dehors de l'enceinte fortifiée. Le 30 mai, l'empereur quittait la ville.


Le poste des torpilleurs.

A la suite de la visite impériale, d'importantes décisions furent prises : le projet de bassin semi-circulaire, au sud de l'avant-port, fut définitivement abandonné ; il fut décidé qu'il serait creusé une forme de radoub à l'emplacement prévu pour l'écluse de communication entre l'avant-port et le bassin semi-circulaire et construit quatre cales de construction, deux de chaque côté de cette forme. Les travaux devaient être conduits de façon à permettre la mise en service de l'avant-port au printemps de 1813, en négligeant, s'il y avait lieu, le bassin à flot".

Pour remédier au manque de main-d'œuvre, on eut recours aux prisonniers espagnols, dont plus de quatre mille furent envoyés à Cherbourg, ou ils furent employés aux travaux du port dès le mois de juillet 1811.

L'inauguration de l'avant-port eut lieu en présence de l'impératrice Marie-Louise, qui arriva à Cherbourg dans la soirée du 25 août 1813. Le vendredi 27, on procéda à la destruction du batardeau et à la mise en eau de l'avant-port. Pendant ce temps, l'escadre du contre-amiral Troude évoluait en rade.


L'arsenal : Garde-cotes et la défense mobile.

Les difficultés puis les revers de l'année 1813 allaient ralentir les travaux. En 1813, seuls les quais sud et ouest du bassin étaient construits les murs des quais nord et est n'étaient pas commencés et la digue d'enceinte qui devait isoler le bassin de la mer était tout juste ébauchée. Ce n'est qu'en 1816 que l'assèchement du bassin fut rendu possible et que purent être entrepris les travaux de creusement. Au avait été terminée l'année précédente. Les travaux du bassin furent poursuivis pendant les années suivantes et en 1823, on décida que le bassin serait creusé à la même profondeur que l'avant-port (-9 m 20).

Cependant "les travaux du port de Cherbourg n'avaient guère été poursuivis au cours de ces dernières années que pour employer une partie des travailleurs que l'importance des travaux antérieurs avait fixés a Cherbourg"; il fallut attendre l'année 1825 pour voir la reprise active des travaux. Le bassin, achevé en 1829, fut inauguré le 25 août de la même année, sous le nom de bassin Charles X.

Les travaux de l'arrière-bassin, prévu par Cachin, ne commencèrent qu'en 1836 ; ils traînèrent en longueur jusqu'en 1852, date à laquelle ils furent mis en adjudication. L'inauguration de l'arrière-bassin, qui reçut le nom de bassin Napoléon III eut lieu le 7 août 1858, en présence de l'empereur Napoléon III et de l'impératrice Eugènie ; en même temps étaient inaugurées la ligne de chemin de fer de Paris à Cherbourg et la statue équestre de Napoléon, due à Armand Le Véel. Au cours de cette même année furent achevées les cales de construction de l'avant-port ; la forme de raboub.

(Sources :Extrait du catalogue de l'exposition Napoléon et le Cotentin, Musée de Cherbourg, 1969, pp. 7-16 ; publié partiellement dans Cols Bleus, n 1257, 2 décembre 1972, pp. 8-9. Pierres de mer ADDIM)