Légende et réalité

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SL
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Légende et réalité

Message par SL »

Bonjour,
Les recherches sur la toile réservent parfois bien des surprises. En particulier dans le domaine de l'histoire maritime.
On peut ainsi lire sur un forum que la jugulaire du bonnet de marin devrait son origine à la reine d'Angleterre. Celle-ci se trouvait dans une embarcation par fort vent, lorsqu'un matelot vit son bonnet s'envoler. Il arriva cependant à le récupérer et c'est alors que la souveraine retroussant légèrement sa robe et prenant le lacet blanc qui lui servait à fixer sa jarretelle en fit une jugulaire de fortune.

La reine en question est bien évidemment la reine Victoria. Mais jusqu’à présent personne n’a jamais été capable de dire à quelle date cet évènement s’est produit. Et il y a à cela une raison bien simple c’est qu’il s’agit là d’une légende.
Le règlement du 27 mars 1858 sur l’uniforme et l’habillement des équipages décrit précisément pour la première fois le bonnet de travail. Et à ce bonnet "sont adaptées des jugulaires en cuir de vache lissé, noirci et verni sur chair". On imagine mal la reine d'Angleterre fixant sa jarretelle avec des lacets en cuir de vache.
Vingt ans plus tard la circulaire du 13 mai 1878 remplaça cette jugulaire en cuir par une "jugulaire en lacet blanc" qui avait fait l'objet d'un essai au sein des bâtiments de l'escadre d'évolution. Et la dernière visite de la reine Victoria en France datait de 1855 !

Il y a d'autres histoires du même type. Si vous en connaissez n'hésitez pas à les ajouter à ce message et nous pourrons peut-être faire la part du vrai et du faux dans tout ce qui peut se dire ou s'écrire sur le sujet.
Cordialement SL
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marinedk
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Message par marinedk »

Bonjour SL,

Une autre légende bien connue, est le rapport supposé entre le port de la cravate noire et la défaite de Trafalgar.

La bataille de Trafalgar s'est déroulée le 21 octobre 1805. Dès le 15 floréal an XII soit le 05 mai 1804, l'arrêté relatif au vêtement uniforme que porteront les marins composant les équipages des bâtiments de la République disposait dans son article VII :
" Les officiers mariniers, matelots, novices et mousses auront, tous, veste et pantalon bleus, le bouton de corne timbré également d'une ancre croisée de deux sabres, gilet rouge, chapeau rond et CRAVATE NOIRE "

Le port de la cravate noire est donc antérieur de plus d'un an à cette bataille.
Cordialement

visitez mon site sur la marine http://marinedk.free.fr/index.html

Marinedk
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Message par SL »

Bonjour "Marinedk", bonjour à tous,
Merci de ce message.
Bien évidemment la cravate "marque de deuil" portée en souvenir de la défaite de Trafalgar est un des grands classiques de la légende maritime. Et elle a même généré une variante britannique disant que les marins anglais portent cette même cravate noire à la suite de la disparition du l'amiral NELSON durant cette bataille.
Cordialement SL
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marinedk
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Message par marinedk »

Bonjour à tous,

Et qu'en est-il de notre fameux 'pompon' rouge censé protéger nos petits cranes fragiles dans les coursives ?

SL va-t'il casser une vieille légende ?
Cordialement

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Marinedk
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Message par SL »

Bonjour à tous, bonjour "Marinedk"

Pour répondre à votre question, quelques éléments relatifs au pompon. A l'exception des dispositions fixées par les textes, les éléments relatifs à ses origines ne constituent que des suppositions et toute indication pouvant contribuer à les confirmer ou à les infirmer sera la bienvenue.

On ne peut pas parler du pompon (houppette dans la terminologie officielle) sans évoquer la coiffure qui le porte, le bonnet de marin.

D’après le dictionnaire Larousse le bonnet est une coiffure masculine ou féminine, souple et sans bord, qui emboîte la tête. Très tôt ce bonnet fut adopté par les gens de mer en raison de son caractère pratique et de la bonne protection "thermique" qu’il assurait.
En outre à une époque où le ministre de la marine ne se souciait pas de fournir des effets d’habillement à ses marins, il offrait l’avantage d’être peu coûteux et de pouvoir être confectionné par le marin lui-même (lorsque l’on tricotait en mer) ou par un membre de sa famille.
C’est peut-être dans ce type de confection qu'il convient de rechercher l'origine du pompon. Selon les éléments recueillis auprès des "spécialistes" un bonnet se tricote avec quatre aiguilles et pour terminer l'ouvrage on réunit les différents fils sous forme de gland ou de pompon.
Ce n'est là qu'une hypothèse qui n'est ni confirmée ni infirmée par les textes officiels, peu détaillés en la matière.

L'ordonnance du 1er janvier 1786 sur l'ordre, la propreté et la salubrité à maintenir à bord des vaisseaux ne mentionne parmi les "hardes" dont les matelots devront être pourvus (à leurs frais !!) qu'une seule coiffure : un chapeau rond en forme de toque.

Un bonnet apparaît dans le sac du marin prévu par la circulaire du 6 frimaire an X. Puis le décret impérial du 1er avril 1808 relatif à l'administration des bataillons de la marine attribue aux marins deux bonnets de laine. Il s'agit là de coiffures de travail, la coiffure de sortie ou de service étant le shako du modèle adopté par l'infanterie.

Le décret de 1808 ne donne aucune description de ces bonnets qui vont rapidement tomber dans l'oubli puisqu'il faut attendre l'ordonnance du 1er mars 1832 pour voir réapparaître dans le sac du marin, sans plus de détails, deux bonnets, un de laine grise et un de travail.

Un marché passé pour la fourniture de bonnets de travail le 16 août 1832, nous permet de savoir que :
"Les bonnets seront en laine-mère, et fabriqués en tricot foulé, apprêtés dans le même genre des draps; la couleur est bleu de roi, teint en laine.
Deux raies rouges écarlates, teintes à la cochenille, ornent les bords du turban du bonnet, le tout sans aucune couture ni morceau rapporté.
Un gland sans coquille, en laine bleue et écarlate bon teint, est placé au milieu de la partie supérieure de la couronne."

Le même marché conclu en 1836 modifie le gland qui est désormais en "laine bleue et garance bon teint."

Dans la mesure où ce bonnet manufacturé est le successeur du bonnet précédemment tricoté par les intéressés, il semble probable que le gland bicolore soit la survivance des fils bleus et rouges que l'on réunissait pour finir le tricot. Et il n'y aurait là aucun caractère protecteur du crâne dans des batteries trop basses.

Le terme "houppette" apparaît pour la première fois dans le règlement du 27 mars 1858 :

"Au centre de la couronne est fixée à l'aide de fil noir, une houppette de fils de laine bleue et garance mélangés, repliés dans leur longueur et formant gland. Cette houppette se compose de 112 brins de fil bleu et de 76 brins de fil garance. Sa hauteur est de 65 mm. Elle est serrée à 20 mm de son extrémité supérieure par un lien de fil noir, de façon à maintenir les brins, et en même temps à former tête de gland."

La houppette (à quelle date apparaît l'appellation pompon ????) va rester bicolore jusqu'au 21 février 1870, date à laquelle elle ne se compose plus que de "150 brins de fils garances".

Par référence à ces textes, on notera que ce que l'on entend parfois sur l'origine de la houppette rouge, souvenir d'un mouchoir royal qui aurait servi de pansement à un matelot blessé à la tête, n'est que légende.

Après 1870 la houppette ne va plus évoluer de façon significative sinon au gré de la fantaisie des intéressés. Selon les époques on verra ainsi des bonnets avec des grosses ou des petites houppettes, rondes ou en forme de carotte et les rappels au règlement n'y changeront pas grand-chose. La mode maritime à ses raisons ......

Cordialement SL
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marinedk
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Message par marinedk »

Bonjour à tous,

Et merci SL pour ce bel exposé.
Cordialement

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Marinedk
SL
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Message par SL »

Bonjour à tous,

Pour poursuivre, vu sur la "toile" :

"Autrefois le règlement imposait aux personnels de se découvrir lors des échanges de salutations et ils étaient donc obligés de porter la main vers la tête. Au fil des ans ce geste s'est "érodé" (sic) et aujourd'hui il ne reste plus que le salut que l'on connaît."

Parfaitement exact pour la première partie de cette information. Jusqu'à la fin du XIXème siècle les règlement en vigueur dans la Marine prescrivaient l'obligation aux officiers, officiers mariniers, marins et assimilés de se découvrir, soit dans l'échange de salutations entre eux, soit dans leurs relations avec les officiers, sous-officiers, etc ... de l'armée de terre et avec ceux des puissances étrangères alors que ces derniers se bornaient à porter la main à leur coiffure.

Prenant acte de cette particularité, le décret du 4 novembre 1891 dispose dans son article 1 :

"Le salut militaire qui consiste à porter la main droite au côté droit de la visière, la paume de la main en avant, le coude légèrement levé, en regardant la personne que l'on salue, est rendu réglementaire dans la Marine."

Rien à voir donc avec une quelconque érosion de l'usage antérieur. Cependant le rapport précédant le décret cité supra prévoit encore que

"Dans certaines circonstances spéciales à la Marine, le mode de saluer qui consiste à se découvrir devant le pavillon national, dans les canots lors d'un salut à coups de canon, à bord lors de la réception de grands personnages ou fonctionnaires de l'ordre civil, est maintenu comme conforme aux traditions."

Une recherche supplémentaire s'impose pour savoir si les deux dernières situations (dans les canots et à bord lors de réception) sont toujours prévues par les textes sur le cérémonial.

Cordialement SL
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