La cravate et sa couleur
Publié : 28 févr. 2013, 13:04
La lecture du message d'ASTUM "1930 Médecin principal de marine" de septembre dernier m'a fait rechercher l'origine de la couleur noire de la cravate dans la Marine.
D'après Fernan Louis, cette couleur apparaît en 1793, (je ne l'ai pas trouvé dans le décret du 13 janvier sur l'organisation de la Marine), pour les officiers, à bord, en même temps que le sabre. Ce ne serait que la transposition à la mer de la pratique fixée l'année précédente pour l'Armée : "col" blanc en garnison, noir en campagne ou dans les marches. On comprend qu'il soit difficle de garder un "col" propre dans ces conditions. Pour la troupe, le col blanc est réservée à "la grande parade".
Mais la disposition pour les officiers de vaisseau figure bien dans le décret impérial du 7 prairial an XII (27 mai 1804) s'appliquant au "col".
En absence de prescription réglementaire sur cet accessoire, il semble bien qu'à partir de là, le col-cravate est noir avec un liseré blanc en service, blanc en tenue de ville et de société pour les officiers et peut-être les sous-officiers, et toujours noir pour la troupe.
Tout naturellement, quant "les marins composant les équipages des vaisseaux de la République " reçoivent un uniforme, de sortie uniquement, en floréal an XII, la cravate est noire . Le terme "cravate" est alors employé car les matelots portent la chemise à grand col apparent, et leur paletot a un collet. D'ailleurs, la cravate est large et bien apparente. Et tant pis pour ceux qui tiennent que c'est en signe de deuil pour Trafalgar qui aura lieu dix-huit mois plus tard.
Depuis, les militaires et les marins portaient donc tous la cravate noire, et c'est tout naturellement que les troupes de Marine la reçoivent à leur nouvelle création en 1831.
Les spécialistes ne se sont guère interessés à un aussi mince accessoire que la cravate, mais l'iconographie montre que même les Amiraux de France en habit de cérémonie brodé sur toutes les tailles ont la cravate noire.
Les Funcken représentent les fantassins avec un col-cravate gros-bleu dès 1852, et il est sûr que l'infanterie la porte de ces forme et couleur en 1870.
La Marine continue de la porter noire, et cette couleur conservée devient élément de tradition, comme le pont du pantalon, et, encore plus surprenant, le boutonnage croisé.
Si bien que, quand, par la loi scélérate du 7 juillet 1900, l'Armée vole à la Marine ses troupes, pour la 7e fois de l'Histoire! les troupes désormais coloniales, conservent, en même temps que leur inspection et leur direction technique, la cravate noire.
Il faudra attendre 1990 et la tenue "Terre de France" pour que la cravate noire orne le cou de tous les militaires (sauf la Légion, mais la cravate verte, c'est encore une autre histoire), au moment d'ailleurs où ils la portent de moins en moins.
Dans la société civile de la Belle Époque, la cravate blanche se porte en noeud papillon avec l'habit de soirée (sauf les maîtres d'hôtel, et si l'enseigne du "Bal à la Préfecture maritime" de Gervèse avait eu l'usage du monde, il ne se serait pas incliné devant celui de l'amiral), le papillon noir étant pour le spencer et le smoking, jugés moins cérémonieux. C'est la distinction anglo-saxonne "white tie; black tie".
Les officiers de la Marine n'en ont cure, puisqu'ils portent le collet de leur habit fermé depuis 1902, juste avant sa suppression. L'habit de grande tenue est réinstauré en 1912, toujours avec le collet droit et fermé.
En 1915, le port en est "provisoirement" suspendu, ce qui permet par exemple de ne pas avoir à le transporter (dans sa boîte en fer étamé) pour faire ses visites officielles, quand on est affecté sur un chalutier armé.
Tout évolue après la Grande Guerre, les années deviennent folles, et les marins ont dans les soirées un air minable avec leur redingote de collégien à col fermé.
Cependant, l'habit brodé à col haut est trop daté, et en 1926 la Marine adopte l'habit ouvert sur le gilet blanc. Devant les râlantes de ceux qui entrent encore dans leur habit de 1912, faculté est donnée de transformer ce dernier. Mais, par tradition Marine et contrairement à la règle mondaine, le noeud papillon reste noir.
Donc le médecin principal d'astum doit l'avoir de cette couleur.
Mais l'habit de drap tient chaud, et la Marine commence à tenir compte du climat dans la tenue; pour la zone intertropicale, elle adopte le spencer de toile blanche (est-ce en 1928, SL ?) et là, il n'y a plus contradiction entre les bonnes manières et la tradition = le papillon noir est de rigueur.
L'Armée adopte la tunique longue à col officier en 1931 comme tenue de cérémonie et de soirée; avec ce col, pas besoin de montrer une cravate.
En 1955, est défini le spencer de soirée en drap "grain de poudre", et l'arrêté 82 du 2 août 1957 dispose habilement dans l'article 215 que "La tenue n°11 (habit) n'est jamais imposée. Elle peut être portée à volonté par les officiers généraux et supérieurs quand la tenue n°12 (spencer de drap) est prescrite."
Ainsi l'habit disparaît peu-à-peu en même temps que ceux qui le portent, et le papillon noir finit par règner seul dans les soirées de la Marine.
Pourtant, à la même époque, l'Armée adopte l'habit! en drap noir, et bien sûr le noeud papillon blanc. C'est dans cette tenue de gala que pose LE Général pour le loubet.
Vers 1964, l'Algérie n'est plus qu'un mauvais souvenir et l'Armée entend moderniser son image; en même temps que le béret commando pour toutes les têtes, elle adopte à son tour le spencer pour le soir. Mais là, c'est elle qui contrevient à la règle en gardant le noeud papillon blanc, qu'elle porte toujours.
Et en 1975 (n'est-ce pas SL?), c'est la Marine qui cède et impose le papillon blanc avec le pantalon à bande d'or, pour le "grand spencer", le noeud restant noir si le pantalon ne porte pas de bande. Il paraît que cette mesure aurait été prise par le CEMM excédé des remarques lors de soirées protocolaires, où il était seul à porter un papillon noir, réglementaire mais faisant jaser.
Panique au service d'habillement de Toulon quand les demandes de cet article ignoré arrivent massivement à la fin de l'année pour la nuit Bleu Marine!
Ce n'est qu'en juillet 1988 que le papillon blanc est supprimé, par une 13e modif. à l'arrêté de 1975.
Désormais, la Marine a retrouvé l'unité de couleur pour ses cravates, selon sa tradition.
Mais comme la mode est un éternel recommencement, le papillon blanc avec le spencer est "très tendance " pour les jeunes loups, avec le gilet de piqué blanc ressorti des oubliettes.
Et le CEMA, lui-même portant dans une soirée le papillon noir, d'expliquer doctement à quelqu'un qui s'étonnait en toute candeur de cette disparité, que c'était lié à la présence de la bande d'or !
À moins qu'après le port du béret à gauche en tenue de combat, il ne décide bientôt une nouvelle entorse à la tradition!
Cordialement
D'après Fernan Louis, cette couleur apparaît en 1793, (je ne l'ai pas trouvé dans le décret du 13 janvier sur l'organisation de la Marine), pour les officiers, à bord, en même temps que le sabre. Ce ne serait que la transposition à la mer de la pratique fixée l'année précédente pour l'Armée : "col" blanc en garnison, noir en campagne ou dans les marches. On comprend qu'il soit difficle de garder un "col" propre dans ces conditions. Pour la troupe, le col blanc est réservée à "la grande parade".
Mais la disposition pour les officiers de vaisseau figure bien dans le décret impérial du 7 prairial an XII (27 mai 1804) s'appliquant au "col".
En absence de prescription réglementaire sur cet accessoire, il semble bien qu'à partir de là, le col-cravate est noir avec un liseré blanc en service, blanc en tenue de ville et de société pour les officiers et peut-être les sous-officiers, et toujours noir pour la troupe.
Tout naturellement, quant "les marins composant les équipages des vaisseaux de la République " reçoivent un uniforme, de sortie uniquement, en floréal an XII, la cravate est noire . Le terme "cravate" est alors employé car les matelots portent la chemise à grand col apparent, et leur paletot a un collet. D'ailleurs, la cravate est large et bien apparente. Et tant pis pour ceux qui tiennent que c'est en signe de deuil pour Trafalgar qui aura lieu dix-huit mois plus tard.
Depuis, les militaires et les marins portaient donc tous la cravate noire, et c'est tout naturellement que les troupes de Marine la reçoivent à leur nouvelle création en 1831.
Les spécialistes ne se sont guère interessés à un aussi mince accessoire que la cravate, mais l'iconographie montre que même les Amiraux de France en habit de cérémonie brodé sur toutes les tailles ont la cravate noire.
Les Funcken représentent les fantassins avec un col-cravate gros-bleu dès 1852, et il est sûr que l'infanterie la porte de ces forme et couleur en 1870.
La Marine continue de la porter noire, et cette couleur conservée devient élément de tradition, comme le pont du pantalon, et, encore plus surprenant, le boutonnage croisé.
Si bien que, quand, par la loi scélérate du 7 juillet 1900, l'Armée vole à la Marine ses troupes, pour la 7e fois de l'Histoire! les troupes désormais coloniales, conservent, en même temps que leur inspection et leur direction technique, la cravate noire.
Il faudra attendre 1990 et la tenue "Terre de France" pour que la cravate noire orne le cou de tous les militaires (sauf la Légion, mais la cravate verte, c'est encore une autre histoire), au moment d'ailleurs où ils la portent de moins en moins.
Dans la société civile de la Belle Époque, la cravate blanche se porte en noeud papillon avec l'habit de soirée (sauf les maîtres d'hôtel, et si l'enseigne du "Bal à la Préfecture maritime" de Gervèse avait eu l'usage du monde, il ne se serait pas incliné devant celui de l'amiral), le papillon noir étant pour le spencer et le smoking, jugés moins cérémonieux. C'est la distinction anglo-saxonne "white tie; black tie".
Les officiers de la Marine n'en ont cure, puisqu'ils portent le collet de leur habit fermé depuis 1902, juste avant sa suppression. L'habit de grande tenue est réinstauré en 1912, toujours avec le collet droit et fermé.
En 1915, le port en est "provisoirement" suspendu, ce qui permet par exemple de ne pas avoir à le transporter (dans sa boîte en fer étamé) pour faire ses visites officielles, quand on est affecté sur un chalutier armé.
Tout évolue après la Grande Guerre, les années deviennent folles, et les marins ont dans les soirées un air minable avec leur redingote de collégien à col fermé.
Cependant, l'habit brodé à col haut est trop daté, et en 1926 la Marine adopte l'habit ouvert sur le gilet blanc. Devant les râlantes de ceux qui entrent encore dans leur habit de 1912, faculté est donnée de transformer ce dernier. Mais, par tradition Marine et contrairement à la règle mondaine, le noeud papillon reste noir.
Donc le médecin principal d'astum doit l'avoir de cette couleur.
Mais l'habit de drap tient chaud, et la Marine commence à tenir compte du climat dans la tenue; pour la zone intertropicale, elle adopte le spencer de toile blanche (est-ce en 1928, SL ?) et là, il n'y a plus contradiction entre les bonnes manières et la tradition = le papillon noir est de rigueur.
L'Armée adopte la tunique longue à col officier en 1931 comme tenue de cérémonie et de soirée; avec ce col, pas besoin de montrer une cravate.
En 1955, est défini le spencer de soirée en drap "grain de poudre", et l'arrêté 82 du 2 août 1957 dispose habilement dans l'article 215 que "La tenue n°11 (habit) n'est jamais imposée. Elle peut être portée à volonté par les officiers généraux et supérieurs quand la tenue n°12 (spencer de drap) est prescrite."
Ainsi l'habit disparaît peu-à-peu en même temps que ceux qui le portent, et le papillon noir finit par règner seul dans les soirées de la Marine.
Pourtant, à la même époque, l'Armée adopte l'habit! en drap noir, et bien sûr le noeud papillon blanc. C'est dans cette tenue de gala que pose LE Général pour le loubet.
Vers 1964, l'Algérie n'est plus qu'un mauvais souvenir et l'Armée entend moderniser son image; en même temps que le béret commando pour toutes les têtes, elle adopte à son tour le spencer pour le soir. Mais là, c'est elle qui contrevient à la règle en gardant le noeud papillon blanc, qu'elle porte toujours.
Et en 1975 (n'est-ce pas SL?), c'est la Marine qui cède et impose le papillon blanc avec le pantalon à bande d'or, pour le "grand spencer", le noeud restant noir si le pantalon ne porte pas de bande. Il paraît que cette mesure aurait été prise par le CEMM excédé des remarques lors de soirées protocolaires, où il était seul à porter un papillon noir, réglementaire mais faisant jaser.
Panique au service d'habillement de Toulon quand les demandes de cet article ignoré arrivent massivement à la fin de l'année pour la nuit Bleu Marine!
Ce n'est qu'en juillet 1988 que le papillon blanc est supprimé, par une 13e modif. à l'arrêté de 1975.
Désormais, la Marine a retrouvé l'unité de couleur pour ses cravates, selon sa tradition.
Mais comme la mode est un éternel recommencement, le papillon blanc avec le spencer est "très tendance " pour les jeunes loups, avec le gilet de piqué blanc ressorti des oubliettes.
Et le CEMA, lui-même portant dans une soirée le papillon noir, d'expliquer doctement à quelqu'un qui s'étonnait en toute candeur de cette disparité, que c'était lié à la présence de la bande d'or !
À moins qu'après le port du béret à gauche en tenue de combat, il ne décide bientôt une nouvelle entorse à la tradition!
Cordialement