Les forts de la rade de Toulon

La rade de Toulon s'est entourée dès le XVIème siecle d'un système de defense destiné à proteger en premier lieu ses accés maritimes, puis terrestres, au fur et à mesure que l'artillerie offensive allongeait sa portée.

LE FORT DE LA TOUR ROYALE : Demandée par la population toulonnaise, alarmée de voir son port de commerce sans cesse ouvert aux flottes ennemies, la construction de la Tour Royale démarre en 1514 sur les ordres de Louis XII. Ses dimensions imposantes la font vite dénommer Grosse Tour. Elle a un diamètre de 60 m, des murs épais de 7m, sa base plonge dans la mer. Ouvrage de défense, c'est la première des tours à canons construite en bord de rade à Toulon. Sur la plate-forme était installés les canons pour les tirs visant les gréements; au ras de l'eau, 9 embrasures, dont deux sont encore visibles, furent ouvertes pour permettre les tirs rasants. La Tour Royale a glorieusement pris part au siège de Toulon en 1707, mais après 1770 et l'achèvement du Fort Lamalgue au dessus d'elle, son rôle devint moins important. Une dernière fois occupée par les allemands en 1942 qui y installent des pièces de D.C.A., elle manque d'être détruite par les bombardements américains. La Tour Royale a été classée monument historique en 1947. Depuis 1951, elle abrite un Musée de la Marine.


La tour Royale

Dans les sept casemates cylindriques creusées au pic dans le roc, aujourd'hui salle d'esposition , sont présentées des figures de proue, des atlantes qui ornaient les vaisseaux d'autrefois et les canons qui les armaient. Un lourd canon chinois, magnifiquement décoré, occupe l'une des casemates.

Dès sa création, la Tour eut également un rôle de prison. En témoigne l'incarcération d'une centaine de forbans turcs, dont certains furent pendus, capturés par le célèbre Chevalier Paul en 1635. Signalons qu'elle fit aussi office d'asile en 1572, quand Nicolas de Pignans commandant de la Tour, offrit un refuge sûr aux protestants toulonnais persécutés à la suite des massacres de la Saint-Barthelemy. Ce n'est qu'à partir du XVIII siècle que la Grosse Tour fut utilisée de façon habituelle comme une prison: cachots sou­terrains aujourd'hui pour partie comblés où les rats, la vermine et l'humidité avaient vite raison des détenus. L'histoire d'ailleurs se souvient du Chevalier de La Garde qui, ayant combattu contre sa patrie en 1524, expia son crime dans un de ces cachots : 15 mois d'obscurité complète, une partie du corps immergée, le tout dans une atmosphère nauséabonde. Les emprisonnements furent particulièrement nombreux pendant la Révolution française. Royalistes et républicains se succédèrent alors dans ces geôles. Au cours du 1er Empire, la forteresse servit à enfermer des prisonniers anglais dont la détention était moins rude, puisqu'ils avaient le droit de se promener librement et de se restaurer chez les familles toulonnaises. Il en fut de même jusqu'au début du XXe siècle, l'armée l'utilisant alors comme local disciplinaire. Au cours de la guerre 1870-1871, elle abrita les lingots d'or de la Banque de France dans le plus grand secret. Utilisée comme magasin par la Direction des Constructions et Armes navales, elle retrouva son rôle de prison au cours de la guerre 1914-1918, quand des prisonniers de guerre allemands y furent internés.


La tour du fort Balaguier.
LE FORT DE BALAGUIER: C'est en 1636 que le Cardinal de Richelieu obtient de Louis XIII la construction de la Tour de Balaguier. Jusqu'à cette date, la protection du port de Toulon n'était assurée que par la Tour Royale . En 1685, dans la nouvelle optique des fortifications, Balaguier, Tour à canons, s'est vue augmenter de remparts, de murs, de logements et de poudrières qui donnent à son fort son aspect actuel. Il s'agit alors pour lui, toujours de protéger le port de Toulon, mais, plus spécialement, un petit Arsenal, né sous Henri IV et que Richelieu, premier Ministre de la Marine, pressent comme destiné à s'agrandir ! Il faut signaler qu'en 1793, Balaguier reçut un visiteur illustre en la personne de Napoléon Bonaparte, alors jeune commandant de l'Artillerie Républicaine. Contrairement à son voisin de l'Eguillette, le Fort de Balaguier est un fort en batterie haute: destiné à faire feu dans les gréements de la Marine à voile. En revanche tout comme son voisin l'origine de son nom est liée à la présence à proximité de points d'eau douce.La tour comporte en sous-sol une citerne et des magasins, surmontés d'un logement vouté pour la garnison, qui supporte une terrasse à canons. Ultérieurement une batterie rasante avec parapets à embrassures est construite de part et d'autre de la tour. Du côté de la terre, la position est protégée par un mur crénélé à redan modifié au XIX ème siecle. Après des décennies de vicissitudes, c'est en 1970 que le Fort de Balaguier devint musée d'histoire Maritime et locale. Il est inscrit sur la liste des monuments historiques depuis 1973.

Le fort de l'Eguillette

LE FORT DE L'EGUILLETTE: Construit entre 1672 et 1680 ce fort offrait à la fin du 17ème siècle, une protection efficace au port de Toulon, mais aussi aux rivages seynois. L'appellation de l'Eguillette semble venir de la présence en ces lieux de points d'eau douce (ayguade), où les navires venaient se ravitailler. Contrairement aux constructions rondes des forts de Balaguier et de la Tour Royale, la Tour de l'Eguillette est carrée flanquée de deux ailes obliques: couloir et batterie à ciel ouvert avec parapets et embrasures, derriere lesquels 22 canons menacent la rade en tir rasant. Le fort de l'Eguillette est un fort en batterie basse: à l'époque de la Marine à voile, il était utilisé pour faire feu sur la coque des navires.Devant le progrés realisé par l'artillerie au milieu du XIX ème siecle, la batterie de droite est casematée par des voutes en maçonnerie. La batterie de gauche, pouvant être tournée contre l'arsenal en cas de prise du fort, est remblayée.Le Fort de l'Eguillette est loué maintenant par la ville de la Seyne- sur-Mer.

LE FORT SAINT LOUIS: Cette tour batie en 1696, et nommée "Tour des vignettes", sous les ordres de Vauban, etait chargée, vue sa position stratégique à l'entrée de la rade, de prévenir tout débarquement ennemi. Elle connut ses heures de gloire en 1707 lors du siège de Toulon par les navires de la coalition austro-savoyarde à l'occasion des guerres de succession au trône d'Espagne auquel le roi Louis XIV prétendait. Le fort se défendit vaillamment sous les ordres du capitaine Daillon. Lorsque toute resistance devient impossible, la garnison se replie sur la Tour royale aprés avoir mis le feu aux poudres. En 1708, le fort est reconstruit de façon similaire et rebaptisé Fort Saint Louis, avec une batterie pour 9 canons. Il est inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historique en 1948. Le fort est aujourd'hui utilisé par le Club nautique de la Marine.


A lire pour en savoir plus :
Citadelles d'Azur de Bernard Cros, Edisud
Pierres de Mer, ouvrage collectif sur le patrimoine immobilier de la Marine nationale, ADDIM
La batterie de Cepet 340, par Jean François Roudier, aux éditions de la Plume du Temps.