Missile anti-aérien Masurca


Missile Masurca quelques instants après son départ de la rampe de lancement. L'accélérateur, en blanc, va se séparer du missile dans quelques secondes (25 octobre 1976 - photo Marine Nationale).

(par Franck Dubey - )
Historique

Les recherches sur les engins téléguidés commencent en France dès 1948, profitant largement de l'expérience acquise par les scientifiques allemands. Un programme impressionnant doit couvrir tous les domaines de lutte, anti-aérien, anti-surface et anti-sous-marin. Certainement trop ambitieux pour l'époque, seuls 2 projets atteignent la mise en service opérationnelle :
- le Malafon destiné à la lutte contre les submersibles ;
- Le Masurca (MArine SURface Contre-Avions), hautement prioritaire et conçu pour la défense anti-aérienne de zone.

Evolution supersonique du Maruca, le Masurca est essentiellement développé par la DTCN (Direction Technique des Constructions Navales) au sein de son établissement de Ruelle et la société des engins Matra. Après des essais à terre sur l'Ile du Levant, la mise au point de ce programme complexe se poursuit à partir de 1960 sur le bâtiment d'expérimentation Ile d'Oléron spécialement aménagé. 50 tirs sont réalisés au cours de cette période qui s'achève en 1968 par la validation opérationnelle réalisée sur le Suffren récemment admis au service actif.

Conçu comme système d'arme principal des Frégates Lance Engins ou FLE, le nombre d'ensemble à construire ne cesse de diminuer avec la réduction du programme. En effet, le projet initial doit comporter 6 unités presque aussitôt ramené à 5. La loi de programmation 1960-1965, adoptée le 6 décembre 1960, ne prévoit plus que 3 unités. La 3e unité est finalement sacrifiée pour permettre l'achat de 42 intercepteurs Crusader aux Etats-Unis.

Un 3ème ensemble Masurca, destiné à la Jeanne d'Arc mais non disponible lors de sa construction, est finalement utilisé lors de la refonte du Colbert de 1970 à 1972, compensant ainsi partiellement l'abandon de la 3ème FLE. Pour l'anecdote, le maquettiste français Heller commercialise pendant plusieurs années une reproduction de la Jeanne d'Arc avec une rampe Masurca à l'emplacement actuel des missiles Mer-Mer 38 Exocet !

Description du missile

Le Masurca est constitué de 2 étages reliés entre eux par des menottes explosives :
- le missile proprement dit ;
- Un accélérateur.

L'accélérateur, brûlant environ 5 secondes, est destiné à imprimer une vitesse de 800 mètres par seconde à l'ensemble. Après séparation des 2 éléments assemblés par des menottes explosives, le propulseur à poudre du missile prend le relais et le dirige vers la cible à la vitesse terminale de Mach 3.

3 types de missile sont réalisés :
- Le Mark 1 : version de base qui sert principalement aux essais ;
- Le Mark 2 Mod 2 : téléguidé et suivant une trajectoire d'alignement. Il est guidé par le bâtiment lanceur qui le maintient constamment sur sa ligne de visée. Cette version, relativement primitive, est retirée du service en 1975.
- Le Mark 2 Mod 3 : autoguidé, c'est la seule version actuellement utilisée. Suivant une trajectoire de navigation proportionnelle, son autodirecteur semi-actif le guide vers la cible illuminée en permanence par un puissant faisceau électromagnétique provenant du bâtiment porteur.


Tir d'essai Masurca réalisé à bord du Suffren le 22 février 1971 au CEM (Centre d'Essais de la Méditerranée).

2 missiles de manoeuvre accrochés sous la rampe de lancement du Suffren en escale à Alexandrie (20 septembre 2000).
Description des installations de mise en oeuvre


L'installation imposante de mise en oeuvre, 450 tonnes avec ses projectiles, comprend :

  • 1 rampe double orientable en site et en gisement pouvant lancer les missiles entre + 6 et + 70° ;
  • 1 chambre relais où les missiles sont habillés (montage des empennages arrières et dépliage des gouvernes), mis en attente ou refoulés vers la rampe de lancement via des portes doubles donnant sur la plage arrière ;
  • 1 soute contenant 2 barillets horizontaux portant chacun 17 missiles de combat et 1 missile de manœuvre destiné aux vérifications de bon fonctionnement des installations de lancement. Une soute annexe pouvant contenir 10 missiles démontés ;
Caractéristiques
Missile Rampe de lancement
Poids : 2098 kg avec accélérateur Largeur : 4,45 m
Vitesse : Mach 3 Hauteur : 4 m
Portée : 55 km Poids : 40 000 kg
Altitudes limites : entre 30 et 23 000 m Elévation : de + 6° à + 70°
Charge militaire : 100 kg Vitesse de pointage verticale : 25° par seconde
Longueur : 8,70 m avec accélérateur Vitesse de pointage horizontale : 40° par seconde
Diamètre : 0,57 m
Envergure : 1,50 m
  • 1 trappe de chargement avec ascenseur situé à tribord arrière du pont teugue permet l'embarquement des engins. Missiles et accélérateurs sont chargés séparément et assemblés dans la chambre relais avant d'être stockés sur l'un des 2 barillets ;
  • 2 groupements de guidage comprenant chacun un ensemble télépointeur radar illuminateur DRBR 51 et permettant de traiter simultanément 2 objectifs. Des équipements électroniques situés au PC Masurca qui comprennent 1 local technique abritant les calculateurs et 1 local opérationnel avec les consoles de visualisation destinées à la mise en œuvre des missiles.
Emploi

Missile moyenne-portée de défense de zone, le Masurca est chargé d'assurer la protection anti-aérienne des porte-avions, forces d'intervention et convois de navires marchands. Très lourd et complexe à mettre en œuvre, il nécessite un navire porteur d'un déplacement minimum de 5000 tonnes.

Régulièrement modernisé, le système Masurca disparait en 2008 avec le retrait du service actif de la frégate Duquesne. N'ayant pas connu l'engagement au combat, il a certainement dissuadé différents belligérants de s'en prendre aux forces navales françaises. Son successeur, l'ASTER 30, est en cours d'intégration sur les frégates Forbin et Chevalier Paul en essais à Toulon.

(Sources : encyclopédie des armes, éditions atlas, N°64 - plaquette DTCN réalisée pour l'Exposition Navale 1968 - Flottes de combat 2006)


Un des deux groupements de guidage du Masurca avec son radar DRBR 51 installés sur le Duquesne en escale à Dieppe (20 mai 2005 - photo Marc Perrin).


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