Les VCSM en action


La vedette Penfeld à Brest (27 mars 2006).
Les premières années

Les premiers essais et évaluations, effectués avec la P601 Elorn, ont démontré que la vedette côtière de surveillance maritime (VCSM) répond pleinement aux performances fixées par le cahier des charges. Malgré quelques petits soucis de jeunesse rapidement résolus, les vedettes suivantes ont confirmé ce constat à la plus grande satisfaction des utilisateurs.

L’excellent comportement de la vedette et son extraordinaire potentiel associés à sa répartition sur le littoral ont offert à la gendarmerie maritime l’outil indispensable et tant attendu pour mener à bien ses ambitions. Le dispositif basé sur les unités élémentaires équipées par les VCSM utilement servies par le professionnalisme, la fiabilité et la disponibilité des équipages s’avère être le maillon essentiel de cette « gendarmerie de la mer » imaginée par les chefs visionnaires des années 90.

Les arguments sur lesquels elle s’appuie :

- Matériel dorénavant performant et adapté,
- Personnel spécialisé,
- Compétence judiciaire et prérogatives importantes,
- Statut militaire garantissant une disponibilité permanente,


Exercice SECMAR « Neptune 2008 ».

font que la gendarmerie maritime répond aujourd’hui aux besoins d’une stratégie devant faire face aux menaces actuelles. Elle est unanimement reconnue parmi les institutions en charge de l’action de l’Etat en mer. La gendarmerie maritime tient désormais la place qu’elle a souhaitée en devenant un acteur incontournable et la seule véritable compétence judiciaire sur les mers.

Sur tous les fronts

Toutes les vedettes ont été livrées à Lorient, et pour chaque équipage, la prise en charge de leur nouveau bateau est un souvenir inoubliable. Tout à la joie de découvrir ces VCSM tant attendues, ils ont eu à subir un premier stage de prise en main dispensé par le constructeur, puis le stage de mise en condition (MECO) sous le contrôle attentif de l’officier chargé des bâtiments du commandement de la gendarmerie maritime afin d’obtenir leur qualification opérationnelle. A l’issue de ces journées intensives et éprouvantes, ils ont reçu le « feu vert » pour rejoindre leur port d’attache. Pour les unités implantées sur la façade méditerranéenne, ce fut un long transit ponctué d’escales puisque la Marine exigeait un passage à quai tous les soirs…

La VCSM est un bateau aux dimensions respectables. Plusieurs unités ont eu des difficultés pour se faire attribuer une place à quai ; en certains endroits il a même fallu réaménager l’infrastructure existante. Le cas le plus problématique fut celui de la P616 Trieux, dont la livraison a été en avance sur le programme, a du rester plusieurs semaines en Penfeld à Brest avant de rejoindre Saint Malo. Néanmoins, dès leur arrivée dans leur port, et après des cérémonies d’accueil plus ou moins fastes, les vedettes entament aussitôt et sans désemparer, le cours de leurs missions.


L'Odet en protection de l'USS Swift à son arrivée à Toulon (2006).
Aujourd’hui, il n’est pas un port, ni un seul point du littoral français qui n’ait été visité par une VCSM. On peut même dire qu’elle navigue sur tous les océans vu l’implantation des unités stationnées outre-mer. La VCSM est devenue dorénavant une silhouette familière pour les usagers de la mer et pour les personnes fréquentant les ports.

Si bien entendu la surveillance des approches maritimes, la police de la navigation et la police des pêches représentent l’essentiel de leur activité, il n’en demeure pas moins que depuis leur mise en service, les VCSM ont été mises à contribution et ont accompli de multiples missions. Dès qu’il se passe un événement en mer ou ayant un lien maritime il est évident que l’on voit l’étrave d’une ou plusieurs VCSM poindre à l’horizon.

Parmi ces missions aussi nombreuses que variées, il y a :

- Les missions militaires :
Elles sont assurées pour la plupart par les unités implantées dans les ports militaires ou riveraines. Elles consistent en l’escorte et la protection des navires précieux (sous-marins, porte-avions, …) et la surveillance des zones de tir.
Mais d’autres VCSM par ailleurs ont servi de plastron à des sous-marins ou des frégates et de plate-forme de soutien aux plongeurs démineurs et à certains commandos. Parmi les missions militaires communes à toutes les unités, il y a la recherche de renseignements intéressant la défense et les divers stages et entraînements.


L'Aber Wrach ouvre la route au voilier de arrivée de Francis Joyon (recordman du tour du monde à voile en 57 jours) à son arrivée à Brest.

- Les missions judiciaires :
Les enquêtes judiciaires pour les infractions commises en mer sont de la compétence des unités de la gendarmerie maritime. Les VCSM luttent contre les trafics, l’immigration clandestine et également contre la délinquance et le piratage. Mais elles assurent aussi des surveillances et un soutien au profit d’unités terrestres. Certaines VCSM ont même effectué des transfèrements et des transports de scellés précieux au profit de brigades implantées sur des îles.

- Les missions d’ordre public :
Les VCSM participent régulièrement à la police du plan d’eau sur des zones réglementées. Celle-ci peut concerner la surveillance de secteurs dits « sensibles » ou être destinée à contrer les agissements d’organisations telles « Greenpeace ». Lors de mouvements sociaux et en cas de blocage de ports, une présence dissuasive est toujours maintenue. La vedette Huveaune a même eu à participer à des opérations de maintien de l’ordre dans le port de Marseille.

- Les événements sportifs :
Les départs et les arrivées de courses prestigieuses comme le « Vendée globe » ou « La route du Rhum » attirent de nombreux spectateurs entassés sur des embarcations de toutes sortes. Dans ces moments intenses, les VCSM déploient tous leurs efforts pour assurer la sécurité sur le plan d’eau et pour ouvrir la route aux concurrents. A l’occasion de compétitions de jet-skis ou d’off-shores on note encore la présence de vedettes. L’événement sportif le plus original pour un moyen nautique fut certainement le départ du « Tour de France cycliste » sur l’île de Noirmoutier en juillet 2005 . La Vertonne a été incluse dans le dispositif de sécurité, et, dans l’histoire de cette illustre compétition, elle a été le premier bâtiment d’Etat à être conventionné par le comité organisateur…


La Gravona en intervention sur une vedette en feu.
- Les missions de sécurité :
Elles concernent des événements ponctuels et bien souvent spectaculaires. Les vedettes guyanaises surveillent une zone dite « dangereuse » lors du lancement de la fusée « Ariane ». Des navires sensibles ou très imposants sont escortés lors de leurs mouvements dans les chenaux. D’une manière plus originale, on a vu des VCSM survolées par la patrouille de France à l’occasion de meetings aériens avec des évolutions au-dessus de la mer. Mais la sécurité est aussi assurée sur le volet maritime lors de sommets avec des dignitaires étrangers ou des représentants gouvernementaux voire avec le chef de l’Etat. Lors des moments de détente de celui-ci au fort de Brégançon ou au Cap Brun, il y a toujours une ou plusieurs VCSM à proximité. Au delà de la protection d’autorités, il a fallu parfois les transporter ou prévoir l’éventualité de leur évacuation par voie maritime.

- Les missions de secours ou d’assistance :
Bien que les VCSM ne soient pas des unités dédiées au secours, il n’en demeure pas moins qu’en tant que bâtiment d’Etat, elles sont en mesure d’assurer des interventions et participent bien évidemment aux exercices de secours en mer (SECMAR).

On ne compte plus le nombre de personnes secourues, de recherches en mer, de luttes contre l’incendie, d’assistances, de remorquages et même d’évacuations sanitaires, chaque intervention devenant une véritable histoire par elle-même. Plusieurs drames comme des naufrages et des crashs aériens ont marqué l’esprit des équipages. La lutte contre la pollution fait aussi partie des missions de secours.


En escale en Italie.

- Et aussi :
Dans l’univers des VCSM, il existe des missions insolites et présentant bien souvent un caractère beaucoup plus agréable. Tous les ans à l’occasion de journées « portes ouvertes » ou parallèlement à d’autres événements attirant des spectateurs, les vedettes accueillent des visiteurs. Des vedettes sont aussi désignées pour des missions d’accompagnement en partenariat avec des associations caritatives orientées vers la jeunesse (Grand Largue, …). Les vedettes frontalières font des escales à l’étranger pour entretenir des rapports avec les institutions étrangères et assurer une mission de représentation.

La VCSM est également un bon vecteur pour une ouverture par la médiatisation. Le travail en mer se déroulant la plupart du temps hors de portée visuelle du grand public, la presse, tant écrite qu’audiovisuelle, s’est intéressé aux missions de la gendarmerie maritime ; de nombreuses fois, on a pu voir ou apercevoir une VCSM en action au cours de reportages. La VCSM est aussi une vedette du petit écran car la Charente a même fait une apparition dans un téléfilm mettant en scène une intrigue policière.

Comme on peut s’en rendre compte dans cette énumération qui est loin d’être exhaustive, depuis sa mise en service, la VCSM s’est retrouvée bien souvent en première ligne sur tous les fronts. Elle fait dorénavant partie du paysage maritime et a permis à la gendarmerie maritime d’émerger en se faisant connaître, sous un autre aspect que celui très restrictif de simple contrôleur des accès aux établissements maritimes. L’action des brigade est organisée et planifiée de manière à ce qu’une unité soit en permanence en alerte dans un secteur déterminé.


En passerelle.
Une doctrine d’emploi a été élaborée afin d’optimiser l’action des VCSM. Le regroupement par trinôme est répandu. En Méditerranée par exemple, la façade littorale est partagée en deux secteurs Est (E) et Ouest (W). Dans chaque zone une vedette est toujours, soit à la mer, soit en alerte de façon à pouvoir intervenir d’un bord à l’autre et ainsi garantir une intervention à la moindre sollicitation.

Les qualités et les défauts des VCSM

La réputation de la VCSM n’est pas usurpée ; c’est un excellent bateau et se trouver à ses commandes est un privilège qui procure un réel plaisir.
Depuis leur mise en service, l’utilisation intensive des VCSM a donné aux utilisateurs le recul nécessaire pour évaluer ses qualités, mais aussi … pour déceler ses défauts.

En navigation hauturière, ce sont les qualités manœuvrières de la VCSM qui impressionnent le plus les pilotes. Par ses formes de coque elle peut s’adapter à des houles de 2,50 mètres de creux correspondant à une mer 4. Cependant, bien qu’elle puisse subir une mer plus forte, sa légèreté, son faible tirant d’eau et un poids important dans les hauts, font qu’elle est rapidement malmenée dès que les conditions météorologiques se durcissent et ses limites sont vite atteintes. Certains équipages l’on apprit à leurs dépens en se faisant de grosses frayeurs n’ayant, fort heureusement aucune conséquence tant corporelle que matérielle. De plus, dès que les vagues commencent à déferler sur la plage avant, on sent que le bateau « souffre » dans sa structure.


Mise à l'eau de l'embarcation Tender One.

Equipées des moyens de navigation modernes procurant de l’aisance à celui chargé du quart et donc de la manœuvre, les VCSM sont des unités rapides réclamant une grande vigilance quant à l’évolution de la situation nautique. Que ce soit en zone portuaire, en eaux resserrées ou au large, compte tenu des aides à la navigation simplifiant le suivi de route, au regard de son déplacement rapide et à la nature même des missions, il faut admettre que les V.C.S.M. sont des bateaux sur lesquels l’action du chef de quart est axée essentiellement sur la manœuvre.

Le confort indiscutable des VCSM peut constituer un obstacle à l’acuité des sens propre au sens marin. En effet, en situation normale, le cocon douillet de la passerelle risque de placer l’ensemble de l’équipage dans un abri rassurant qui l’isole en laissant échapper certains paramètres et nuire ainsi à l’appréciation des éléments. Du point de vue de la conception, l’isolation phonique de la vedette (64 dB à haut régime et portes fermées) est tout à fait appréciable pour ce qui concerne la santé des équipages. Cependant l’acoustique de la partie habitable entraîne un silence coupant de l’extérieur.

Il convient aussi de souligner que si le « confort » procuré par les aides à la navigation offrent beaucoup d’aisance dans l’accomplissement des tâches courantes, les chefs de quart, notamment les moins confirmés ne doivent pas sombrer dans la facilité et se laisser aller à une sorte de routine. La rapidité du moyen nécessite une faculté d’analyse et un jugement quasi immédiat pour appréhender avec justesse les différentes situations pouvant se présenter, et ce, notamment en matière d’anti-collision. C’est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de répondre à une situation dégradée lors d’un incident ou d’un accident.

Les pilotes de VCSM apprécient sa maniabilité. La vedette répond immédiatement à la moindre sollicitation de la barre et elle est capable de virer dans un très faible rayon sans déraper et tout en conservant une excellente assiette.


La propulsion
Un défaut de la V.C.S.M. réside dans la très mauvaise visibilité extérieure lors des navigations de nuit. Le « parasitage » lumineux causé par le moindre voyant nuit grandement à l’évaluation de la situation sur le plan d’eau. Dans certaines circonstances, notamment dans les zones encombrées, cela constitue un lourd handicap. Ce problème réside essentiellement dans les reflets renvoyés sur les vitres par le plafond en plastique brillant.

En allure lente, à faible vitesse la vedette conserve une excellente tenue de cap, et ce même sur une seule ligne d’arbre, l’effet du bord en route n’étant contré que par un angle de barre d’environ 5°. La coque forme deux tunnels au niveau des hélices. Ceci agit sur les filets d’eau dont le flux est activé dans l’axe longitudinal du bateau. En marche arrière, la vedette conserve cette bonne tenue de cap, l’arrière ayant toutefois une tendance à remonter un peu au vent.

A l’arrêt sa position d’équilibre est perpendiculaire au lit du vent, mais cette position est rapidement très désagréable à cause d’une grande sensibilité au roulis.

Manœuvres portuaires :

Grâce à son faible tirant d’eau, réduit en partie par les hélices sous tunnels, les VCSM peuvent accéder dans la plupart des ports. Cependant si les VCSM sont de dimensions respectables pour de petites unités, elles demeurent des bâtiments modestes face aux éléments lors des navigations en haute mer, mais se révèlent imposantes lors des manœuvres dans les petits ports qui constituent le but essentiel des patrouilles. Ce paradoxe exige une certaine finesse de la part de celui qui « est aux manettes ».


Prise de coffre à l'aide de l'embarcation Tender One.

La vitesse sur deux lignes d’arbres (8 à 9 nœuds) est trop rapide pour pouvoir respecter la réglementation en zone portuaire. Les évolutions dans les ports se font donc sur une seule ligne d’arbre.

Bien que la vedette soit en mesure d’évoluer dans des zones à l’espace restreint, le manœuvrier doit parfaitement appréhender les paramètres nautiques pour ne pas se laisser piéger. Le faible tirant d’eau associé à un fardage très important rend la vedette très sensible au vent latéral. L’effet de celui-ci se fait très nettement sentir au bout de 2 à 3 secondes dès que l’erre est cassée. Cette caractéristique peut être opportunément utilisée pour les accostages par vent collant.

Le fly-deck offrant une vision panoramique sur 360° est idéal pour les manœuvres délicates et le manœuvrier y fait véritablement corps avec son bâtiment. Embrassant du regard l’ensemble du navire et son environnement, il ressent tous les mouvements du bateau. De plus, en extérieur, il perçoit parfaitement la force et les effets du vent et se trouve dans une position privilégiée pour apprécier le sens de la houle. Cet emplacement dominant est idéal pour appréhender l’ensemble des éléments et observer l’activité humaine sur le navire.


Défauts de conception :

La VCSM a été conçue selon un cahier des charges très exigeant. Il n’en demeure pas moins qu’à l’usage quelques imperfections sont apparues.


Le carré de l'Escaut.
La plupart des imperfections constatées de manière empirique ont été résolues par le constructeur dans le temps de la garantie. Elles ont porté sur :

- Une modification du système de mouillage permettant de positionner l’ancre plus en avant sur le davier pour une bascule automatique lors du mouillage. Un arceau de guidage de la chaîne a été créé pour éviter que celle-ci saute du davier à la remontée.
- La mise en place d’une 2ème filière à l’avant.
- Le remplacement des rivets en aluminium sur l’échelle pour éviter une corrosion par électrolyse.
- La recherche d’une solution pour résoudre le problème de maintien en place du plancher de la plate-forme hélitreuillage. Celui-ci ne résistant pas au souffle d’un hélicoptère, ce problème a occasionné la perte de plusieurs plaques de plancher.
- Le remplacement du winch du cabestan de remontée du tender-One par un équipement plus puissant.
- La nécessité impérieuse d’apporter un remède au problème de « pitting » constaté sur les hélices de plusieurs VCSM.
- La modification du système de fixation en position ouverte des portes latérales.
- La modification du système d’aération de la salle machines.

Des modifications ont été accordées par le service de soutien de la flotte de Brest en charge des VCSM, à savoir :
- Le renforcement de la quille du Tender One et la mise en place de renforts de protection en téflon sur le fond du radier.
- L’installation du système A.I.S. (système de localisation et d’identification des navires).

D’autres soucis sont en voie de trouver une solution, ils concernent :
- Le système de placage des essuies-glaces.
- L’étanchéité des portes.
- La mise en place d’un rouleau à l’entrée du davier pour éviter les chocs avec l’étrave du Tender-one lors de la récupération.
- La mise en place de répétiteurs des appareils de navigation sur le fly-deck.

Par contre la VCSM présente certains défauts liés au bateau lui-même et auxquels aucune solution n’est envisageable, ils portent sur :
- L’accessibilité au local machines mal aisé.
- Une faible tenue au mouillage qui implique d’avoir recours à une grande longueur de chaîne d’où un fort rayon d’évitage.
- Les parties glissantes du pont, notamment la zone autour du container du radeau de survie.

- Le manque de fiabilité du sondeur.
- La fragilité des lampes d’éclairage des passavants.
- L’épontille du carré aux arêtes vives.
- Les plaques de plancher de la coursive qui sont difficiles à soulever.
- Les mauvaises odeurs provoquées par les relents de la caisse à eaux noires nécessitant un changement fréquent des filtres.
- La forte sensibilité du bateau au poids qui agit sur les performances.

Les petits problèmes et les défauts de la VCSM n’occultent en rien la valeur générale du bateau. D’une part il faut admettre que des choix ont du être faits, et ensuite ne pas oublier que, comme toutes les machines, un bateau est un engin qui vit et qui est donc perfectible.

Eric Giboint pour Net-Marine © 2009. Copie et usage : cf. droits d'utilisation.


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