Le destin du sous-marin Plongeur

Pendant quatre ans , le Plongeur est oublié dans un coin du port de Rochefort. La guerre de 1870 et ses conséquences ne furent pas étrangères à cet oubli.

Le 7 septembre 1871, ayant constaté que la coque en acier est en excellent état, on se préoccupe de lui trouver une utilisation.

Un projet de l'Ingénieur Courbebaisse est soumis au Conseil des Travaux, qui, après modification, l'adopte le 28 novembre.

La radiation de la première partie des Listes de la Flotte, où il figure toujours dans la rubrique Bâtiment Spécial, est prononcée. Mais aucun travail n'est entrepris.

Le 30 septembre 1872, on propose de le transformer en bateau "Porte Torpilles" (torpilles dormantes ; on dirait aujourd'hui : Mouilleur de mines).

Enfin, le 14 octobre de cette même année, la décision définitive est prise de le transformer en citerne à vapeur. Le moteur à air comprimé est débarqué, ainsi que les réservoirs d'air qui sont envoyés à l'atelier des chaudières de Toulon et de Guérigny.

La coque, à l'exception de l'emplacement de la future machine, sur l'arrière, est aménagée en réservoir. On dispose un pont horizontal et une étrave verticale appuyée sur l'extrémité pointue du bâtiment. Un roof est placé sur le pont, un peu vers l'arrière, comprenant un poste d'équipage, une chambre et une cuisine. A l'extrême arrière est aménagée la chambre du patron dont le plafond surélevé forme un petit gaillard arrière.

Une première machine de 50 chevaux nominaux, soit 200 chevaux effectifs, ne donne que 3 noeuds aux essais du 27 février 1875. Le changement d'hélice n'apporte pas d'amélioration notable. Aussi décide t-on de monter les machines de la Lance et de l'Obus, chaloupes canonnières construites à St Denis en 1867 pour le Sénégal, qui viennent d'être condamnées le 24 mars 1872. Les dépenses de matière et de main d'œuvre, pour cette transformation, se sont élevées à 96.547 francs.

Pendant une vingtaine d'année, la carrière du Plongeur se poursuit : ravitaillement en eau des bâtiments, sur la Charente et sur la rade de l'lle d'Aix. Activités interrompues de loin en loin, pour les petits carénages ou les visites de chaudière.

En 1898, la coque est toujours en bon état malgré un talonnage le 8 juillet qui a endommagé le gouvernail. La chaudière, usée, est remplacée par celle du Torpilleur 74 qui vient d'être condamné.

Le 20 octobre 1903, le Conseil des Travaux adopte un projet de refonte de la citerne. Enlèvement du roof et pose d'une nouvelle superstructure plus importante, surmontée d'une passerelle prolongée jusqu'en abord pour faciliter les manœuvres. Remplacement du treuil par le guindeau de l'aviso à roues La Mésange. On en profite pour remplacer le pavois en bois par un pavois en tôle. Remplacement de la chaudière par une chaudière type locomotive comme celles des torpilleurs.

En 1908 le Plongeur est doté d'une nouvelle chaudière qui était destinée au croiseur Suchet, qui donne une puissance effective de 300 chevaux. Mais ce n'est qu'en 1922 qu'une remise en état générale de la machine est entreprise.

En 1927, la Majorité Générale de Toulon se plaignait de ne pouvoir assurer que difficilement les ravitaillements en eau des bâtiments mouillés sur rade ou aux Salins d'Hyères par manque de moyens, n'ayant que trois citernes automotrices : la Source, l'Etang et la Vague. En pratique, on ne pouvait compter que sur deux citernes, la troisième étant, par roulement, indisponible pour réparations. D'autre part, le service de Saint-Mandrier demandait pratiquement une rotation par jour.

Les besoins de Rochefort ayant sensiblement diminué, l'envoi du Plongeur à Toulon est décidée par Dépêche Ministérielle du 25 Juin 1927 (1) : "...en conséquence, j'ai décidé d'augmenter les moyens de la Direction du Port de Toulon, par l'envoi de la citerne à vapeur le Plongeur de Rochefort, à Toulon. Elle sera remorquée par le Loiret au cours de la prochaine rotation de ce transport. A son arrivée à Toulon, qui peut être prévue pour le 25 juillet, cette citerne sera mise à la disposition de la D.P.".

Le Plongeur poursuit une carrière très active, à Toulon. Il est surtout affecté au ravitaillement en eau de Saint-Mandrier dont les besoins pouvaient atteindre, l'été, 300 tonnes par jour. Contrairement aux autres citernes, son tirant d'eau lui permet de pénétrer dans la darse, ce qui facilite les mouvements.

Une note D.P. du 17 juin 1931 (2) pose le problème de sa réparation : "peut-être sera t-on amené à demander la réparation, jusqu'ici différée, du Plongeur, pour qu'il puisse continuer son service jusqu'à l'arrivée de moyens nouveaux. Il suffirait que sa coque reçoive les réparations partielles indispensables pour lui permettre d'accoster les bâtiments en eau calme, sans sortir de la rade, et que sa chaudière soit remise en état ....".

Afin de prolonger l'existence de la citerne, indispensable en attendant les constructions neuves, on décide de l'affecter au service de l'eau distillée.

En 1933, le Plongeur n'est plus utilisé que comme citerne passive d'eau distillée (3), et l'année suivante comme simple réservoir flottant, amarré devant l'usine d'eau distillée de Missiessy.

Le 24 septembre 1934, le Directeur du Port rend compte, en ces termes (4) " Le Plongeur, dont l'entrée en service remonte à 1875, ne pourra être remis en état qu'au prix d'une longue immobilisation et de dépenses probablement très élevées. Je demande, en conséquence, que la Direction des Constructions Navales fasse procéder à une visite générale de cette allège, aux fins de réparation ou de condamnation, s'il y a lieu."

On se contente de souder à l'arc quelques placards sur la coque, ce qui lui permet de durer jusqu'au 27 décembre 1935, date à laquelle, il est condamné et remis aux Domaines.

Il ne sera vendu, à Toulon, que le 26 Mai 1937 à un Monsieur Négri pour la somme de 25.143 francs (5).

Ainsi, né en 1860, le Plongeur aura donc vécu trois quarts de siècle !

(Références : (1) D.M. 25/06/1927 Archives Toulon 3.DI-107; (2) Note D.P. 225 17/06/1931 Archives Toulon 3 D3 89; (3) Note D.P. 287 21/08/1931 Archives Toulon 3D3; (4) Note D.P. 338 24/09/1934 Archives Toulon 3.D3-97; (5) D.M. 27/12/1935)


[Sommaire Plongeur]. [Sommaire Net-Marine]