Une
histoire du bâtiment Ile d'Oléron
Le Mur transformé en "Sperbrecher n°32" (1944) |
Mis
en chantier le 12 mars 1939 aux chantiers navals de la Deschimag de Brême,
ce cargo mixte allemand s'est à l'origine appelé le Mur.
Le 21 décembre 1942, il est réquisitionné par la Kriegsmarine
qui le transforme en forceur de blocus (Sperbrecher
n°32). Pour la circonstance, ses fonds et ses flancs sont renforcés
par 800 tonnes de béton. Il est armé de deux affûts de
105mm, un affût double de 37mm, quatre affûts quadruples de 20mm
et cinq affuts simples de 20mm et doté d'un bruiteur d'étrave monté à l'extrémité
d'un tangon.
Basé
à Royan, il est utilisé en Gironde, devant La Pallice et Saint-Nazaire,
jusqu'au 20 août 1944 et rebaptisé Munchen. A la
fin de 1944, les allemands le transforment en navire hôpital de 550
lits. Mais en raison du manque de carburant, il restera à quai à
Saint-Nazaire où il servira de bâtiment base pour les plongeurs.
C'est là que le 8 mai 1945, à la libération de la ville,
les Américains et les Français le trouvent en parfait état
de marche.
Il
est armé par la Marine nationale, le 29 août 1945, en
bâtiment de transport et porte le nom d'Ile d'Oléron
en souvenir de la libération de l'Ile, survenue le 1er mai 1945 (dernière
opération militaire sur le territoire français). Il a alors
une capacité de 584 couchettes et un volume de cales de 2400m3. Il
est affecté au rapatriement des familles dispersées et au transport
vers l'Afrique du Nord et l'Afrique occidentale des troupes coloniales. Au
cours de l'une de ses missions, il ramène de Dakar 6000 caisses d'or
(environ 400 tonnes).
Le
10 mai 1947, il apareille de Toulon pour l'Indochine. Il y reste jusqu'en
novembre 1948 et effectue de nombreuses missions de transport entre Saïgon,
Hong-Kong, Singapour et Madagascar. Il rentre à Toulon le 21 décembre
1948 avec un couple d'éléphants, don du prince Sihanouk à
la France. Après un grand carénage, il quitte Toulon, au début
de février 1950, pour Saïgon. Il reprend ses missions de transport
à travers tout le Sud-Est asiatique et l'océan Indien. Il revient
à Toulon et le 24 avril 1952, l'Ile d'Oléron
est mis en réserve spéciale.
En
1958, la France se lance dans le développement de systèmes
d'armes antiaériens qui nécessitent de nombreux essais. Elle
a besoin d'un bâtiment d'expérimentations. Une nouvelle vie
commence pour l'Ile d'Oléron. Le
bâtiment est profondément modifié. Outre les missiles
expérimentaux, il lance des cibles aériennes télécommandées
pour l'entraînement des systèmes d'armes des navires de combat.
Il est doté d'une plate-forme pour hélicoptères.
L'Ile
d'Oléron prend armement le 20 juillet 1958. Il tire des
centaines de missiles : Malafon, Masurca, Exocet
MM38 et MM40, Crotale,
Otomat, Milas, Aster.
Il expérimente aussi divers système d'auto-défense, ainsi
que la presque totalité des radars en service dans la Marine et un
bon nombre d'équipement de transmissions et même un nouveau type de
couchage, les bannettes dites « japonaises »...
1998 : Tir d'un missile Aster à partir du bâtiment
d'essais et d'expérimentation Ile d'Oléron. |
En
1997, l'Ile d'Oléron est modifié
pour recevoir le système d'armes anti-missiles Saam, premiers
missiles en silo à lancement vertical français qui équiperont
le porte-avions Charles de Gaulle
et les futures frégates Horizon.
Le
20 janvier 1999, la DGA réalise avec succès un tir de missile Aster
guidé par le radar Arabel dans le cadre du programme franco-italien
de famille de système sol-air futur FSAF. Ce tir est effectué au centre
d'essais de la Méditerranée depuis le bâtiment Ile
d'Oléron. Ce tir marque une étape importante dans la qualification
du système sol-air anti missile (Saam) installé sur le porte-avions Charles
de Gaulle. Les composantes du programme FSAF sont également destinées
à servir de base pour le système d'armes principal Paams prévu pour les frégates
Horizon.
En
novembre 1999, c'est à l'occasion des cérémonies de l'armistice de la Grande
Guerre que le capitaine de frégate Serge Sourd, conduit le bateau jusqu'à
Saint-Tropez. Les officiers ont été accueillis salle de la Glaye pour une
cérémonie conduite par le premier adjoint Marius Etienne.
Le
29 juin 2001, au centre d'essais de la Méditerranée, le bâtiment d'expérimentations
Ile d'Oléron engage un missile Aster
15 avec succès sur une cible subsonique C22 volant à très basse altitude
simulant l'attaque d'un missile Sea Skimmer. Ce tir intervenait un mois après
une autre interception réussie par un missile Aster 30 à partir d'une
batterie terrestre SAMP/T (surface-air moyenne portée terrestre). Le Charles
de Gaulle devra ensuite valider son installation par un tir d'acceptation,
ultime jalon avant la mise en service opérationnelle du Saam de la Marine
nationale.
Le
25 juillet 2001, le dernier appelé embarqué de la Force d'action navale a
été salué à bord du navire Ile d'Oléron.
Cérémonie plus symbolique que nostalgique. Fin de la conscription nationale
oblige, ce jeune Nantais, appelé au service national le 15 janvier dernier
en tant que mécanicien, a vu tous les autres quitter un à un le navire. Il
ne restait plus que lui, pour jouer le rôle de symbole d'une époque désormais
révolue.
Les anciens commandants du BEE Ile
d'Oléron réunis lors d'une dernière sortie du
bâtiment. |
L'Ile
d'Oléron a effectué sa dernière sortie à la mer le vendredi
22 mars 2002. Traditionnellement réservée aux anciens commandants, cette journée
de navigation s'est déroulée dans un ambiance chaleureuse et conviviale. Seulement
quatorze des quarante trois commandants avaient pu participer à cette rencontre.
Un dernier galop aux abords de l'île du levant, théâtre depuis de longues
années des expérimentation du bâtiment, et un mouillage en rade des Salins
étaient au programme.
Pour tous à bord, ce fut une joie de naviguer une dernière fois sur ce fier
navire mais c'est avec beaucoup d'émotion que se sont déroulés la rentrée
au port et l'ultime poste de manœuvre. Tous ceux qui ont embarqué un jour
sur l'Ile d'Oléron garderont au cœur
le souvenir de ce bâtiment atypique et ô combien attachant.
L'Ile
d'Oléron a été retiré du service actif
le 31 mars 2002, après 63 ans de bons et loyaux services.
(Source
: Cols Bleus
n°2455, 26 septembre 1998 - CF Serge Sourd, commandant l'Ile d'Oléron
; Le
Télégramme - 27 juillet 2001; Brèves MN
- 7/2001, Nice Matin - 12 novembre 1999, Cols
Bleus n°2472 janv 1999, ).