Histoire de la flottille 11F

La flottille 11F est la plus ancienne des formations de chasse de l'Aéronautique Navale. Son passé est des plus prestigieux. Les hommes qui y servent portent deux fourragères : la première aux couleurs de la Croix de Guerre, témoigne de quatre citations, deux en 1914-1918 (hérité de l'escadrille B102), deux en 1939-1945 (hérité de l'AC1) ; la seconde, aux couleurs de la Médaille Militaire, rappelle les cinq citations que comporte sa Croix de Guerre T.O.E pour ses actions d'éclat en Indochine.

Elle est l'héritière de l'AC1, première escadrille de chasse de l'Aviation d'escadre créée le 1er mars 1919 à Saint-Raphaël, elle-même issue de l'escadrille B102 qui s'illustra pendant la première guerre mondiale.

A cette époque, cette escadrille est équipée des Hanriot HD 2 et quelques Nieuport 21/23 réservés aux décollages du Bapaume. Le 20 octobre 1920, en rade de Toulon, le premier essai d'appontage sur la plate-forme du Béarn, en cours de transformation, est réalisé par lelieutenant de vaisseau Teste sur Hanriot HD 2.

A titre anecdotique, la toute jeune Aviation d’Escadre, alors placée sous les ordres du lieutenant de vaisseau Teste, est initialement divisée en deux unités. Division officieuse par ailleurs, les pilotes n’étant pas spécialement affectés à l’un ou à l’autre des deux groupes baptisés AC1 (AC pour avions de chasse) et AR 2 (AR pour avions de reconnaissance). Ce n’est que deux ans plus tard que le Service Central de l’Aéronautique admet l’existence de deux escadrilles bien distinctes. Lelieutenant de vaisseau Cavelier de Cuverville est nommé chef de l’AC1 en octobre 1921. Il faut attendre 1922 pour voir les escadrilles devenir des unités militaires à part entière et leurs commandants désignés officiellement par lettres signées du ministre de la guerre. La flottille 11F remonte donc officiellement de l’AC1 de 1922 et s’est vue confier les traditions des escadrilles précédentes.

Le 1er août 1922, l’AC1 devient la C10 ayant comme commandant lelieutenant de vaisseau Amanrich.

Le 1er mars 1925, la C10 devient la 7C3 signifiant qu'il s'agit de la troisième escadrille, de chasse, affectée au Béarn. Les deux autres escadrilles de bombardement et de reconnaissance étant les 7B1 et 7R2. En attendant le nouveau chasseur, le Dewoitine D1C1, qui arrivera au mois d'août, elle obtiendra au mois de mai un nouvel appareil, le Gourdoux-Lesseure ET1 type 22 provenant de l'Aéronautique Militaire. A la fin de l'année, les trois escadrilles de l'aviation embarquée sont rattachées administrativement au Béarn et forment une flottille ayant comme commandant lecapitaine de corvette Husson. L'appellation Aviation d'Escadre disparaît.

Le 1er mars 1926, la 7C3 est rebaptisée 7C1.

L'année 1928 voit la mise en service des premiers Lévy-Biche LB2 au mois de février mais aussi leur retrait du service opérationnel trois mois plus tard. La conséquence immédiate fut le retour opérationnel des Dewoitine D1C1. A cette même époque apparaît pour la première fois, un nouvel insigne sur les Dewoitine et Lévy-Biche. Les trois commandants d'escadrille de la flottille du Béarn ont en effet décidé d'adopter chacun un insigne différent, celui de l'Aviation d'Escadre (le goéland) étant conservé pour le seul usage de la 7S1. Quoi qu'il en soit, la 7C1 choisit l'hippocampe ailé et en décore la dérive de ses chasseurs.

Au mois de mars 1932, la 7C1 perçoit à Orly les premiers Wibault 74.

En 1937, lelieutenant de vaisseau De l'Orza , commandant la 7C1 de 1932 à 1934, trouve la mort en expérimentant les appontages de nuit.

L'année 1938 voit la mise en service des Dewoitine 373. Le 1er octobre, la 7C1 redevient l'AC1.

A l'ouverture des hostilités, en septembre 1939, l'AC1 est équipée de Dewoitine 373/376, matériel ancien au moteur peu fiable. La transformation sur Potez 631 est débutée et c'est sur ce matériel que l'AC1 participe à la bataille de France où elle gagne deux citations.

Le 2 mars 1940, la 1ère flottille de chasse F1C est crée avec comme escadrilles l'AC1 et l'AC2 (ancêtre de la 12F). L'AC1 perçoit à Toulouse ses premiers Dewoitine 520. Le 25 juin 1940, la flottille, en cours de transformation sur Dewoitine, part pour Bône en Afrique du Nord. Le 1er août 1940, la F1C est rebaptisée 1FC, et est divisée en deux escadrilles, les 1AC et 2AC. Elle est engagée contre les forces franco-anglaises en Syrie et au Liban (du 6 au 14 juillet 1942) puis s'oppose au débarquement anglo-américain au Maroc en novembre 1942.

Le 1er octobre 1943, la F1C devient F1 avec comme escadrilles, les 1C et 2C. Aucun matériel neuf n'étant disponible, la flottille est dissoute le 15 mai 1944. Ses pilotes et mécaniciens sont affectés dans différents groupes de chasse de l'Armée de l'air (GC I/4,III/6, I/7, II/7) et participent à la deuxième bataille de France.


Le porte-avions Clemenceau en Méditerranée (avril 1967). 

Reconstituée à Hyères le 1er octobre 1945, la 1F est équipée de Seafire Mk III, appareils vieillissants abandonnés par les Britanniques. Elle effectue les premiers appontages sur le porte-avions Arromanches en novembre 1946. En juillet 1949, elle est équipée momentanément de Seafire MkXV puis définitivement de F6F5 Hellcat américains en mai 1950.

D'août 1951 à juin 1952, elle effectue une campagne en Indochine à bord de l'Arromanches (deux citations TOE). Devenue 11F le 20 juin 1953, elle retourne en Indochine en septembre (trois citations supplémentaires). Elle participe glorieusement à la défense du point d'appui de Dien Bien Phû.

Transformée sur Aquilon en 1955, elle participe aux opérations en Algérie en 1958 et 1959 avant d’assurer la défense de Bizerte en juillet et août 1961. Dissoute à nouveau le 18 avril 1962 à Hyères, elle est reconstituée le 1er avril 1963 et reçoit les nouveaux Etendard IVM. Elle effectue les premiers appontages sur le Foch en septembre 1963. Le 2 mai 1967, elle quitte Hyères pour inaugurer la nouvelle base de Landivisiau d’où elle embarque régulièrement sur les porte-avions Clemenceau et Foch. Elle participe notamment au déploiement Saphir 2 en Océan Indien à bord du Foch.

En 1978, elle touche les premiers Super-Etendard et se spécialise dans l’assaut maritime et terrestre de jour et de nuit. Elle met en œuvre l’AN 52 et le missile AM 39. Déployée au Liban en 1983 à bord du Foch et en 1984 à bord du Clemenceau pour les missions Olifant et Mirmillon, elle embarque ensuite sur le porte-avions d’alerte en alternance avec la 17F. En 1987, elle constitue le noyau du groupe aérien du Clemenceau envoyé en mer d’Oman pour l’opération Prométhée.


Super Etendard
sur le porte-avions Clemenceau (juillet 1997)
En juin 1989, la 11F reçoit le missile ASMP (Air-Sol Moyenne Portée) qui renforce sa vocation nucléaire préstratégique. L’AN 52 est retiré du service le 1er septembre 1991.

De janvier 1993 à février 1995, la flottille participe à la mission Balbuzard en mer Adriatique. Elle appartient au groupe aérien embarqué alternativement sur les porte-avions Foch et Clemenceau d’avril 1993 à novembre 1994 et opère quotidiennement au-dessus de la Bosnie-Herzégovine dans le cadre de la crise que vit l’ex-Yougoslavie. Pour ces nombreuses missions, elle reçoit une citation du chef d’état-major des Armées.

A partir du 27 novembre 1995, la flottille 11F est transformée sur Super-Etendard modernisé (SEM). Elle reprend l’alerte en juin 1996, et met en œuvre le missile AS30 Laser et la bombe GBU 12 équipée du kit Paveway II. Les Super-Etendard sont équipés de POD de désignation laser Atlis II.

Du 21 septembre au 12 novembre 1998, la Flottille 11F prend part à l’opération Trident en mer Adriatique. A partir du 26 janvier 1999, elle participe aux frappes de l’OTAN au Kosovo et en Serbie dans le cadre de l’opération Trident II. Quatre cent quinze sorties de combat sont effectuées sur SEM, permettant de réaliser 202 missions et d’effectuer 127 attaques. 85 objectifs sont traités au Kosovo et en Serbie.

Avec 9 % des moyens français engagés, elle effectue 33 % des sorties, délivre 39 % des munitions guidées, détruit 45 % des objectifs assignés à la France, avec un pourcentage de coup au but de 73 %, soit le meilleur de l’alliance.


Un Super Etendard modernisé standard 4 avec son armement complet en présentation lors d'une journée portes-ouvertes à la BAN Landivisiau (29 juin 2003).

La flottille 11F se voit décerner la croix de guerre des théâtres d’opérations extérieures.

De 1999 à 2000, la 11F participe à l’essentiel des essais aviation du porte-avions Charles de Gaulle. Les pilotes de la flottille sont formés aux jumelles de vision nocturne ce qui améliore encore les capacités offensives du Super-Etendard. Le 2 octobre 2000, la flottille perçoit les premiers SEM standard 4 et assure une mission supplémentaire : la reconnaissance tactique moyenne et basse altitude ; elle effectue la traversée longue durée du porte-avions. Cette mission est écourtée en raison de la perte d’une pale d'hélice par le Charles de Gaulle.

La même année, elle prend part à la mise en condition opérationnelle couronnée par l’admission au service actif du nouveau porte-avions français. Celui-ci participe immédiatement après à un exercice interallié de grande envergure : Trident d'Or. L'année 2001 est marquée par le départ sur alerte du porte-avions Charles de Gaulle en océan Indien pour l'opération Héraclès sur l’Afghanistan, le 1er décembre. 80 % des pilotes de la flottille 11F renforce la flottille 17F d'alerte, pour cette opération de longue durée.

En septembre 2002, la flottille fête avec émotion les 80 ans d’existence de la 1F/11F. De nombreux anciens viennent à Landivisiau verser quelques larmes et relater leurs nombreuses et excitantes aventures.

Lors de la qualification initiale à l’appontage d’octobre 2002, la flottille 11F perd le SEM n°26 en sortie de catapulte. Le pilote, officier allemand en échange, s’éjecte et s’en sort indemne.

L’année 2003 est marquée par les sorties d’alerte sur le porte-avions Charles de Gaulle et la préparation de la flottille à d’éventuelles actions en Irak aux côtés des forces américaines et britanniques.

En novembre 2003, les SEM se voient doter d’un nouvel outil : le POD Damoclès. Les « Furieux » peuvent maintenant tirer de l’armement laser de nuit. L’année 2003/2004 est consacrée à la formation des jeunes pilotes issus du cursus de formation de Méridian (Mississippi) et à l’entretien des qualifications opérationnelles de ses pilotes.


Le Super Etendard n°62 sur le tarmac de la BAN Landivisiau, le jour de sa sortie de l'atelier peinture (25/09/2007 - Photo Rudy Perries).
Le 27 janvier 2004, le contre-amiral Patrick Giaume, Alavia, a remis la croix de la valeur militaire à quatre pilotes de chasse de la BAN Landivisiau. Les lieutenants de vaisseau Stéphane Crouzier, Stanislas Delatte, Franck Hestroffer et Bruno Manaranche, pilotes de Super-Etendard modernisés des flottilles 11F et 17F, alors embarqués à bord du Charles de Gaulle pour l’opération Héraclès, ont reçu cette décoration au titre des missions menées en 2002, en Afghanistan.

A la reprise de l’alerte, durant l’année 2004/2005, la flottille participe, à bord du Charles de Gaulle, à la mission Frame, qui permet au groupe aérien de tester les conditions météo de l’Atlantique Nord. Le 2 juin 2005, cinq Super-Etendard de la 11F se déroutent sur le terrain d’Atlantic City à cause de la météo particulièrement défavorable. Ils ne rallieront le bord que 6 juin 2005. Responsable du soutien de la STC à partir de l’été 2005, la flottille 11F participe au lâcher et à la formation initiale de 5 nouveaux pilotes de Super-Etendard.

Un marin de 22 ans décède le 11 octobre 2007 après avoir été grièvement blessé par le déclenchement inopiné du siège éjectable d’un Super-Etendard de la flottille d’assaut 11F, située sur la base d’aéronautique navale de Landivisiau. Le 10 octobre 2007 à 21h25, alors que le quartier-maître armurier effectuait une opération de maintenance sur le siège éjectable d’un Super-Etendard, la séquence d’éjection du siège s’est déclenchée pour une raison encore inconnue, projetant le marin à terre. Ce dernier a été immédiatement pris en charge par les secours de la base puis par le SAMU et a été transporté à l’hôpital de la Cavale Blanche à Brest où il est décédé le 11 octobre en fin de matinée des suites de ses blessures.

Invitée en novembre 2007 en Norvège, à l’Artic Tiger Meet - un rassemblement des unités de l’Otan qui ont le tigre pour emblème - , la flottille 11F, avait, pour l’occasion, relooké ses Super-Etendard. Même si l’emblème de l’unité finistérienne est l’hippocampe, elle a toutefois le droit d’arborer un tigre pour avoir longtemps servi sur le porte-avions Clemenceau, dont l’homme politique éponyme était surnommé... le Tigre. Et comme le dit la devise de ces unités, « Once a tiger, always a tiger ».


Photo de famille autour du SEM n°15, décoré à l'occasion du rendez-vous international « Tiger Meet » sur la BAN Landivisiau (25 juin 2008).

Du 3 au 14 décembre 2007, des exercices d'appontage et décollage simulés ont lieu sur la base d’aéronautique navale de Landivisiau. Pour pallier à la longue période d’entretien du porte-avions Charles de Gaulle, et se rapprocher au maximum des conditions de travail à bord du porte-avions, le pont d’envol du Charles de Gaulle a été retracé sur la piste d’un parking pour délimiter la zone sur laquelle les aéronefs appontent habituellement et se déplacent sur le pont. Participent à cet exercice des Super-Etendard, des Rafale, un Hawkeye et un Super Frelon.

Le 25 juin 2008, plus de 30 000 personnes profitent de l'ouverture de la base de Landivisiau, à l'occasion d'une journée portes ouvertes en présence des appareils réunis pour le Tiger Meet. Cet exercice annuel de l'OTAN, qui rassemble les escadrons arborant le félin sur leur emblème, se caractérise par un concours de livrées tigrées sur les carlingues des appareils. Rafale, Super-Etendard, Grippen, F18 et autres Mirage 2000 étaient au rendez-vous, côtoyant des appareils de légende, comme le Mustang, le Skyraider ou encore le Zéro japonais.


Le LV Sébastien Lhéritier (photo MN)
Le 1er octobre 2008, le Super-Etendard Modernisé du lieutenant de vaisseau Sébastien Lhéritier s'écrase en mer, au nord de Morlaix, après une collision avec un autre SEM, lui aussi perdu, mais dont le pilote est retrouvé vivant par les secours.

Les recherches permettent de retrouver par 80 mètres de fond de nombreux débris des deux avions, puis le corps du pilote disparu, qui est récupéré le 20 octobre. Présent lors de la cérémonie, le ministre de la Défense, Hervé Morin, a rendu hommage à un officier remarquable « qui avais mis sa passion et son engagement au service la nation ». « Un grand s'est envolé », a souligné pour sa part l'amiral Pierre-François Forissier. Pour le chef d'Etat-major : « l'aéronautique navale et la Marine tout entière sont frappées de stupeur et de chagrin ».

Le LV Lhériter s'était engagé dans la marine à l'âge de 20 ans, en 1992. Trois ans après, il obtenait son brevet de pilote de chasse puis devenait pilote d'assaut sur Super-Etendard Modernisé. Affecté successivement aux flottilles 17F et 11F, basées à Landivisiau, l'officier était devenu chef de patrouille puis chef d'instruction, officier sécurité et enfin chef du service opération au sein de la 17F en 2005. Prenant part aux premières missions d'avions de combat français en Afghanistan, totalisant 15 ans de service et 61 missions de combat, il avait été récompensé plusieurs fois pour son sens élevé du devoir. Détenteur de la Croix de guerre des théâtres des opérations extérieures et de la Croix de la valeur militaire avec étoile de bronze, le LV Lhéritier a reçu, à titre posthume, la croix d'officier de la Légion d'honneur.

Net-Marine © 2007. Copie et usage : cf. droits d'utilisation. Sources : Historique officiel flottille 11F ; Communiqués de presse ; médias divers; etc ...)


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