Par le CF (H) Michel du Couëdic de Kerérant - Article paru dans la Revue du pays d'Argentan. Charles René Louis, vicomte Bernard de Marigny, né à Sées le 1er février 1740, qui s'est illustré durant la guerre d'indépendance des États-Unis, lors du combat de la frégate la Junon.
Les Bernard de Marigny sont une ancienne famille de Normandie. Nous les soupçonnons de descendre d'un des compagnons de Guillaume de Normandie durant la conquête de l'Angleterre, qui a fait souche dans un autre coin du département, près de Gacé : les Bernart, de Courménil et d'Avernes, famille connue pour ses douze marins, tous chevaliers de l'ordre de Malte. L'un des Marigny, d'une génération précédente, est dit " cousin du marquis de Chambray ". En revanche, nos
Marigny ne sont pas parents du marquis de Marigny, frère de Madame de Pompadour
qui, responsable des Beaux-Arts sous Louis XV, choisit l'architecte Gabriel,
un Argentanais célèbre, pour tracer les plans de la place de la Concorde.
Nous nous intéresserons plus particulièrement au second, Charles, le plus célèbre, qui est né à Sées. Il eut de bonne heure la vocation maritime. En 1754, à quatorze ans, il devient garde de la Marine. Il a pour condisciple Jean Isaac Chadeau de la Clochetterie, le futur commandant de la Belle Poule lors de son combat contre la frégate anglaise l'Arethusa sur la côte Nord de la Bretagne, près de Plescoat, combat qui marqua le début de la guerre d'indépendance des Etats-Unis. Comme Marigny l'aîné, la Clochetterie fut tué à la fin de cette guerre, à la bataille des Saintes, au commandement d'un autre vaisseau, l'Hercule. Les carrières
de Charles Bernard de Marigny et de la Clochetterie se sont croisées à plusieurs
reprises.
Sa première mission
est délicate : raccompagner Franklin en Amérique. Les instructions qu'il reçoit
pour cette mission sont conservées aux Archives nationales.
Après le commandement
de la Sensible, il reçoit le commandement de frégate la Junon
et est affecté à l'escadre de Latouche-Tréville, le 7 août 1779. C'est là qu'il
va vivre la plus glorieuse page de sa carrière, en compagnie d'une autre frégate,
la Gentille, commandée par le chevalier de Mengaud de la Hage. L'affaire
se passe en Manche, près de Plymouth où les deux frégates sont en patrouille.
Elles rencontrent deux navires ennemis, un vaisseau anglais de 64 canons
nommé l'Ardent accompagné d'une frégate, le Fox. Les deux Français
n'hésitent pas à les attaquer malgré la disproportion des forces. Passé sous pavillon
français, l'Ardent fut commandé durant deux ans par Marigny. A son bord,
il s'illustra à nouveau aux Antilles sous les ordres de l'amiral de
Grasse, notamment au combat de St Christophe, en janvier 1782. Marigny est ensuite major de la 1ère escadre, en mai 1786. On raconte que lors de la visite de Louis XVI à Cherbourg, comme il était un homme de grande taille et de grande force, on lui demanda de porter Louis XVI, pour l'aider monter à bord d'un navire.Cette anecdote est racontée de façon différente par Victor Guyon des Diguères : " Marigny était chargé de l'inspection des ports, en 1789, et se trouvait à Cherbourg, lors du passage du roi Louis XVI. En descendant du canot royal, commandé par Marigny, le roi fit un faux pas et faillit tomber ; le commandant le saisit dans ses bras et le porta dans la chambre du canot. "Que vous êtes fort, M. de Marigny ! dit le roi. - Sire, reprit celui-ci, un Français est toujours bien fort quand il tient son roi entre ses bras." (Guyon des Diguères , La vie de nos pères, page 73, 1879. Note de M. Gérard Kempf dans l'article de le revue le Pays d'Argentan, N° 50, juin 2002.) Il est ensuite major général à Brest en 1790 et doit faire face à l'agitation révolutionnaire. Des troubles sérieux avaient été fomentés par l'équipage du vaisseau le Léopard ainsi que par les troupes du régiment de Port-au-Prince embarquées sur ce navire. La mutinerie avait aussi gagné l'America, premier vaisseau sortis des chantiers américains, qui avait été offert à la France par le Congrès des Etats-Unis. Le 15 septembre 1790, une potence est dressée devant son hôtel de Marigny et il est pendu en effigie par les insurgés. Huit jours plus tard, un décret de l'Assemblée nationale, signé de Louis XVI, ordonne des poursuites contre les mutins. Marigny réussit à ramener l'ordre, à force de négociations. En 1791, il est
promu contre-amiral. Lassé par les troubles de la Révolution, il démissionne
en 1792. Lors du procès de Louis XVI, qu'il connaissait personnellement, il
lui offrit de venir témoigner en sa faveur, mais le roi refusa. Marigny est
emprisonné durant la Terreur, ainsi que sa femme et sa fille. (Références bibliographiques : Archives nationales - Dictionnaire de biographie française - Les Ornais célèbres , CCI Alençon - O. Havard Histoire de la Révolution dans les ports de guerre II - Chevallier La Marine française durant la guerre de l'Indépendance américaine). |