Jean Coëtanlen

Assis sur un parapet à l'extrémité du port de Roscoff, Jean Coëtanlen fixe depuis des heures la vieille barge espagnole échouée dans le fond du bassin. En dépit de sa misérable apparence, l'épave abandonnée fait naître dans le coeur de l'adolescent un rêve que trahit déjà la lueur de ses yeux pâles. Il souhaite la remettreà flot, l'armer et battre l'océan pour son propre compte.

Devant les réticences du duc François Il qui n'encourage pas ses marins à devenir pirates, Coëtanlen s'en va quérir en France la somme nécessaire à la rénovation du navire. Reçu en audience par Louis XI, le souverain n'hésite pas à lui prêter deux cents livres, préférant avoir l'impétueux comme allié plutôt que comme adversaire.

Rentré en Bretagne, il achète la barge, la restaure et engage un équipage. Dès lors, tout vaisseau battant pavillon étranger est arraisonné : les objectifs de prédilection restant les bateaux anglais. Fort de ses victoires, il vend ses biens familiaux et obtient une avance de quatre armateurs de Saint Pol de Léon. Peu après, une flottille de six navires sort de la rivière de Morlaix. Pourtant, d'avantage que la course, les explorations vers le couchant hantent Coëtanlen. A chaque sortie, il s'aventure toujours plus loin.. C'est à la suite d'une absence prolongée que la flottille reparaît un jour chargée d'un bien exotique butin. Malgré les interrogations suscitées, l'équipage garde un mutisme inquiétant qui ne fait que renforcer le mystère de son voyage ...

Au retour d'une expédition, la flottille est prise en chasse par trois vaisseaux anglais fortement armés. L'équipage conseille à Coëtanlen de renoncer au combat "Non, rétorque le chef un Breton vaut bien six Anglais ". On simule la fuite de manière à étirer la colonne ennemie et les navires sont arraisonnés l'un après l'autre Les vainqueurs mettent cap sur Bristol, pillent la ville et capturent un bon nombre de notables. Coëtanlen jubile. Les "maudits Saxons" ont eu leur compte et les cales sont pleines. Accostant à La Rochelle pour faire estimer sa prise, à peine a t il jeté l'ancre que des émissaires représentant la Bretagne, la Guyenne et la France lui imposent chacun une forte dîme Furieux, Coëtanlen décide de s'exfiltrer durant la nuit. Profitant de la marée descendante, il fait rompre les amarres et se laisse dériver sans bruit Parvenu au large, il met les voiles. A Lisbonne. un accueil digne de sa renommée l'attend.

Coëtanlen fut promu amiral de la flotte par le roi Jean II qui était en guerre contre les Barbaresques. S'en suivirent de fastes cérémonies et l'on raconte que ce fut au coeur de l'une d'elles que des membres de son équipage à la langue trop pendue se seraient vantés devant un certain Colomb de connaitre la route des terres de l'Ouest...

D'après : L'agenda Marine 1997 (Edition Coeur de France 29, rue de Versailles 78150 Le Chesnay)