La participation des navires de surface à l'assaut


Le Georges Leygues.

L'engagement des croiseurs en zone américaine.

Le 27 mai, les commandants du Georges Leygues (capitaine de vaisseau Sauri) et du Montcalm (capitaine de Vaisseau Deprez) avaient reçu l'ordre d'ouvrir les sacs d'instruction-opérations : ils prirent connaissance de ces documents en présence du contre-amiral Jaujard, en rade de Belfast, dans l'après midi du 28. Incorporés dans le groupe d'assaut 124 (Omaha: contre-amiral Hall) de la Western Task Force américaine, les deux croiseurs formaient, avec le cuirassé Arkansas, le groupe d'appui n° 2 du groupe de soutien 124-9 (contre-amiral Bryant).

Le jeudi 1er juin, l'amiral Bryant réunissait sur le cuirassé Texas les officiers français et leur exposait brièvement les principaux points de leur mission, d'après les instructions et les volumineuses corrections qui n'avaient cessé d'affluer. Les 3 bâtiments du groupe Arkansas devaient mouiller. à l'aube du jour " J ", à 3 milles de Port-en-Bessin et appuyer de leur feu les forces d'invasion: tir de contre batterie sur toute pièce ennemie se signalant dans leur secteur; réduction par l'artillerie principale de blockhaus et de nids de mitrailleuses minutieusement désignés; artillerie de 90 battant la plage de Saint-Laurent où s'effectuerait le débarquement. Une fois la tête de pont solidement constituée, l'artillerie de 152 devait soutenir la progression des éléments débarqués. sur indication d'un observateur terrestre, "Shore Fire Control Party" (SFCP), ou sur renseignement donné par avion. Le 31 mai, les instructions avaient déjà été communiquées aux officiers et les bâtiments " mis sous scellés", c'est-à-dire entièrement coupés de la terre.

L'approche

Dans la nuit du 1er au 2 juin, les commandants apprenaient que le jour " J " était fixé au 5 juin et l'heure " H " à 06h10. En conséquence, l'appareillage eut lieu le 3 juin à 02h30, par un temps couvert et pluvieux. La brise du sud-ouest n'était pas encore significative mais elle ne tardait pas à fraichir et, vers 16h le vent atteignait la force 5. Le baromètre continuait à baisser et, si le vent mollissait (force 2), la mer présentait un creux inquiétant au matin du 4 juin. Aussi l'ordre de faire demi-tour arriva vers 07h30 quand tout le groupe se trouvait au large de Plymouth: vers 08h00 on apprit que l'opération était retardée de 24 heures: le jour "J" serait donc le 6 juin et l'heure "H" 06h30. Le groupe de cuirassés américains et croiseurs français suit la route inverse durant 12 heures conformément aux instructions.

La question du temps reste primordiale. Or, le vent continue à fraîchir jusqu'à 12h00. La visibilité est très mauvaise et la nébulosité considérable de 14 heures à 19 heures, crachin et pluie alternent avec un vent ouest-sud-ouest force 5 et une mer hachée (mer 5). Heureusement vers 19 heures, juste au moment où le nouveau demi-tour s'amorce, la pluie cesse, la visibilité s'améliore, la brise mollit. Devant Plymouth, vers 07 h 30, le Nevada quitte la ligne de file, le Montcalm prend poste sur l'avant du Georges Leygues. A 08 h 30 le croiseur anglais Glasgow s'intercale entre le Texas et l'Arkansas.

Le groupe de soutien 124-9 est donc formé. Le croiseur anglais Bellona (qui se place à 08 h 28, derrière le Georges Leygues) l'escorte pendant une heure, puis à 09 h 45 repart vers Plymouth. La mer se peuple de plus en plus; à 11 h 38, par exemple, le Georges Leygues se fait remonter par 8 dragueurs et 5 croiseurs. On se demande alors comment tous ces bâtiments pourront passer dans les chenaux que les dragueurs sont en train d'ouvrir dans les champs de mines, en baie de Seine. L'opération se déroule admirablement bien: pas une mine, pas un abordage, aucune réaction de la terre ou de l'aviation ennemie.