Echange de personnel dans l'anse de Canelle

Au retour de sa deuxième mission, le Casabianca est rapidement prêt à reprendre la mer après un court séjour à Alger où l'équipage s'emploie à réparer les avaries inévitables dues aux risques que le sous-marin est obligé de prendre, soit, en se posant sur le fond, soit en allant tâter les rivages sans points de repère. Les Services secrets d'Alger organisent de nouveaux contacts avec les agents débarqués en Provence qui font savoir que le point de débarquement à proximité du cap Taillat est excellent.

En Corse, le groupe Desaulle fait savoir que les patriotes ont trouvé sur la côte orientale à 40 milles environ au nord de Porto-Vecchio un point de débarquement: l'anse de la Cannelle, où la surveillance ennemie n'est pas très active. Le commandant Desaulle désire que le Casabianca vienne y reprendre ses cinq hommes et deux agents précédemment débarqués. La région de la Cannelle est basse et sableuse, ce qui ne simplifie pas l'approche du Casabianca, mais le commandant L'HERMINIER accepte de tenter l'opération" ne voulant pas refuser son aide à la mission Desaulle. La date sera fixée aux alentours de la nouvelle lune de mars. Le Casabianca se présentera d'abord au point X (cap Taillat) dans la nuit du 4 au 5 mars et les deux suivantes au besoin. Il se rendra à l'anse de la Cannelle (point Y) dans la nuit du 7 au 8 mars ou les deux nuits suivantes. L'accord est, réalisé sans ambiguïté avec les correspondants des missions Corse et Provence.

Le Casabianca appareille le 2 mars à 18 h 30, après avoir reçu accord pour les dates proposées. Les agents qui doivent être déposés en Provence ont été désignés par le 2ème Bureau français; ce sont trois officiers, dont deux sont spécialisés dans ce genre de travail. Les deux agents destinés à la Corse ont été choisis par les Anglais et doivent apporter des fonds à la mission Desaulle, bien qu'ils n'en fassent pas partie, ce qui, sur le plan de la clandestinité, n'est pas très orthodoxe, car il faut éviter les points de contact entre organismes distincts et qui doivent rester séparés. Le Casabianca, parti par beau temps, trouve une mer très dure au nord des Baléares. Dans la nuit du 4 au 5 mars, après avoir passé en plongée à portée du phare du Titan, le sous-marin continue à s'approcher de la côte à l'immersion de 40 mètres. Dès la pointe du jour, le temps est meilleur et le Casabianca va se poser sur le fond en baie de Cavalaire. Le 5 mars, à 15 h 10, il stoppe sur le sable par 50 mètres de fond. A 17 h 00, il repart et longe la ligne des sondes de 50 mètres en plongée périscopique vers le cap Lardier. A 20 h 30, il fait surface et reconnaît le cap Taillat. La houle persiste mais le vent est tombé. Le Casabianca approche à 600 mètres de la côte; mais la mer brise sur la plage, aucun signal n'est visible et il faut abandonner l'espoir de prendre contact dans la soirée. A 20 h 43, le Casabianca se pose à nouveau sur le fond. Le 6 mars à 00 h 50, le sous-marin décolle et revient se présenter vers la plage où il aperçoit des signaux optiques; mais il faut renoncer encore car il y a trop de ressac. A 01 h 30, le Casabianca se pose à nouveau sur le fond. Le 6 mars à 20 h 50, nouvelle tentative et mise à l'eau du youyou; mais le vent d'est se lève et fracasse l'embarcation contre le bord. Le Casabianca, trop prêt de la côte, doit se dégager comme il peut et l'opération est définivement abandonnée. Le commandant L'HERMINIER décide de faire route par gros temps sur la pointe du cap Corse, pour aller au rendez-vous de la Cannelle. Le 9 mars au matin, il plonge et vers 16 h 30, il repère le phare de la Giraglia et passe sur la côte orientale de la Corse. Il a quarante-huit heures de retard.

Dans la journée du 10 mars, le commandant recherche le ,point de rendez-vous difficile à repérer au nord de Porto-Vecchio; enfin positionné, le sous-marin Se pose par fond de 18 mètres sur les galets. A 19 h 50, le sous-marin se rapproche de terre et une heure plus tard, on aperçoit les signaux de l'enseigne de vaisseau Lasserre .Le Casabianca mouille à 21 h 50 et le lieutenant de vaisseau Bellet pousse avec les radeaux pneumatiques, mais ne peut arriver jusqu'à la plage. L'enseigne de vaisseau Lasserre fixe alors un autre rendez-vous à l'ouverture de l'anse de Favone, 3 milles au sud où il a pu décider un pêcheur à prêter son concours à l'opération. A 23 h 20, .le pêcheur accoste le Casabianca qui mouille. Les cinq hommes restés à terre à la première mission montent à bord, ainsi que Précioso et Griffi de l'équipe du commandant Desaulle. Les deux agents choisis par les Anglais vont à terre avec Précioso et Griffi. La mission au point Y est terminée après une réussite complète. Le Casabianca repart (à 00 h 17 le 11 mars) pour une journée de patrouille devant Bastia où il va attaquer la navigation ennemie. Le 11 mars à 13 h 48, le commandant L'HERMINIER lance quatre torpilles sur le cargo italien Tagliamento qui effectue un zigzag au dernier moment. Les torpilles manquent leur but. Durant l'après-midi du 11 mars, le sous-marin en plongée, aperçoit de nombreuses vedettes anti-sous-marines qui patrouillent à sa recherche. Le 12 à 05 h 45, il se prépare à attaquer la côte au canon quand il est grenadé et doit manoeuvrer jusqu'à 08 h 50 pour échapper à ses poursuivants. Le commandant décide alors de retourner au point X (cap Lardier) pour essayer de prendre contact avec la mission Provence et y débarquer les trois officiers français. Le 12 mars à 18 h 54, le Casabianca fait surface à 12 h 54 au nord du cap Corse et fait route sur le phare du Titan sur lequel il atterrit le 13 mars à 01 h 20. Il plonge alors et fait route sur la rade de Bon Porté. A 11 h 07. il est posé sur le fond en face du point X après avoir navigué à la sonde. Le 14 mars à 01 h 00, le Casabianca fait surface et approche à 200 mètres de la terre; mais la mer déferle et brise sur la plage et il est impossible de risquer d'aborder avec les radeaux pneumatiques.

Le 14 mars à 03 h 45, l'opération est abandonnée et le Casabianca plonge, route au sud à destination d'Alger. De retour à Alger, il est décidé que le sous-marin entre en petit carénage pour effectuer les réparations les plus urgentes à Oran. En particulier, une embarcation métallique à caisson étanche sera construite par les moyens du bord. Cet engin lourd et peu manoeuvrant aura l'avantage d'être insubmersible et beaucoup plus solide que les youyous précédemment utilisés dans les opérations de mise à terre de personnel.


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