LCT : Landing Craft Tank

La catégorie des "Landing Craft Tank" comprend quelque 8 versions, sensiblement différentes les unes des autres. I1 faut donc pouvoir les distinguer : pour désigner, par exemple, la quatrième version, on écrit parfois : "LCT(4)", mais cela ne se prononce pas aisément ; on a donc pris l'habitude de dire "LCT Mark 4", et d'écrire "LCT.Mk.4" (ou LCT.Mk.IV).

LCT Mark 4

Si le LCI et le LCG ont d'assez honnêtes silhouettes de bateaux de guerres, les LCT ont bien l'allure de ce qu'ils sont grandes plate-formes flottantes, très plates et très larges, avec un bloc passerelle à l'arrière. Ces bâtiments sont souvent désignés par l'appellation de "LCT anglais", ou de "LCT longs".

Dimensions
Longueur : 57 m
Largeur : 11.80 m
Tirant d'eau AR (lège) : 1.2 m
Tirant d'eau AR (pc) : 1.5 m
Armement :
un canon de 40 mm Bofors
4 canons de 20 mm
Energie - Propulsion
Motorisation : deux diesel Gray-Marine
Puissance : 1000 CV
Vitesse max : 8 noeuds (10 nds lège)
Déplacement
Lège : 250 t
Pleine charge : 500 t

Le LCT.Mk.4 (comme les Mk.1, 2 et 3) est de conception et de réalisation britanniques. C'est le plus grand des "chalands" de débarquement. La charge utile qu'il peut transporter est donc celle d'une douzaine de camions GMC classiques. La définition de la charge utile en nombre de chars de tel ou tel type, nécessaire en 1943 et 1944, est devenue à peu près sans objet en Indochine.

Les mouvements de chargement, ou déchargement, se font à l'aide d'une "rampe de débarquement", de près de 4 mètres de large, sorte de "porte" (on emploie d'ailleurs ce terme dans le langage courant) dont la charnière horizontale est située à peu près au niveau de la flottaison. Quand le. LCT est "beaché", il abat sa porte sur la berge et on effectue les mouvements voulus.

Le LCT.Mk.4 est apparu dans les Flottilles en mai-juin 1946, venant de Singapour : il a été de plus en plus apprécié, surtout au Tonkin, pour sa capacité de transport, son tirant d'eau modéré et sa robustesse ; on lui a parfois reproché de ne pas pouvoir faire demi-tour dans certains rachs trop étroits, mais sa longueur est bien évidemment la rançon de sa capacité de transport ! Le nombre de LCT.Mk.4 en service a été constamment croissant : il est passé de quatre en 1946-47 à treize en 1954.

Nota 1 : Lors d'une des négociations d'achat de matériel, en 1948, la Mission Française à Singapour a fait remplacer à la dernière minute un LCT.Mk.4, jugé en trop mauvais état, par un LCT.Mk.3 en meilleure condition : ce bâtiment Mark 3 seul de son espèce le LCT 7016, a une silhouette un peu différente et un tirant d'eau un peu supérieur, mais il rend les mêmes services que les LCT.Mk.4 et on finit par le considérer pratiquement comme l'un d'eux ; il navigue encore en 1954.

 
1946
1947
1948

1949

1950
1951
N° OTAN
1952
1953
1954
1955
...
LCT 1104
 
 
 
 
 
 
L 9060
 
 
 
15/9/55
 
LCT 1126
 
 
 
 
 
 
L 9061
 
 
 
 
22/3/56
LCT 1139  
 
 
 
 
 
L 9062
 
 
 
 
25/3/68
LCT 1156  
 
 
 
 
 
L 9063
 
 
 
 
6/11/56
LCT 1157  
 
 
 
 
 
L 9064
 
 
 
15/9/55
 
LCT 1187  
 
 
 
 
 
L 9065
 
 
 
 
11/12/64
LCT 1257
 
 
 
 
 
 
L 9066
 
 
 
 
6/11/56
LCT 1276
 
 
 
 
 
 
L 9067
 
 
 
 
13/1/56
LCT 1311
 
 
 
 
 
 
L 9068
 
 
 
 
4/7/57
LCT 1313
 
 
 
 
 
 
L 9069
 
 
 
 
8/3/61
LCT 1329  
 
 
 
 
 
L 9070
 
 
 
 
9/12/63
LCT 1348  
 
 
 
 
 
L 9071
 
 
 
 
8/3/61
LCT 7016
 
 
 
 
 
 
L 9072
 
 
 
 
23/2/60

LCT Mark 6

Le LCT.Mk.6 est dit aussi LCT américain ou LCT court. Sensiblement plus petit que le Mk 4, il a évidemment une charge utile plus faible. Son armement est resté ce qu'il était à l'origine.

Dimensions
Longueur : 36,70 m
Largeur : 9,75 m
Tirant d'eau AR : 1.5 m
Armement :
deux canons de 20 mm
Equipage :
...
Energie - Propulsion
Motorisation : trois hélices associées chacune à un diesel Gray-Marine
Puissance : 1500 CV
Vitesse max : 8 noeuds
Déplacement
Lège : 120 t
Pleine charge : 270 t
Charge utile : 150 t

Sa passerelle est complètement déportée sur le côté, à tribord, de manière que la plateforme qui constitue le "chaland" puisse être parcourue de bout en bout par des véhicules (utilisation du LCT comme "ponton" intermédiaire entre un LST et la plage, par exemple) ; mais cette possibilité n'offrant pas d'intérêt en Indochine, l'arrière des LCT.Mk6 de la Flottille a été fermé par des construction surajoutées pour le logement de l'équipage.

Mais les LCT.Mk.6 ont deux inconvénients importants, une vitesse insuffisante, ne dépassant pas 8 noeuds à lège et tombant à 6,5 noeuds en charge, et une mauvaise tenue à la mer. Pour ces deux raisons, les 5 LCT.Mk6 reçus de Manille en mai 1946 sont toujours restés en Cochinchine. L'un d'eux, le LCT 720, est transformé en atelier itinérant, et comme tel, rend de grands services.

 
1946
1947
1948

1949

1950
1951
N° OTAN
1952
1953
1954
1955
1956
LCT 622
 
 
 
 
 
 
L 9085
 
 
 
 
7/56
LCT 635  
 
 
 
 
7/6/51
 
 
 
 
 
 
LCT 696
 
 
 
 
 
 
L 9090
 
21/7/53
 
 
 
LCT 720  
 
 
 
 
 
L 9091
 
 
 
 
14/3/56
LCT 799  
 
 
 
 
 
L 9092
 
 
7/5/54
 
 
LCT 834  
 
 
 
 
 
L 9093
 
 
7/5/54
 
 
LCT 1221
 
 
 
 
 
 
L 9086
 
 
1954
 
 

Le LCT canonnière et les modifications du LCT.Mk4

Le projet de LCT canonnière procède à la fois de la dialectique toujours renaissante du canon et de la cuirasse, et des plus hautes spéculations sur les fins et les moyens.

Le 7 août 1952, le commandant de la Marine au Tonkin écrit : "le gros engin, blindé contre le calibre de l'artillerie adverse (105, voire 150),.écrasant celle-ci par son propre calibre, et de tirant d'eau assez faible pour remonter les rivières des confins (du delta), en un mot le véritable Char lourd du fleuve, nous fait défaut" (Rapport n°99 EM.1/Org/Comar Haïphong : "Enseignements de la guerre fluviale (Tonkin)")

Les blindages épais et les gros canons étant incompatibles avec la stabilité des LCI, LSIL et LSSL, les concepteurs jettent leur dévolu sur le LCT.Mk4, qui a une réserve de flottabilité de 250 tonnes. Le projet envisage, pour trois ou quatre LCT :

  • une (ou deux) pièce "Marine" de 130 à 150 (avec une préférence pour "un 138 modèle 1910 ou 1927, matériel excellent et rustique, tirant à douilles, bien connu de notre personnel et existant encore en quantité"), axiale, en barbette de 10cm et sous masque épais,
  • deux mortiers de 120 en cuve,
  • deux affûts doubles de 40 Bofors télécommandés sous masque, six à huit canons de 20 Oerlikon, des lance-grenades et des armes automatiques de passerelle" (Rapport n°57 EM.3/Plans/F.M.E.O. du 3 mars 1955).

La réalisation est plus modeste : un seul LCT, le L9069 dont le spardeck est plus spacieux que les autres, se voit installer, au début de 1953 :

  • deux canons de 105 mm
  • un mortier de 120 (à l'emplacement du précédent canon de 40)
  • deux canons de 40, simples, et sans télécommande (un sur chacun des deux massifs encadrant la porte, à l'avant),

et il conserve (en modifiant l'installation) les quatre canons de 20 qu'il a déjà. Les autres LCT du Nord Vietnam sont aussi équipés du mortier de 120 et des deux canons de 40 à l'avant, mais pas des pièces de 75.

L'amiral F.M.E.O., dans son rapport déjà cité, fait allusion aux "résultats excellents obtenus en 1953-54 par le L9069, canonnière encore bien insuffisante", et. "déplore" l'absence de réalisation des engins offensifs souhaités.

Les raisons avancées pour cette abstention sont simples : d'une part., la mission des LCT est d'assurer un certain nombre de transports et ils n'y parviennent qu'avec peine, et d'autre part, il est devenu impossible de se procurer de "nouveaux" LCT.Mk4 à l'extérieur.

Mais on peut s'interroger sur ces raisons elles-mêmes : les transports confiés aux LCT ne peuvent-ils réellement pas être effectués par d'autres moyens ? Les missions de nature militaire et offensive que leurs promoteurs ambitionnent pour les LCT-canonnières sont-elles sans intérét pour la conduite des opérations au Nord Vietnam et, dans le cas où l'accomplissement simultané des deux types de missions serait souhaité, l'industrie française n'est-elle pas capable, en 1952-53, de produire rapidement les engins voulus ? Ces questions sont du domaine de la conduite générale de la guerre : des interrogations essentielles de cette nature se posent plus rarement aux marins qu'aux soldats, au cours de ce conflit, mais le développement, ou plutôt le non-développement, du LCT-canonnière en est un exemple particulièrement net.


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