Bâtiments divers

D'autres jonques sont armées au Tonkin, avec des moyens de fortune elles aussi, par les marins qui avaient pu passer en Chine en mars 1945 et que commande le lieutenant de vaisseau Plichy : on relève les noms de Fégaf, Vieux Charles (surnom affectueux du CV Commentry, commandant la Marine au Tonkin avant le 9 mars 1945), Etoile, Belle Poule, Blue Bird, Jocelyne, Anne-Marie, Joelle. Ces jonques ont une activité intense, de patrouille et de lutte contre la "piraterie", dans la baie d'Along, la baie des Faï-Tsi-Long, l'archipel des Kao-Tao et les abords de Moncay ; mais il ne s'agit pas là d'opération sur le Fleuve...

Pendant les années 1946-47, on utilise aussi des "chaloupes chinoises" en assez grand nombre et, semble-t-il, surtout en Cochinchine, Une chaloupe chinoise est une sorte de bateau-mouche, à deux étages, le plancher de l'étage inférieur étant si proche de la flottaison qu'on se pose constamment des questions sur la stabilité du bâtiment ; l'étage supérieur est couvert par un toit horizontal, situé à moins de quatre mètres au-dessus de l'eau, car les étages sont fort bas ; du milieu du toit émerge une grosse cheminée, souvent rabattable pour le passage sous les ponts. La chaloupe est en effet propulsée par une machine à vapeur, chauffant au bois ; la longueur varie entre 20 et 30 mètres, et le tirant d'eau est de l'ordre de deux mètres. Les chaloupes chinoises, ainsi nommées parce que leurs propriétaires sont généralement chinois, sont les autocars ruraux des années 1900 à 1920 ; elles sont toujours en activité, car leur simplicité et leur robustesse en font des engins inusables. Il existe cependant des engins plus modernes, à un seul étage et propulsés par un moteur à explosion, qui ont reçu l'appellation de "tramways d'eau" ; ils sont beaucoup moins répandus.

Les chaloupes réquisitionnées par la Marine sont hâtivement munies de quelques plaques de blindage (derrière lesquelles les hommes couchés ou accroupis ont au moins l'avantage de ne plus être vus de l'adversaire), et reçoivent un armement généralement léger : au maximum une mitrailleuse de 12,7mm, et des armes portatives.

Sur l'année 1946, et pour la Cochinchine, on peut relever les noms d'au moins 31 chaloupes différentes ; mais le nombre d'engins en service simultanément ne dépasse pas 20, et de ce nombre, il faut retrancher toutes les chaloupes utilisées à des tâches de servitude ; si bien que le nombre des chaloupes en service pour des fins opérationnelles n'est que de six en moyenne ; trois noms se distinguent dans les compte-rendus d'activité : ceux de l'Opiniâtre, de l'Embuscade, et surtout de la Chimère.

Dans les premières années, sinon méme dans les premiers mois, et toujours en Cochinchine, la Marine possède, au-moins sur le papier, un certain nombre d'autres petits bâtiments provenant de la Marine japonaise. Au 15 mars 1946, figurent ainsi dans un rapport (compte-rendu d'activité pour mars 1946 - n° 80 EM..3/B.M.E.O. du 16/04/46) :

  • "deux vedettes japonaises, Y1 et Y2, en armement",
  • "quatre LC japonais - en armement assez avancé : Crabe, Araignée, Grillon, et Otarie,
  • "treize LC japonais - à armer".

Les autres documents qui font état de landing craft japonais les mentionnent en nombres toujours moindres, et les indiquent le plus souvent "en armement`ou "en mauvais état". Cependant, au 1er janvier 1946, trois "LCVP japonais" (sic) sont signalés en service : ce sont peut-être ces trois engins qui, le pavillon de la Royal Navy à la poupe, un gabier japonais casqué à la barre et un mécanicien japonais auprès des moteurs, ont transporté, de Saïgon au bac de My-Loï dans la nuit du 24 au 25 octobre 1945, les marins français de la compagnie.de débarquement du Richelieu chargée de s'emparer de la ville de Go-Cong (les engins en question devaient cependant avoir la taille de LCM plutôt que celle de LCVP ).

D'autre part, le Crabe et l'Araignée, dépassant le stade de "l'armement avancé" indiqué en mars, sont signalés comme étant en service au 15 octobre, et à nouveau à la fin de décembre 1946 ; mais on ne saurait dire combien de temps cela dure...

Ces LC japonais sont le plus souvent en bois ; ils ont une ligne basse et effilée avec une rampe de débarquement très inclinée. Bien que ce ne soit pas très orthodoxe, on n'a pas hésité à leur attribuer le sigle de ... LCJ !

Enfin, la Marine à Phnom-Penh, dont la mission principale est la réorganisation, la régulation et le contrôle du trafic fluvial sur le Mékong (vers l'amont comme vers l'aval), est amenée et autorisée à mettre sur pied une "Flottille du Cambodge" par ses propres moyens par récupération d'engins japonais, par location à des particuliers, par emprunt au service des Douanes, cette Flottille s'équipe, formée de vedettes et d'embarcations assez diverses ayant pour qualités commune un faible tirant d'eau et une bonne vitesse (pour vaincre les courants souvent. très forts). En octobre 1946, elle compte treize unités ; en mai 1949, elle en compte encore sept. Son plus beau fleuron est une grosse vedette, sorte de VP en plus petit, portant le nom de Borel.