Les chalands cuirassés

Il s'agit probablement là du plus bel exemple de ce que put réaliser l'esprit inventif du commandant Jaubert et de son équipe. A partir de vieux chalands automoteurs destinés au transport du riz paddy entre le Transbassac et Saïgon, grande bailles en fer ; qui ne sont rien d'autre que de grandes cales avec un moteur à l'arrière (et quel moteur ! ), cette équipe réussit à faire naître des engins de guerre, toujours très inesthétiques mais puissamment armés, et capables de transporter chacun une compagnie.

Ces chalands appartiennent initialement à la famille Gressier, dont la "ferme" est située à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Cantho, sur le canal Xa-No ; on utilise donc souvent la dénomination de "chalands Gressier" pour ces bateaux.

Dimensions
Longueur : 30 m
Largeur : ... m
Tirant d'eau : 1.20 à 1.80 m
Energie - Propulsion
Motorisation : "semi-diesel à point chaud", ou Bolinder, à un seul cylindre
Puissance : 25 à 45 CV
Vitesse max : 5 à 7 noeuds
Armement :
- deux canons japonais de 25mm
- deux mitrailleuses Hotchkiss de 13,2mm ;
- trois ou quatre mitrailleuses américaines de 7,62 mm ;
- un mortier de 81 mm.

Les canons japonais de 25mm sont de curieuses extrapolations des mitrailleuses Hotchkiss de 8 et de 13,2 mm, et sont soit installés en deux affûts simples, soit montés sur un affût double avec une sorte de tourelle. Une des unités, la Foudre, est même, à partir de 1949, dotée d'un canon de 75 mm de l'Armée .... dont les secteurs de battage s'étendent largement des deux côtés, mais ne se rapprochent malheureusement pas assez de l'axe.

Le moteur est très robuste, et même rustique, mais il a deux inconvénients : le passage en marche arrière n'est jamais sûr de réussir, et la vitesse du bateau est faible.... De plus, il n'y a qu'une hélice, ce qui n'est pas favorable à la souplesse de manoeuvre.

La cale est aménagée de manière à pouvoir embarquer et faire débarquer des troupes, et à loger l'équipage : ceci se traduit par la construction, sur le pont, de sortes de baraques de banlieue, où le bois alterne avec les plaques de blindage ; et il n'y a pas de WC...

Ces bâtiments ont reçu de leur créateur l'appellation de "chalands cuirassés", mais on les appelle aussi "cuirassés de rivière" (dans les premiers temps, et, semble-t-il, sérieusement), et encore "cuirassés de rizière" (plus tard, et non sans une réelle affection sous l'apparente dérision).

Tels qu'ils sont, ils rendent d'immenses services en 1946 quand on n'a rien de mieux (les LCI sont au Tonkin, ou, encore en armement), puis, concurremment avec les autres bâtiments, quand les besoins se multiplient plus vite que les bateaux.

La Flottille compte dans ses rangs :

  • quatre chalands cuirassés au 1er janvier 1946 : Dévastation, Lave, Tonnante et Foudre,
  • et deux de plus au 15 mars 1946 : Volcan et Terreur.

Après que la Lave ait sauté sur une mine le 16 juin 1947, une nouvelle Lave (ou Lave II entre en service au bout d'un laps de temps de quelques mois ; et il y a de nouveau six chalands cuirassés en service pendant un an. Puis la Tonnante et la Terreur sont condamnées (automne 1948) ; ensuite c'est. le tour de la Dévastation et du Volcan (automne 1950) ; la Lave est rayée à son tour, en 1952, cependant que la Foudre est rebaptisée Tonnerre à cause de l'entrée en service d'une autre Foudre, plus "militaire" ; le Tonnerre, enfin, est toujours en service en 1954.